Dans cet entretien réalisé à quelques jours de la visite du Président américain (du 26 au 28 juin 2013) Barack Obama, le Président Macky Sall s’est confié au rédacteur en chef du «Foreign Affairs», Stuart Reid, sur l’actualité brûlante du Sénégal et de l’Afrique. Morceaux choisis.
Le secret de la stabilité du Sénégal – «Un pays sans institutions stables, avec une Constitution claire, ne peut pas connaître le succès»
«Il y a un seul chef de l’Exécutif, contrairement à d’autres pays où il y en a deux. La Constitution solide et flexible du Sénégal nous a protégés contre les coups d’Etat depuis notre Indépendance. Nous avons aussi des institutions fiables. Seuls 7 jours se sont écoulés entre l’élection du 25 mars et ma prestation de serment. Un pays sans institutions stables, avec une Constitution claire, ne peut pas connaître le succès. Le Sénégal est un pays laïc qui respecte les croyances de chaque citoyen, qu’il soit musulman, chrétien ou animiste.»
Pourquoi Macky et pas Wade? – «Un élan d’espoir très fort m’a conduit au pouvoir»
«Mavictoire signifiait certainement que le peuple avait choisi le changement. Le pays était divisé. Les partisans de l’ancien régime s’étaient engagés sur un terrain glissant. Alors que la Constitution était claire : personne ne pouvait avoir plus de deux mandats. Le peuple s’est soulevé contre une proposition de loi qui pouvait permettre à un Président d’être élu avec 25% des suffrages. C’est un élan d’espoir très fort qui m’a conduit au pouvoir. Je suis très conscient de cela. Mon devoir est de renforcer le choix démocratique. Et c’est ce que j’essaie de faire à travers la commission des réformes institutionnelles.»
Lutte contre la corruption – «L’ère de l’impunité est terminée»
«Il est important que tout le monde, y compris les membres du gouvernement, sache que l’ère de l’impunité est terminée. Nous avons beaucoup fait en un an. J’ai ressuscité la cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), qui a été créée par le Président Abdou Diouf en 1981 et qui avait cessé de fonctionner. A partir de ce moment, le gouvernement doit rendre trimestriellement des comptes publics. La loi exige également que chaque autorité publique fasse une déclaration de patrimoine avant de prendre fonction. J’ai également créé l’Ofnac, qui lutte contre la fraude.
Bénéficiaire de la corruption sous Wade – «Quand vous êtes en mesure de prouver que vos biens sont en conformité avec vos revenus, vous n’avez aucun souci à vous faire»
«Autant que je sache, nous avons bénéficié des privilèges relatifs à nos positions (Premier ministre ou président de l’Assemblée nationale). Ce qui est tout à fait normal. Cela n’a rien à voir avec la corruption ou le détournement de fonds. Quand vous êtes en mesure de prouver que vos biens sont en conformité avec vos revenus, il n’y a aucun souci à se faire.»
Situation au Mali – «Nos destins sont liés»
«Avant tout, je tenais à saluer le rôle joué par la communauté internationale, sans lequel le Mali aurait perdu son intégrité territoriale et son indépendance. C’est pourquoi nous louons les efforts consentis par les Nations-Unies, qui ont voté une résolution qui a permis à la France de venir en appoint aux forces africaines de l’Ecowas et du Tchad pour arrêter les djihadistes et reconquérir le territoire malien. Aujourd’hui, nous sommes à l’étape finale de la consolidation de la paix. L’accord de Ouagadougou (Burkina Faso) a permis d’organiser des élections (l’entretien a été réalisé avant les élections du 28 juillet au Mali). Le rôle du Sénégal est de continuer à épauler le Mali et à l’assister aussi bien dans sa politique de réconciliation que dans ses efforts de développement. Nous partageons une frontière longue de 400 kilomètres qui doit être étroitement surveillée. Nos destins sont liés.»
Rôle du Sénégal dans la sécurité régionale – «L’Afrique doit avoir une force spéciale capable de réagir rapidement»
«Nous coopérons avec la France, qui est un allié et un ami. C’est une ancienne puissance coloniale. Mais la France a compris les enjeux de la situation et la sociologie de nos pays. Les Nations-Unies ont aussi une politique de sécurité dans notre pays et c’est un partenaire à travers Africom (le commandement américain) et la coopération militaire dans différents pays. Le terrorisme est un fléau pour nos pays. Nous devons assurer la sécurité de nos populations, l’inviolabilité de nos frontières et la stabilité de nos Etats, afin de concentrer nos efforts sur des questions comme le développement et la pauvreté. Le Sénégal est un pays carrefour, avec une force militaire qui peut intervenir aussi bien à domicile qu’ailleurs. Nous avons plus de 2000 soldats à travers l’Afrique. Il devrait y avoir une plus forte coopération qui permettrait à l’Afrique d’avoir une unité spéciale capable de réagir rapidement, de stopper le danger et de neutraliser la menace et plus tard, de coopérer économiquement et stratégiquement. L’Afrique ne peut pas gérer ses propres problèmes, parce que nous n’avons pas encore les capacités logistiques nécessaires pour déployer des troupes en cas d’urgence. C’est une question de moyens plutôt que d’hommes. Et, aussi longtemps que la logistique fera défaut, nous serons toujours à la traîne.»
Affaire Habré – «Je n’ai aucune raison de douter d’Abdoul Mbaye»
«Le monde évolue et en 2013, il est inacceptable pour nous de toujours extrader les leaders africains vers les pays européens. L’Afrique doit avoir les moyens de juger les personnes accusées de crimes. Pour le cas d’Hissène Habré, une résolution de l’Union africaine a demandé que le Sénégal, où il a vécu en exil pendant plus de 20 ans, organise son jugement. Le Sénégal, sous le régime de mon prédécesseur, avait accepté le mandat. Actuellement, le processus est en cours. Ce n’est pas notre rôle de prendre des décisions. C’est au système judiciaire de le faire. Nous n’allons pas intervenir dans les affaires personnelles d’Habré, encore moins en ce qui concerne ses biens. La justice va trancher et décider de ce qu’il faudra faire. Je n’ai pas choisi mon Premier ministre (Abdoul Mbaye) en fonction de l’affaire Habré. Maintenant, s’il est prouvé qu’il est lié à cette affaire ou qu’il est accusé de quoi que ce soit, je prendrai ma décision. Pour le moment, je n’ai aucune raison de douter de lui ou de prendre des mesures à son encontre tant qu’un jugement n’aura pas été rendu.
Assistance internationale – «Nous ne pouvons construire des infrastructures sans nous départir de la dette internationale»
«L’assistance internationale représente 20% de notre budget. Mais il fut un temps où elle était de 60%. Nous avons besoin de cette aide pour le développement. Mais plus que de cette aide, nous avons besoin d’investissements. Nous travaillons aujourd’hui à établir un partenariat public/privé et ainsi, attirer les investissements. Ce développement peut booster la productivité, ce qui nous permettra d’avoir un budget équilibré et de ne pas dépendre de l’aide internationale, qui n’est pas facile à obtenir. Nous ne pouvons construire des infrastructures sans nous départir de la dette internationale. L’Afrique a besoin de l’assistance internationale (…). La lente croissance économique du Sénégal s’explique par le fait que nous sommes lésés par le secteur énergétique, qui est un facteur de développement économique. Nous avons initié des mesures audacieuses afin de trouver des solutions durables à la crise énergétique. Nous avons un autre handicap majeur : notre secteur agricole, qui doit être un moteur de croissance, demeure traditionnel, avec de faibles rendements et un usage inefficace des terres. Nous avons décidé de moderniser le système agricole, avec de bonnes semences pour augmenter le rendement et la productivité à travers la mécanisation.»
Réduction du rôle de l’Etat dans l’économie – «Nous devons combattre les facteurs qui freinent l’investissement»
«Je suis un libéral et je crois que l’économie, c’est quelque chose que l’Etat crée. C’est le business, la compétitivité et la productivité qui fait cela. Mais l’Etat a un rôle fondamental, celui de créer et sécuriser un environnement propice au business. Il est nécessaire d’avoir des règles et des lois et de s’assurer que les investissements sont sécurisés. Par-dessus tout, nous devons combattre les facteurs qui freinent les investissements, en particulier, la corruption et la bureaucratie tatillonne. J’ai initié des initiatives majeures pour combattre la corruption et l’enrichissement illicite et diminuer les contraintes administratives. Notre agence pour la promotion de l’investissement (Apix) regroupera tout en un lieu afin de faire gagner du temps aux investisseurs étrangers et nationaux, en termes de procédures.»
Coopération Chine/Sénégal – «Les investissements chinois ne peuvent pas être sources de danger pour la démocratie»
«Je ne vois pas comment les investissements chinois peuvent être sources de danger pour la démocratie. La coopération avec la Chine est plus directe et rapide que celle que nous avons avec les pays de l’Ouest (les Etats-Unis, les pays européens et les autres donneurs bilatéraux). Il y a de nombreux critères de développement. L’un des obstacles majeurs à l’investissement tient aux nombreuses procédures. Chaque partenaire a sa propre liste de procédures et beaucoup de pays passent beaucoup de temps à négocier avec ces procédures. Je ne dis pas que ce que la Chine fait est bien, mais au moins, c’est plus rapide. Et nous avons besoin de vitesse dans l’action. Sur le plan du développement humain, nous avons un fort taux de croissance humain qui est de 2,5 %. Nous devons investir dans la formation afin d’assurer le développement et l’emploi des jeunes. Et si les jeunes ne parviennent pas à trouver un emploi sur place, ils peuvent émigrer avec leur savoir. Plusieurs pays ont besoin de médecins, d’ingénieurs et de techniciens, le Sénégal peut leur en fournir. L’Afrique est stable, démocratique et sûre ? De plus, ses ressources naturelles sont bien gérées grâce à la transparence dans les industries extractives. Plusieurs choses restent à faire en termes d’infrastructures, d’énergie et de développement, en général. L’Europe, l’Amérique et l’Asie se sont développées. Aujourd’hui, c’est au tour de l’Afrique.
L’Observateur
éradiquer definitivement l’impunité est l’une des priorités du president macky sall ,un engagement electoral qu’il a respecté des qu’il a été élu donc nous ne pourrons que nous en rejouir et le feliciter et avoir un grand espoir quant a l’avenir de notre cher pays et que nous ne regretterons jamais de l’avoir confier les destinés de cette nation.
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C’est rassurant et il fait grand plaisir d’entendre Macky reiterer de si pertinents et attendus propos.Il ne faudra tomber dabs aucun compromis ou compromission.