Si les grands chantiers de la première alternance survenue en 2000 n’existaient pas, le président Abdoulaye Wade les aurait sans doute créés. Bien que ce soit des infrastructures symbolisant le développement d’un pays, ces travaux avaient aussi, — hélas ! — permis aux autorités politiques et autres entrepreneurs véreux de s’enrichir et d’enrichir tout ce que le Sénégal compte comme sociétés nationales et étrangères en Btp : Eiffage, Cde, Cse, Sénac etc. En dix ans, des milliers de milliards cfa ont été dépensés à travers des marchés à la « Diaobé », c’est-à-dire avec plein de gré à gré. Pendant ce temps, le Génie militaire, pourtant apte à faire tous ces travaux de… génie civil, avec ses gros équipements, ses brillants officiers ingénieurs et ses braves hommes de troupe était laissé en rade. Des militaires du Génie qui passaient leur temps à cirer leurs rangers dans les casernes alors qu’ils pouvaient réaliser toutes ces infrastructures. Et à moindre coût ! « Le Témoin » a enquêté sur ce grand « Bataillon des Travaux publics »/ Btp version Armée…
En 1960, lorsque notre pays accédait à la souveraineté internationale, le plus bel édifice qui faisait — et qui fait encore jusqu’à présent — la fierté de la nation tout entière, c’est l’Armée ! Une Armée républicaine, disciplinée et loyale, mais aussi professionnelle. Surtout, une Armée de métier sagement confinée dans ses casernes, faute d’ennemis parce que le Sénégal a toujours entretenu de très bonnes relations avec ses voisins.
Cet esprit de bon voisinage avait poussé le président Léopold Sédar Senghor à transformer notre Armée nationale en une Armée de Développement. Un concept qui consiste à faire participer les militaires au développement économique et social de notre jeune nation. Compte tenu de la stabilité politique du pays et de la sous- région, l’Armée sénégalaise, par le biais du Bataillon des travaux du génie, était donc engagée sur plusieurs fronts… de développement. Appelé le corps ou l’arme des « cracks » et des « savants », le Génie militaire est composé, du moins pour sa partie encadrement, par de brillants officiers ingénieurs en ponts et chaussées ainsi que dans d’autres domaines du génie civil.
A Dakar comme en Casamance, au Fouta comme dans le Baol ou dans n’importe quelle partie du Sénégal, le Génie militaire a beaucoup contribué au développement de notre pays aussi bien dans son aspect purement militaire – le Génie combat – que sous sa forme Service, à la réalisation des infrastructures. La preuve, de 1960 jusqu’à son départ en 1981, le président Senghor a confié plusieurs projets d’infrastructures aux soldats du Génie militaire. Entre autres exemples, le fameux barrage de kheune, la construction d’écoles, de lycées, de dispensaires, de postes de santé, de pistes rurales etc. Le Génie militaire a aussi réalisé des ponts et chaussées ainsi que des ouvrages hydrauliques.
Parmi les grands projets de ce « bataillon des travaux publics » (Btp), le désenclavement de l’ile à Morphyl dont les habitants étaient coupés du reste du pays pendant l’hivernage. Une situation alarmante qui avait poussé le gouvernement à activer le Génie militaire pour la création de pistes de communication entre les villages inondés.
Il avait aussi réalisé le désenclavement local de certaines zones à Tambacounda ou en Casamance avec la construction de pistes de production ou pistes cotonnières. « D’ailleurs, c’est grâce au Génie militaire que la Sodefitex a existé » se souvient un ancien Cemga à la retraite. Dans le Walo, le Génie y avait implanté des villages pionniers pour permettre aux soldats et aux populations locales de s’activer dans l’agriculture 12 mois/12. « Cette idée du Génie a été transformée en plan Reva (Retour vers l’agriculture) beaucoup plus tard par le président Me Wade » nous dit-on.
Si le président Senghor s’inspirait de son concept/slogan « Armée, un outil au service du développement », son successeur le président Abdou Diouf en avait son « Armée/Nation ». Deux notions différentes mais visant le même but : Servir la Nation. Pour montrer que l’Armée est partie intégrante de la Nation, le président Diouf avait consenti beaucoup d’efforts pour promouvoir l’esprit de solidarité et d’assistance des soldats à l’endroit des populations. Outre la santé militaire aux petits soins des populations civiles malades, le Génie réalisait des projets d’infrastructures de qualité à un coût relativement bas. Même le curage des caniveaux de la Gueule Tapée et autres égoûts de la capitale dakaroises était souvent confié aux soldats du Génie. On appelait cela opération « Augias ».
Hélas, de nos jours, surtout depuis que le président Abdoulaye Wade a accédé au pouvoir, les autorités politiques ou municipales contournent allègrement le Génie militaire avec ses gros moyens humains et matériels pour aller filer les marchés de curage des canaux à ciel ouvert à des entreprises dont les surfacturations grèvent dangereusement les maigres ressources de notre pays.
Sous l’ère Diouf, la gestion des inondations dans la banlieue était l’affaire du Génie militaire et non des sapeurs pompiers. « Parce que les pompiers sont des spécialistes en incendies bien que le corps soit une branche du Génie militaire. Les pompiers peuvent intervenir dans de petits cas de sinistres comme les noyades, le pompage des maisons inondées etc… mais quand il s’agit de catastrophes naturelles provoquées par des inondations ou des raz-de-marées, en tout cas des situations où il faille créer des caniveaux ou faire des irrigations et construire des digues, c’est le domaine du Génie militaire » nous explique l’ancien directeur du Génie, le lieutenant-colonel Souleymane Sall (voir interview exclusive).
« L’Armée, un outil au service du développement », c’était une réalité plus qu’un slogan sous le magistère du président Abdou Diouf. A preuve, à la veille des rentrées de classes, le Génie retapait l’essentiel des collèges et lycées du Sénégal après y avoir mené des opérations de désherbage. « Même la confection de tables-bancs en procédure d’urgence était confiée à l’Armée, histoire d’alléger le budget de la rentrée des classes avec ses nombreux problèmes » nous explique cet ancien conseiller technique militaire ayant servi pendant plus de sept ans à la Primature.
Rapport « qualité/gratuité » contre « qualité/prix/surfacturation »
Après s’être installé à la magistrature suprême en 2000, Me Abdoulaye Wade est venu avec son concept tout spécial « Armée et Démocratie ». Dieu sait qu’au début, ils étaient très nombreux les officiers, sous-officiers et hommes du rang à se perdre dans ce concept. Jusque-là enracinés dans les valeurs apolitiques de l’Armée sénégalaise et équidistants des choses politiques, les militaires n’ont connu le chemin des urnes que sous le président Wade.
Poursuivant la mise en œuvre de son concept, le successeur de Diouf signait un décret historique autorisant les femmes à s’enrôler dans l’Armée sénégalaise. Une Armée dont le recrutement était jusque-là exclusivement réservé aux hommes. Et pendant que les soldats du génie étaient consignés dans les casernes de la démocratie, Me Abdoulaye Wade sonnait le départ des grands chantiers de l’Etat. En compagnie de sa curieuse Armée de travaux publics composée d’entreprises civiles comme la Compagnie sahélienne d’entreprises (Cse), le Consortium d’entreprises (Cde), Eiffage/Sénégal (ex-Fougerolles), Senac etc., Me Wade Abdoulaye Wade traduit ses rêves pour le Sénégal en infrastructures.
En effet, sous son magistère, Dakar est devenue une ville neuve avec ses routes, ses autoroutes à péage, ses ponts, ses tunnels, ses échangeurs etc. Et pendant plus les douze ans de règne de l’Alternance, des centaines de cases des tout-petits, des milliers d’écoles, de lycées et d’universités ont été construits par des petites et grandes entreprises de Btp. Ou par des tailleurs ou des « bana-banas » à qui ces marchés étaient attribués et qui les sous-traitaient ! Certes, le Génie militaire n’a pas vocation à se substituer aux entreprises de BTP civiles, au risque de les pousser à mettre la clef sous le paillasson en réduisant au chômage des milliers de travailleurs, et nous ne prétendons pas non plus qu’il pouvait construire mieux que ces sociétés, mais les soldats offraient un rapport qualité/prix qui confinait à la gratuité ! « Ces routes ou autoroutes à péage, le Génie avait des ingénieurs et hommes ainsi que des matériels lourds pour les réaliser.
Et ce gratuitement au service du développement. Parce qu’un soldat du Génie militaire n’a droit qu’à une prime de chantier. C’est tout ! » nous confie un sous-officier du Génie militaire. Le même soutient que les brillants ingénieurs et autres géomètres du Génie miliaire ont réalisé gracieusement tous les aéroports régionaux du Sénégal. « Je me souviens que le président Abdou Diouf avait donné des instructions fermes au ministre des Transports aériens pour lui demander de donner tous ces projets à l’Armée, histoire de mettre fin à l’agitation des entrepreneurs véreux » a-t-il ajouté. Toujours est-il que, sous le régime de Me Abdoulaye Wade, le Génie militaire a été le grand oublié des gigantesques chantiers de l’alternance.
Même les plus petits projets consistant à construire des cases des tout-petits ou à implanter des forages tombaient dans l’escarcelle des entreprises privées. Lesquelles présentent l’avantage, après surfacturation, de ristourner des commissions ! Autrement dit, avec ces entreprises civiles, le rapport qualité/prix/surfacturations l’emporte toujours sur l’offre qualité/gratuité/citoyenneté. Pas étonnant dans ces conditions d’assister au sinistre ballet des entrepreneurs de Btp, promoteurs immobiliers et hommes d’affaires véreux devant la Crei (Cour de Répression de l’Enrichissemement illicite) via la Section de Recherches de la Gendarmerie nationale. Les marchés publics d’infrastructures étaient en effet de véritables mangeoires sous Wade !
En attendant que le président Macky Sall (ou ses conseillers militaires) nous donne le concept sous lequel le chef suprême des Armées compte faire travailler davantage les soldats au service du développement, « Le Témoin » estime qu’il est grand temps de transformer de nouveau les forces armées nationales en Armée de développement. Et ce, pour le plus grand profit de notre économie nationale…
Le Témoin via seneplus
Article pertinent,le génie militaire a joué un rôle important dans la construction des écoles,dispensaire et des routes,qu’est ce que nos politiciens ont fait de ce corps miltaire.
Ca me rappelle ma jeunesse a Bignona à coté de la caserne où il n’y avait que le génie militaire,de vrais guerriers
Je ne reviendrais pas sur mes propositions que j’avais faites au Président Abdoulaye Wade, qui consistaient à former des milliers de militaires du Génie Militaire en Génie civil, avec un grade minimum de caporal dès la fin de leur formation, avant d’octroyer au moins 40% des chantiers de travaux routiers, autoroutiers et d’aménagements des terre cultivables de la vallée du fleuve à ce corps.
Evidemment, il y aurait des résistances émanant de quelques Sociétés qui gravitent dans ce vaste troupeau de vache à lait, mais on n’en aurait rien à cirer comme dirait l’ancien Premier Ministre de François Mitterrand, Edith Cresson !