Makhily Gassama est à la fois linguiste, philologue, grammairien, professeur de littérature. Il a occupé de nombreuses fonctions nationales et internationales. Dans son dernier livre « Politique et poétique au sud du Sahara », il évoque, dans un style qui lui est propre, des problèmes relatifs à la politique, au devenir du continent. Le diagnostic est sans complaisance.
Votre ouvrage « Politique et poétique au sud du Sahara » est un livre d’exhortation comme le dit le préfacier Spéro Stanilas Adotévi. Mais contre quoi ?
« Contre le goût pour la servitude, pour la dépendance ; contre la démission devant nos responsabilités, contre le larbinisme ; contre le fanatisme quelle qu’en soit la nature ; contre le fatalisme béat et destructeur ; contre la prévarication dans la gestion des biens publics. En un mot, contre le désordre. Je crois que le professeur Adotévi a voulu dire aussi, après une lecture attentive de l’ouvrage, qu’il s’agit d’un livre qui invite à l’action en faveur du développement de l’Afrique. Un livre qui prêche donc l’espoir, un livre optimiste quant aux possibilités de développement de l’Afrique en dépit des signes qui nous enseignent le contraire. La sévérité et le caractère alarmant des diagnostics ne nient pas, n’effacent pas les immenses possibilités d’existence et d’efficacité des soins à prodiguer à notre continent. Un continent malade : comment peut-on être à la fois le plus riche continent du globe en matières premières et le plus sous-développé, le plus pauvre ? »
Vous parlez du délabrement moral de nos hommes politiques qui semble enfoncer le continent dans le sous-développement et vous appelez à une renaissance culturelle, un bouleversement lexical. Leurs discours répondent-ils aux aspirations des populations ?
« Nous sommes tous plus ou moins responsables du retard insupportable de l’Afrique subsaharienne sur les autres régions du monde, mais nos hommes et femmes politiques le sont davantage, eux qui ont choisi, comme métier, la lutte contre le sous-développement matériel et intellectuel, c’est-à-dire le bien-être des populations, eux qui ont, entre leurs mains, le pouvoir réel, qu’ils ont souvent utilisé, depuis les années 1960, à des fins peu honorables, pour ne pas dire ignominieuses, pour l’image de notre continent.
Les forces de résistance au développement, les forces de régression, intérieures et extérieures, qui sont nombreuses et d’une grande efficacité, sont généralement entretenues – si elle ne les crée pas de toutes pièces – par la classe politique, opposition et majorité confondues. Certes, partout dans le continent, l’opposition s’attaque toujours à la majorité, mais jamais à ces forces de résistance et de régression. Il y a des exceptions, même sous nos yeux. Mais, ce ne sont que des exceptions : les risques énormes que le maire de Dakar est en train de prendre, de façon délibérée, pour nous donner une belle capitale, une capitale propre, saine, où l’on peut respirer à pleins poumons, sont au-delà de toutes les attentes. C’est politiquement mortel, dans nos milieux désordonnés, laxistes, mais c’est ça qu’il faut pour développer l’Afrique. S’il y avait une pétition pour soutenir son action, j’aurais été parmi les premiers signataires. Les intellectuels sénégalais auraient dû penser à ce genre d’action de soutien sincère pour faire avancer le pays au lieu de perdre du temps à des colloques, séminaires ou symposiums onéreux sans lendemain parce que sans suite sur le terrain.
Tout cela conduit à soutenir que les politiques sont entièrement responsables de la plupart des maux dont souffre atrocement notre continent. Pourquoi ? Pour la simple raison que le rôle qu’ils se sont attribué est immense et couvre tous les domaines et que, cependant, ni les discours ni les actions ne sont suffisamment audacieux pour créer le bouleversement souhaité sur le continent, bouleversement sans lequel il nous sera difficile de développer nos pays. Comment une région, comme l’Afrique, peut-elle sortir de la domination étrangère, à travers des siècles d’esclavage et de colonisation, sans s’imposer certaines contraintes, sans s’adosser à une certaine rigueur morale dans nos rapports avec les anciens maîtres, dans la gestion des biens de la collectivité ? Comme nous, les Juifs ont appartenu aux communautés souffrantes, mais avec quelle dignité, avec quelle vigueur, avec quelle rigueur morale, avec quelle virilité, ils ont réussi à reconquérir leur place à la table de l’universel ! Ils continuent à veiller quotidiennement et scrupuleusement sur leurs grains ! Ce qui n’est pas le cas de ces braves gens de l’Afrique au sud du Sahara qui ne s’agitent que pour verser le sang des innocents et qui croient que leur salut n’est qu’entre les mains de leurs anciens maîtres. »
Les acteurs politiques sont-ils responsables de notre retard sur le reste du monde ?
« Le rôle du politique dans le développement d’un pays sous-développé, dans l’émancipation et l’épanouissement de ses populations, dans la construction de son bien-être matériel et immatériel, est incontestablement le plus déterminant : un exemple concret ? Je suis stupéfait chaque fois que je pense à la vitesse avec laquelle le comportement quotidien du citoyen ou de l’homme sénégalais a évolué ou, mieux, a changé du régime de Léopold Sédar Senghor à celui d’Abdou Diouf ; du régime d’Abdou Diouf à celui d’Abdoulaye Wade. Et nous sommes en train d’assister à une sorte de métamorphose du même Sénégalais sous Macky Sall. Si le régime de ce dernier persiste dans la voie choisie, le changement de l’homme sénégalais, forgé par le régime d’Abdoulaye Wade, sera radical.
J’attire l’attention sur deux constats à ce propos. Le premier est que ce que je viens de soutenir peut être facilement vérifié partout et même dans la circulation à travers le comportement des usagers de la route. Le second constat est que toutes ces réalités sur lesquelles je viens d’attirer l’attention échappent complètement aux idéologies dont se réclament les quatre régimes cités : les deux premiers appartiennent au socialisme et les deux derniers appartiennent au libéralisme. Il me semble, dans le cadre de l’évolution du comportement du citoyen sénégalais, que le fossé sera néanmoins plus profond entre le régime d’Abdoulaye Wade et de celui de Macky Sall qu’entre le régime d’Abdoulaye Wade et de celui d’Abdou Diouf. A la condition que Macky Sall s’accroche à l’orientation qu’il cherche à donner à son régime. A mon avis, ni la classe politique ni nos grands politologues, comme Babacar Justin Ndiaye, n’ont suffisamment insisté sur le caractère inédit des options du jeune président sénégalais sur la scène politique africaine. C’est, en partie, franchement inédit. Cependant, ces options sont très mal véhiculées par les discours en cours. Il faut, à ce régime, un lexique nouveau, capable de traduire ses options fondamentales. Je ne porte pas un jugement de valeur ; je ne fais qu’un constat.
Les jeunes « y en a marristes » me paraissent très conscients du phénomène dépeint ici, eux qui cherchent à provoquer, à juste raison, l’émergence d’un « Sénégalais nouveau ». Ce n’est absolument pas là une ambition démesurée. Ce ne sera que l’œuvre du temps d’une génération. C’est en cela qu’il faut être optimiste malgré toutes les gabegies qui nous ruinent dans le continent. Vous voyez que si vous vous placez dans la perspective qui est ici la mienne, vous vous rendrez compte que le politique est responsable de notre retard sur le reste du monde. Mais comme nous adorons les situations d’exception, des situations qui favorisent la paresse et installent l’irresponsabilité, nous n’en avons cure. Ces situations d’exception, nos politiques les ont cultivées et en ont abusé. Elles font de nous des éternels assistés sans états d’âme. »
Aplatissement de nos cadres en extase devant un petit représentant de l’Occident, les injonctions de la Banque mondiale et du Fmi (gobées sans discussions et avec suavité), les marchés de gré à gré, le larbinisme, la corruption rampante, l’absence de justice, le discours infantilisant, les ressources pillées. Autant de critiques acerbes. N’est-ce pas très sévère ?
« Ce ne sont pas là des critiques, mais des constats. Arrêtons-nous sur le cas des cadres. Si nos cadres ont de tels comportements dans l’exercice de leurs fonctions, c’est que les responsables politiques l’exigent. N’oublions pas que ces responsables politiques ont le glaive, la poudre et les clés des maisons d’arrêt, qu’ils ont une grande capacité de nuisance, qui va de l’humiliation au meurtre. Connaissez-vous le nombre de cadres brillants et honnêtes – des années 1960 à nos jours – dont la carrière a été brisée par une intervention étrangère, par la Françafrique ?
L’aplatissement ou le larbinisme ne se pratique pas de bon gré. J’ai vécu en Afrique Centrale pendant quelques années. J’ai vu des cadres, des intellectuels de haut niveau, travailler dans des conditions qui me dérangeaient beaucoup. Leurs rapports avec les politiques sont tels que n’importe quel professeur d’université serait très heureux de sa nomination comme conseiller dans un petit ministère auprès d’un ministre médiocre. J’avais l’impression que tout le pouvoir, quelle qu’en soit la nature, revenait au politique. Fausse impression ? Peut-être. Mais il est certain qu’aux yeux de la population, le pouvoir réel, le vrai pouvoir, le pouvoir efficace qui écrase tous les autres pouvoirs, c’est, sans conteste, le pouvoir politique. Et ce pouvoir est sans état d’âme. Les pouvoirs politiques en sont, en Afrique, comme la Raison : ils jugent tout le monde, mais ni rien ni personne ne les jugent : ils se jugent eux-mêmes, toujours en excellence. C’est un peu partout comme ça en Afrique. Et tant que cet état des rapports durera entre les politiques et les autres, l’Afrique ne connaîtra pas le développement, qui suppose l’émancipation et l’épanouissement de tous les citoyens.
Tout cela a empêché la véritable décolonisation de l’Afrique. Je reviens ici sur une idée très complexe, d’une très grande justesse, empruntée au grand historien africain Joseph Ki-Zerbo : certes, l’Afrique a eu son indépendance, mais elle n’est pas décolonisée ; or si l’indépendance est acquise sans la décolonisation, à la place de celle-ci s’installe inéluctablement et confortablement, le néo-colonialisme. C’est ce dont nous sommes victimes durant ces cinquante dernières années. Depuis la proclamation de nos indépendances, nous n’avons pas accompli beaucoup d’effort pour nous décoloniser. Nos rapports avec l’ancien colonisateur frisent le ridicule. Les politiques barbotent et, parfois, se noient dans les mares boueuses de la Françafrique ; nos intellectuels s’essoufflent après les distinctions académiques et privées de l’ancien colonisateur ; celui-ci sait à quel point ses médailles et ses prix littéraires sont appréciés par l’ancien colonisé. Les distinctions de chez nous ? Peuh ! Elles ne sont d’aucune utilité. Nous comptons sur l’ancien colonisateur pour être distingués de nos frères et sœurs sur le continent ! Voilà l’aberration ! Pauvre Ferdinand Oyono ! S’il savait que son « vieux nègre et la médaille » est toujours en vie ! »
Selon vous, c’est le refus des sommations des institutions de Bretton Woods qui a fait la fortune des fameux Tigres de l’Asie. Est-ce une invite au travail lancée aux Africains ?
« Je crois que ce qui a fait la fortune des fameux Tigres de l’Asie, c’est la volonté de se servir judicieusement des forces internes. Je ne suis pas économiste, mais je constate que je n’ai pas connu un pays qui s’est développé grâce surtout à la volonté étrangère, à travers une assistance assidue et efficace de celle-ci. L’histoire des pays qui ont su « bouger » dans le bon sens m’a toujours attiré ; à ma connaissance, tous ces pays se sont développés par la volonté de leurs dirigeants qui ont su faire participer, à l’œuvre de construction, les forces internes d’abord avant de faire appel aux forces externes ou, parfois, les deux concomitamment. On ne peut pas gouverner en fermant les yeux sur l’histoire des pays de la planète ; ce serait fermer l’œil sur l’abeille comme dirait le romancier ivoirien Ahmadou Kourouma. Dans le cadre du développement de nos pays, la priorité doit être accordée à l’intervention des forces internes. Ce n’est pas encore le cas.
Dans nos pays francophones, l’essentiel de l’économie et des finances nous échappe. Incapables d’assister le monde rural, nous sommes en train de vendre nos vastes terres arables à l’étranger qui les exploitera à sa guise. Même le développement culturel commence à nous échapper ; les véritables ministères de la culture en pays francophones, ce sont les centres culturels français. Je ne les juge pas. Je constate qu’eux seuls font ce que les ministères de la culture auraient dû faire de mieux dans nos pays. Les échanges culturels, les déplacements de nos artistes, de nos écrivains de pays en pays relèvent désormais de leur volonté. On devine les effets secondaires que cette assistance doit produire sur leur comportement et sur leurs créations… Que sont devenus les nombreux échanges culturels entre nos pays et entre les différentes régions du même pays ? Que sont devenues nos infrastructures culturelles, comme les Tapisseries de Thiès, au Sénégal, dont les œuvres décorent les palais les plus prestigieux dans le monde ? Qu’est devenue la diplomatie culturelle du Sénégal à travers des conférences et des expositions d’œuvres de nos grands artistes en Afrique et dans le reste du monde ? Un immense capital détruit ! Ce sont bien ces activités qui ont forgé, ciselé l’image du Sénégal à travers le monde, une image dont la qualité exceptionnelle jure avec son poids économique. »
La science, dites-vous, a été l’instrument redoutable de la colonisation, mais elle n’a pas fait appel à celle-ci pour se décoloniser. Est-ce à dire qu’il nous faut re-domestiquer la science ?
« La science a joué un rôle déterminant dans la colonisation, dans la construction de l’Empire français, grâce à Jules Ferry. Nous avons vite fait d’oublier les raisons qui ont amené la France à nous coloniser avec une ambition démesurée. Parlons-en même si nous choquons certains historiens sénégalais ou africains qui, sous l’égide d’une certaine France, parlent à ce propos de « victimisation », terme honteux dans la bouche d’un ancien esclave et ancien colonisé. On veut qu’on taise 4 siècles d’esclavage et 3 siècles de colonisation, 7 siècles de servitude, les nier comme ça, sans prendre garde d’évaluer l’œuvre de ces siècles sur notre présent, sur notre situation actuelle, qui constitue une véritable exception sur notre planète. Les Juifs ont non seulement reçu de fortes compensations des bourreaux qui les ont torturés, humiliés, massacrés, durant les deux Grandes Guerres, mais ont réussi à provoquer des lois qui punissent sévèrement la simple négation de la Shoah. Un peuple grand. Un peuple digne que ce peuple juif ! La France, qui a été « colonisée » par l’Allemagne, pendant quelques années, durant la deuxième Grande Guerre, a bien reçu des compensations de l’Allemagne. Nous, non seulement nous ne demandons pas de réparations, nous luttons, en tant qu’intellectuels, contre tout « ressassement » des misères que nous avons subies, non pas en quelques années, mais pendant des siècles. Car, dit-on sans scrupules, c’est de la « victimisation ! ». Nous avons même oublié de protester contre les compensations que l’Etat français a accordées aux anciens colons, à nos bourreaux, parce que les indépendances leur ont fait perdre les privilèges dont ils jouissaient. Nous avons oublié, sur le continent, de soutenir le président Jean-Bertrand Aristide qui réclamait, le 7 avril 2003, à l’occasion du bicentenaire de la mort de Toussaint Louverture, le remboursement du tribut des 90 millions de franc-or dont la valeur capitalisée, pour l’année 2003, est de 21.685.135.571,48 dollars, versés aux colons comme compensations des privilèges perdus après la proclamation de l’indépendance du pays. Ce qui a permis à Haïti d’échapper à la recolonisation !
Franchement, je ne comprends pas ces intellectuels africains qui sont en train de mener une croisade contre ce qu’ils appellent « la victimisation » avec leurs maîtres d’Europe dans des conférences publiques en Afrique. Ils courent après quoi ? Une certaine reconnaissance de l’ancien colonisateur ? L’Histoire les jugera… Pauvre Afrique ! »
Vous semblez éluder la question…
« Non. Je rappelle que la colonisation, telle que nous l’avons connue, sous sa forme « impériale », a été l’œuvre de Jules Ferry, disais-je. Il fallait rapidement construire un Empire après la défaite de la France à Sedan, le 1er septembre 1870. Date fatidique ! Pour la France entière, cette défaite a été ressentie comme une profonde humiliation devant l’Allemagne de Bismarck. Et toutes les couches sociales en ont souffert. La meilleure façon, pour la France, de retrouver rapidement sa place parmi les Grands de ce monde, c’était de construire une force implacable, et cette force, c’était l’Empire français, la « Plus Grande France », comme le nommait le Général de Gaulle.
En dépit de l’opposition farouche des hommes politiques comme Clémenceau, un des plus grands hommes politiques de l’époque, un humaniste à la lucidité émouvante, Jules Ferry a réussi à créer l’unanimité autour de la question coloniale à tel point que s’opposer à la colonisation revient à s’opposer, aux yeux du plus grand nombre des Français, aux intérêts de la France, à sa grandeur. Bien des infrastructures existantes ont été largement « impérialisées ». Même la prestigieuse Sorbonne n’y a pas échappé ; des infrastructures purement impériales ont été créées. Les sciences, pas seulement les sciences humaines, ont été mises au service de la construction de l’Empire. Même le droit. La littérature, à travers le roman colonial, y a pleinement participé comme y a participé toute la littérature française. Nous savons que la production littéraire de la France est certainement, sinon la meilleure, en tout cas, une des plus séduisantes et des plus prestigieuses du monde. Grâce à elle, la France s’est imposée à ses colonies pendant longtemps de la manière la plus sûre. La France sans ses grands génies littéraires, ce n’est vraiment pas la France. Le rôle de la science a été d’un grand apport à la construction de la « Plus Grande France ».
Le plus curieux, c’est que dans nos maigres efforts de décolonisation, la science n’y a pas participé. On attendait beaucoup de nos universités et de nos institutions culturelles nationales et multilatérales. Partout, il semble qu’on a laissé évoluer les programmes qui existaient au temps colonial. Aucun effort sérieux de rupture. Or il le fallait. Même nos institutions politiques n’auraient pas dû être épargnées. Les institutions politiques sont différentes les unes des autres à l’intérieur de l’Europe comme celles d’Europe sont nettement différentes de celles des Etats-Unis par exemple. Les institutions traduisent les valeurs socio-culturelles de chaque pays et se chargent de l’histoire du pays qui l’a fait naître. En Afrique francophone, il semble que, depuis l’indépendance, nous nous sommes contentés d’implanter les institutions de l’ancien colonisateur sans modifications notables. Arrivent-elles à traduire fidèlement nos réalités et nos aspirations ?»
Heureusement que dans ce tableau noir, il y a une lueur d’espoir. Elle vient des écrivains et des intellectuels dont le langage est autre que la soumission.
« Je n’ai pas dit qu’il n’y a pas d’intellectuels soumis à des devoirs qui ne sont pas les leurs. Il y en a. Je viens d’en parler en répondant à la question précédente. Je pense à ceux qui prétendent lutter contre ce qu’ils appellent « la victimisation » pour étouffer toute idée de réparations. Dans leur grande majorité, les intellectuels et les écrivains se sont acquittés de leur devoir. Quant à nos artistes, ils ont tellement réussi leur job qu’on a fini par avoir l’impression que « l’Afrique des Indépendances » ne s’occupe que de culture. Et leurs propres frères et sœurs critiquent cet état des choses. Quoi ? Veut-on que ces artistes cessent de produire ou produisent moins ? Ils ne peuvent travailler et se mouvoir que dans le cadre qui est le leur. Même s’il arrive qu’ils se retrouvent, par la force des choses, dans un autre cadre comme le cadre politique, ils continuent quand même à se servir de leur art comme outil ou comme arme. C’est le cas de ces merveilleux garçons qui ont créé un des mouvements les plus lucides, les plus efficaces de l’Afrique : « Y en a marre ». Incontestablement, nous leur devons l’alternance politique que nous vivons. Pourquoi les autres secteurs ne bougent pas en Afrique ? Pourtant, ils ont leurs acteurs, mais que font-ils ? Chaque mois, c’est un nombre impressionnant d’ouvrages produits par nos écrivains et nos intellectuels dans le continent. Que veut-on ? Qu’ils cassent leurs plumes et leurs pinceaux pour aller épauler les paysans, abandonnés à leur sort ? C’est la proposition absurde d’un internaute sénégalais à la sortie de notre ouvrage, « L’Afrique répond à Sarkozy » ! Il s’agissait certainement d’un agronome désespéré. »
Vous avez refusé de faire de la politique. Pour vous, dans les pays sous-développés, il appartient aux parlementaires d’occuper politiquement le terrain et non aux ministres. Pourquoi ?
« Nous avons eu tort de singer, en tout, l’ancien colonisateur sans réellement tenir compte de nos réalités. Au Sénégal, nous ne sommes que 13 millions. En 1960, je crois que nous n’étions que 3.500.000. Ces chiffres sont insignifiants. Une telle population ne peut créer que ce que le premier président de notre République appelait « Etat nain ». Dans un tel Etat, surtout s’il est sous-développé comme les nôtres, le cumul des fonctions me paraît peu efficace. Il faut une répartition judicieuse des rôles. Il me paraît absurde de voir, dans le même canton, deux citoyens, appartenant parfois au même parti politique et appartenant l’un au législatif et l’autre à l’exécutif, se battre à mort en se disputant un poste électif. Lorsque j’étais membre du gouvernement, je souhaitais ne m’occuper que de mon département qui, du reste, était sans moyens, au lieu de disperser mes efforts entre le terrain politique et mon ministère. Surtout qu’il y avait, sur le terrain, des hommes et femmes parfaitement capables d’y mener la politique du régime en place.
Au fait, je pense que la présence des membres du gouvernement sur le terrain politique, dans nos pays sous-développés, permet surtout au régime de se servir copieusement des maigres ressources dont dispose les départements ministériels. En fait, parmi les acteurs politiques, le ministre est celui qui est le mieux équipé matériellement (véhicules, carburant, emplois…) et financièrement. Il ne s’agit rien de moins que d’un détournement déguisé des biens publics. Raison de plus contre le cumul des rôles dans un pays sous-développé. »
Comment voyez-vous l’avenir de l’Afrique. Que doit-elle faire pour réussir à prendre son destin en main ?
« Je voudrais insister sur un point, sur ce que j’appelle l’exception africaine qu’on retrouve dans toutes nos activités, qui dénature et paralyse tous les domaines du développement humain. Sur le globe, nous sommes seuls à connaître, avec profondeur, le goût pour la dépendance. Nous ne croyons pas en nous-mêmes. Nous croyons presque, sans réserve, aux forces qui nous viennent de l’étranger, surtout de l’ancien colonisateur. Nous en sommes si fiers que ses moindres gestes dans notre direction sont étalés dans toute notre presse. Je me souviens, avec beaucoup d’amertume, de l’agitation de notre presse, pourtant une presse lucide et majeure, autour de la question de savoir, à quelques mois des élections, je crois, si le fils de notre président d’alors, Karim Wade, a été, oui ou non, reçu, à l’Elysée, par le président Nicolas Sarkozy. Presque tous nos organes de presse étaient en haleine, en contact permanent avec leurs amis et correspondants à Paris, comme si c’est à Paris que se décide le choix d’un candidat à l’élection présidentielle du Sénégal. Je sais que notre presse a raison dans le fond – hélas ! Mais la forme, qui était sans nuance, me gênait. Il est difficile d’échapper au sous-développement avec une telle mentalité.
Je vous ai déjà parlé de l’attitude de bien de nos intellectuels devant les distinctions de nos anciens maîtres. Des signes de ce genre abondent sur le terrain en Afrique. La vérité est que, sur tout le globe, nous sommes presque seuls, surtout en Afrique francophone, à entretenir un tel état d’esprit. Ailleurs, il y a des pays pauvres, mais des pays qui s’assument, pointilleux sur leur dignité. En Afrique, le souci permanent de la réussite individuelle rend aveugles et sourds les acteurs du développement. Autrement, comment expliquer ces vastes pillages des ressources de nos pays dans l’impunité ? Nos populations, elles-mêmes, sont complices dans la mesure où les bourreaux, grâce à leurs biens mal acquis, sont courtisés et adulés dans la société. Comment expliquer autrement ce regard corrompu de certains de nos intellectuels sur toute action venue de l’ancien colonisateur ?
Malgré tous ces signes accablants, l’Afrique se relèvera. Des signes annonciateurs de l’émergence d’une Afrique nouvelle se multiplient. Ce sera certainement l’objet d’un ouvrage que je suis en train de mûrir. »
Propos recueillis par Daouda MANE (texte) et Sarakh DIOP (photos)
lesoleil.sn
Voici un diagnostic sans complaisance de nos maux. Dune manière générale, nous savons tous ce que nous devons faire pour sortir notre pays de cette misère indescriptible.
Nous savons tous que la corruption, les caisses noires, les marches de gré a gré, les avances et autres malversations demandes au trésor publiques, ces milliards puants et nauséabonds, cet argent facile et malhonnête a perverti durablement notre société. La dignité, le diome, la kersa sont noyés par des magouilles presque institutionnalises.
IL NOUS FAUT DES HOMMES DETAT, CAPABLES DE SUPRIMER TOUTES LES SOURCES DARGENT FACILE ET VOLE AU PEUPLE, DES HOMMES PROPRES ET INTÈGRES QUI POURRONT A TOUS QUE SEUL LE TRAVAIL, LA SUEUR PAIENT.
OU SONT CES HOMMES DETAT
TOUT LE MONDE SAIS QUE LA CORRUPTION ENTRAVE TOUT DEVELOPPEMENT. AU SENEGAL LA CORRUPTION EST GENERALISEE.
ON TOURNE EN ROND. ON ACHETE TOUT AVEC LARGENT MAL ACQUIS DU PEUPLE, LES PERSONNES, LES CONSCIENCES, LES DIGNITES, LES CROYANCES…..
ON NE CROIT PLUS EN RIEN….SAUF A LARGENT MAGOUILLE.