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Travaillons, prenons de la peine ! Par Mamadou Oumar Ndiaye

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Il semble que, en lieu et place du traditionnel Conseil des ministres hebdomadaire, le président de la République a choisi de convoquer ce jeudi un Conseil présidentiel sur l’Investissement consacré à la situation économique de notre pays. Il ne serait que temps ! Car nul n’est besoin d’être grand clerc ou spécialiste des questions économiques pour se rendre compte que le Sénégal traverse une situation très difficile et que nos compatriotes éprouvent les plus grandes difficultés à joindre les deux bouts. Dans leur grande majorité, les classes moyennes se sont appauvries tandis que beaucoup de PME, PMI et TPE (Petites et moyennes, très petites entreprises et industries) sont en cessation de paiement, si elles n’ont pas mis la clef sous le paillasson depuis longtemps.

Quant aux acteurs du secteur informel, ils en sont réduits eux aussi, sinon à se tourner les puces à longueur de journée, du moins à chercher désespérément le diable pour lui tirer la queue ! La faute avant tout à la conjoncture économique, bien sûr, le monde vivant l’une de ses plus graves crises depuis la grande dépression de 1929. Une crise qui frappe particulièrement l’Europe, notamment la France, qui est notre premier partenaire bilatéral. Et quand la France elle-même entre en récession, que l’Espagne et l’Italie, autres grandes terres d’émigration pour nos compatriotes, sont soumises à des plans d’austérité particulièrement draconiens marqués notamment par des licenciements tous azimuts — lesquels touchent en particulier les immigrés, dont les Sénégalais qui y vivent —, alors bien sûr, notre pays ne peut qu’en souffrir. En effet, c’est de 600 à 700 milliards de francs que se chiffraient les envois annuels de notre diaspora. En 2012, ces envois ont piqué du nez et se situeraient aux environs de 450 milliards.

Pis : on a vu apparaître un phénomène tout à fait inédit dans l’histoire de l’émigration sénégalaise. En effet, un reportage publié par un journal de la place a montré récemment que, dans la plupart des localités du Nord de notre pays, la direction des envois s’est inversée en ce sens que désormais, ce sont les familles restées au pays qui expédient de l’argent à leurs enfants vivant en Europe ! Dans ces conditions, on ne s’étonnera guère que les divorces de ménages fondés par des « Modou-modous » ou des « Francenabés » se multiplient un peu partout dans le pays et que les émigrés n’aient plus la cote auprès de certaines femmes.

L’Europe entrant en récession, les contrecoups ne peuvent donc manquer de se faire ressentir dans notre pays. Il s’y ajoute que, depuis l’arrivée au pouvoir du président Macky Sall, son régime n’en finit pas de se chercher. Ou de chasser des sorcières dans le cadre de la traque aux biens supposés mal acquis sous l’ancien régime ! L’argent étant redevenu suspect dans ce pays, ou en tout cas devant prouver qu’il est d’origine licite ou propre, les détenteurs de fortunes ont vite fait de les transférer ailleurs ou de les planquer dans des coffres. A tout le moins, ils ont gelé tous leurs projets d’investissements. Tout le monde étant suspecté d’être un voleur, nul n’ose plus aujourd’hui acheter une maison de plus de 50 millions de francs sans avoir à se justifier. Et même à présenter ses excuses pour avoir gagné autant d’argent. Ne parlons pas des villas qui coûtent des centaines de millions voire des milliards de francs qui ne s’écoulent plus…

Conséquence : tout est bloqué. Quand à l’Etat, qui est le moteur de l’économie dans notre pays en ce sens que la commande publique fait vivre des milliers de petites entreprises, soit il ne commande plus rien, soit son Code du marché bureaucratique décourage les meilleures volontés, soit, après avoir commandé, il refuse de payer au moment où le travail a déjà été effectué  ou la marchandises livrée… en exigeant par exemple un « quitus fiscal ». Or, très rares sont les entreprises qui peuvent en présenter ! Résultat : beaucoup d’entrepreneurs individuels et la plupart des patrons de PME, PMI et autres TPE préfèrent faire leur deuil des marchés de l’Etat. Tout cela, bien sûr, plombe l’activité économique nationale. Et ce même si les mesures en faveur du monde rural prises par les nouvelles autorités, notamment la mise en place d’intrants subventionnés et la fixation d’un prix particulièrement incitatif pour l’arachide, sans compter la venue sur le marché d’acheteurs chinois et indiens, tout cela a eu pour conséquence de booster le pouvoir d’achat des paysans.

En effet, jamais autant d’argent n’a été injecté dans le monde rural que durant la dernière campagne agricole, ce qui est à mettre à l’actif du président de la République. Cette excellente campagne a d’ailleurs eu pour effet de doper la croissance économique de notre pays qui a bondi de 2,1 % en 2011 à 3,5 %. Elle a même atteint 3,8 % au cours des cinq premiers mois de l’année en cours et devrait s’établir à 4 % à la fin de 2012 ! Difficile de faire mieux en matière de performances économiques et de fait, les marchés ont salué les bons résultats de l’économie sénégalaise en plébiscitant le dernier emprunt obligataire sur 10 ans lancé par notre pays sur le marché de l’UEMOA. Une opération qui a rapporté 65 milliards de francs là où notre pays en recherchait 50 seulement. Mieux, l’agence Standard and Poor’s a réévalué la note sénégalaise de B+ perspective négative à perspective positive. Tout cela est bien beau et montre que l’équipe qui est aux commandes de l’Economie a réussi à assainir les finances publiques même si, paradoxalement, les recettes de l’Etat sont en chute libre !

Du moins, les objectifs en ce domaine sont loin d’être atteints. Une chose est sûre cependant : entre les prédictions apocalyptiques du président Abdoulaye Wade annonçant que s’il n’est pas réélu son successeur ne pourrait pas payer les salaires des fonctionnaires au bout de trois mois et les clignotants verts de notre économie, force est de reconnaître que le président de la République, M. Macky Sall, n’a pas mal travaillé ! Même si, encore une fois, sa chasse aux sorcières et la politique d’emprisonnement systématique mise en œuvre par sa garde des Sceaux ­—­ laquelle a été totalement vassalisée par les ONG internationales, à preuve par l’emprisonnement du président Hissène Habré ! —, cette chasse aux sorcières sur fond d’embastillements systématiques, donc, a incontestablement contribué à brider cette croissance. Surtout, le talon d’Achille de la politique économique du président de la République semble être les IDE (Investissements directs étrangers) puisque, depuis bientôt 15 mois qu’il est aux affaires, on ne peut pas dire que les investisseurs se bousculent au portillon ! Entre les mises sous administration provisoire loufoques et les emprisonnements d’investisseurs ou de riches réfugiés, en effet, il faudrait être bien fou pour venir mettre ses billes au Sénégal !

On espère donc que le président de la République saura lever les pieds dans sa politique de traque des biens mal acquis et de promotion de l’argent « propre » — ;pour autant que celui-ci existe — et qu’il prendra enfin le taureau de l’économie par le cornes. Car jusqu’ici, hélas on a plus mis en œuvre une politique revancharde, plus transformé le Sénégal en un laboratoire de bonne gouvernance pour faire plaisir à tous les excités de la planète, et notamment aux moralistes occidentaux, qu’on n’a songé tout simplement à améliorer les conditions de vie de nos compatriotes. Ce qui passe, bien sûr, par le développement de l’économie et par le travail. Le président Macky Sall a pensé qu’en remplissant nos prisons de « voleurs » ayant hélas la couleur de l’ancien régime dont il a lui-même été un pilier durant plus de la moitié du temps passé aux affaires, en déclarant non grata tout argent qui ne serait pas estampillé propre, en traquant — de manière sélective, hélas ! puisque bon nombre parmi eux sont passés à travers les mailles du filet — les hommes d’affaires liés au pouvoir des Wade, en jugeant le président Habré, en emprisonnant des gendarmes et des policiers à la demande des ONG, en étant le seul chef d’Etat africain à assister aux festivités du dixième anniversaire de la Cour Pénale Internationale — un tribunal pour Africains —, en multipliant les organismes de lutte anti-corruption… cela lui vaudrait la reconnaissance financière de l’Occident ! Un mauvais calcul assurément puisque notre pays en est réduit à solliciter des prêts de 39 milliards de francs de la France pour boucher les trous de son budget et boucler ses fins du mois ! Encore une fois, nous, nous pensons que quelle que soit la couleur ou l’odeur de l’argent, il doit être bienvenu dans notre pays pourvu qu’il serve à booster notre économie. Car ces Occidentaux auxquels le président de la République veut faire plaisir n’ont pas d’état d’âme puisque tout l’argent volé dans le Tiers monde est recyclé chez eux !

Cela dit, même s’il avait la meilleure volonté du monde, le président de la République ne pourrait pas à lui seul transformer le Sénégal ou développer un pays qui refuse de travailler !
Malheureusement, le Sénégal est devenu, plus encore que par le passé, un gigantesque pays à palabres. Nous passons notre temps à parler, à polémiquer à propos de tout et de rien, à ergoter, à spéculer, à voir des scandales même là où il n’y en a pas, à descendre en flammes les réussites, à décourager les initiatives, à casser du sucre sur le dos de nos prochains, à dénigrer… et à nous exprimer sur des choses à propos desquelles nous ne connaissons que dalle ! Tout le monde est expert en tout dans ce pays si bien que ceux qui savent véritablement ont peur de parler… pour ne pas se faire rabrouer par des ignorants.

Alors que partout ailleurs à travers le monde, en particulier dans les pays émergents d’Asie, le savoir est sanctifié et l’Education hissée au rang de priorité, dans notre pays, non seulement ce sont souvent des « journalistes » incultes qui pontifient aujourd’hui passant leur temps à raconter des sornettes et des énormités au micro, mais encore nos télévisions  promeuvent à longueur de journée des lutteurs et des danseurs, voire des chanteurs  à la noix. Bref, on assiste au triomphe du fameux système LMD (Lutte, Musique, Danse) ! Preuve entre autres de la dégradation de notre enseignement, d’une année à l’autre, le nombre de lauréats du Concours général, mesure d’excellence s’il en est, a baissé d’une vingtaine d’éléments.

Le porte-parole du khalife général des Tidianes, Serigne Abdou Aziz Sy Jr, s’est ému récemment de la propension des Sénégalais au verbiage et au bavardage inutile, et il a raison. Quant au khalife général des Mourides, que l’on n’entend jamais s’exprimer, preuve que, pour lui aussi, le silence est d’or, il a invité, il y a de cela un an, tous ces ruraux qui traînent en ville à aller cultiver leurs champs. Des paroles éminemment sages qui n’ont malheureusement pas été entendues ! SI chacun de nous essayait de faire quelque chose, de travailler, de faire du commerce, de se rendre utile à la collectivité, si chacun essayait en tout cas de se prendre en charge au lieu de tendre éternellement la main, ce pays ferait sans doute de grands pas sur la voie du développement !

Si on payait nos impôts, si on  épargnait un tant soit peu, ce serait encore mieux ! Et si on investissait réellement sur les enfants dans le sens de leur donner une éducation de qualité, ce serait tout simplement l’idéal. Au lieu de quoi, nous passons notre temps à insulter dans les « wakh sa khalat », à dire des vilenies sur des gens qu’on ne connaît même pas, dans les forums sociaux… et à parler, parler, parler… Dans ces conditions, évidemment, aucun président de la République, fût-il le plus compétent du monde, ne réussirait à développer ce pays et à améliorer les conditions de vie de ses habitants. Plutôt que d’être les cigales de la fable, ou en tout cas des fourmis industrieuses, nous avons choisi d’être des cigales qui chantent nuit et tour, à tout venant.

Donnez-nous Barack Obama, qui est en train de redresser l’économie américaine, Lula du Brésil, Mahatir de Malaisie, Lee Kuan Yew, artisan du développement de Singapour, ou même ressuscitez Den Xiao Ping, qui a impulsé le miracle chinois, et mettez-les à la tête du Sénégal. Gageons qu’ils échoueront tous. Et pour cause : nul ne peut développer un pays qui refuse de travailler. Sauf à sortir la cravache et à remiser au placard toutes ces histoires de démocratie et de bonne gouvernance, bien sûr !

Le Témoin via seneplus.com

 

Post scriptum – « Jambaar ca waar ba » dit la célèbre chanson qui rend hommage au labeur de nos braves paysans qui triment sous le chaud soleil (même si ce n’est que pendant trois mois l’année !). Cela dit, il existe effectivement des Sénégalais qui sont de gros travailleurs même si leur productivité est insuffisante. Mais le plus important est en ce qu’ils ne font pas partie du microcosme dakarois et n’alimentent pas cette bulle de rumeurs, cette machine à détruire quiconque essaie d’entreprendre ! Hors de Dakar, loin des stations Fm et des sites Internet, à mille lieues des salons dakarois, un autre Sénégal est au travail qui prépare activement l’hivernage ou qui se livre déjà aux travaux champêtres. C’est ce Sénégal qui travaille, qui se lève tôt, qui plante son champ en priant pour que Dieu l’arrose, qui peine pour trouver de l’engrais ou des semences, qui laboure encore à la traction animale, ce sont les braves ingénieurs agronomes et techniciens agricoles qui les encadrent, c’est la distribution  des intrants que le gouvernement a mis à la disposition de tout ce monde qui constitue les 70 % de la population sénégalaise… que la Télévision nationale a choisi de nous montrer depuis quelques semaines. Et ce tous les soirs à son journal télévisé. Comme pour nous montrer qu’une autre information existe. Comme pour nous montrer qu’hors de Dakar et des grands centres urbains, il existe un Sénégal qui travaille, un Sénégal qu’on n’entend pas, un Sénégal qui nous nourrit. Un Sénégal qui a compris que, comme le paysan de la fable de La Fontaine, le travail, c’est un trésor. Bravo au service public et, surtout, bravo à la RTS !

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