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La primauté de l’émotion dans le traitement de l’information au Sénégal: Cas du décès de Mandela

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Senghor avait-il bien dépeint l’homme africain, en soulevant la primauté de l’émotion dans son mode de fonctionnement ? Le traitement de l’information au Sénégal semble souvent lui donner raison, et dans le cadre de l’évènement majeur qu’aura été le décès de l’illustre combattant Nelson Mandela, la règle de la primauté de l’émotion a été bien respectée.
Ce n’est que je veuille installer la presse dans une froideur soporifique qui la détache de toute émotion dans le traitement de l’information, c’est juste qu’à mon avis le rôle d’informer sur les évènements et d’éclairer sur les enjeux qu’ils posent est sa responsabilité première, et celle-ci ne peut s’exercer que dans le cadre d’une primauté de la raison.
Cette primauté de la raison n’avait pas prévalu, deux décennies plutôt lorsqu’une célèbre journaliste commentant une visite du Colonnel Khadafi, accompagnait par des sanglots chaque marche que le leader libyen descendait, pour fouler le sol sénégalais. Elle n’a pas prévalu non plus, lors de la visite de Barack Obama, où la presse a très peu laissé la place aux spécialistes qui pouvaient permettre de mettre la lumière sur la portée géopolitique et économique de cette visite. Elle s’est plutôt répandue dans un sentimentalisme niais, où l’accent était mis sur le parcours personnel d’Obama, sur le fait que Macky ait réussi là où Wade a échoué, ou même sur le port vestimentaire des deux premières dames.
Dans le cadre du décès de Mandela, le même flot émotionnel a prévalu avec la TFM qui invite en vedette, dans les premiers instants, Youssou Ndour pour ouvrir les réactions sur le décès de Mandela. La réaction de notre You national ne pouvait se faire que dans le registre de l’émotion, puisqu’il lui manquait les éléments historiques, géopolitiques et économiques pour expliquer qui était Mandela, ce qu’était son combat et ce que sa perte signifiait pour l’Afrique du Sud, l’Afrique et le monde; pour jeter la lumière sur les enjeux que pose sa disparition pour l’avenir de l’Afrique du Sud. Toutes choses qui constituaient, à mon avis, le premier angle par lequel cet évènement devait être approché.
Je ne dis pas que la réaction de Youssou Ndour n’était pas utile, bien sûr qu’elle l’a été. Cependant, elle fournissait des éléments qui, quoique importants, étaient secondaires dans la compréhension du moment, et donc ne pouvaient être mis en avant plan. Pour faire un parallélisme avec le Québec, l’émotion aurait recommandé de faire témoigner Céline Dion en premier lieu car son fils porte le nom de Nelson, mais la raison a prévalu et on a pu avoir les précieux éclairages de l’ancien premier ministre Brian Mulroney sur comment la perception de Mandela comme un communiste poussaient Thatcher et Reagan à ne pas le soutenir dans sa lutte. Ce qui inscrit l’Apartheid dans son véritable contexte géopolitique, d’une Afrique du Sud allié du bloc occidental dans une région sud-africaine « infestée » de régimes et de mouvement de libération communistes. Ce n’est pas d’ailleurs un hasard, si la Chute du Mur de Berlin a été un évènement inchoatif pour la fin de l’Apartheid.
Certes, nous n’avons pas comme le Canada la chance d’avoir des anciens chefs d’État (de gouvernement pour être plus précis) qui vivent encore dans le pays, et qui sont joignables à la première heure. Dès lors, on ne peut demander à la presse de faire réagir en premier lieu, Abdou Diouf ou Abdoulaye Wade, mais des personnalités comme Ibrahima Fall, Djibo Ka ou d’autres qui étaient au cœur de la diplomatie sénégalaise quand elle a pris le virage salutaire anti-apartheid, des universitaires qui travaillent sur le sujet, auraient pu mieux aider à éclairer sur les enjeux que pose l’évènement.
Le groupe Futurs Medias, sur qui cet article se focalise, semble cependant avoir corrigé le tir avec Remue-Ménage avec Chérif Salif Sy, et l’édition spéciale avec entre autres Adama Gaye comme invité. Chérif Salif Sy et Adama Gaye nous ont apporté une perspective historique qui nous permet d’inscrire l’Apartheid dans le contexte de la Guerre froide et de la volonté de maintenir l’Afrique dans un schéma de domination et d’exploitation. Mais ils ont aussi posé aussi les enjeux de l’Après-Mandela en termes de l’éradication des inégalités sociales et économiques en Afrique du Sud, de nécessite de l’émergence dans le sillage de Madiba d’un leadership nouveau en Afrique, d’un engagement plus fort des intellectuels pour connecter la sphère du savoir à celle de la décision, et d’un positionnement de l’Afrique par rapport aux opportunités qu’ouvre le système économique international.
La presse sénégalaise semble souvent opérer dans le registre de l’émotion, tout comme notre démocratie, qui fait du redressement des torts et de la réhabilitation des victimes les moteurs des alternances politiques. Il faudra, qu’elle s’en départisse pour jouer pleinement son rôle d’information et de formation de l’opinion.
Alioune Ndiaye

2 Commentaires

  1. Il y a une expression que je déteste profondément mais je suis obligé de l’utiliser dans le cas de l’auteur de ce texte: masturbation pseudo-intellectuelle matinée de pédantisme imbécile.

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