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Hommage à mon ami Jacob Yakouba, musicien et grand peintre sénégalais par Ousmane sow Huchard, Ph. D

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HOMMAGE A MON AMI JACOB YAKOUBA, MUSICIEN ET GRAND PEINTRE SENEGALAIS
(décédé ce samedi 4 janvier 2014 à St Louis)
En guise d’hommage à mon ami JACOB YAKOUBA, musicien et grand peintre sénégalais, je voudrais partager avec tous nos compatriotes, le souvenir impérissable de l’exposition de ses œuvres récentes que j’ai eu le grand plaisir de présenter du 12 décembre au 11 janvier 1987 au Musée Dynamique de Dakar.

Chaque fois que nous rencontrons Jacob chez lui, au milieu de sa famille, dans on atelier à St Louis, nous commençons toujours par échanger autour de quelques notes de guitare, de sa guitare toujours accordée et qui n’est jamais très loin de son chevalet. Pour lui, comme l’avait déjà signalé le poète, critique d’art et essayiste français Charles-Pierre Baudelaire (1821-1867) : « Les sons et les couleurs se répondent ».

Pour nous présenter l’artiste, qui de mieux que sa compagne de tous les instants ; celle qui a partagé et partage encore sa vie pour le meilleur et pour le pire. Marie-Madeleine Walfroy Diallo, femme de radio et comédienne de talent bien connue de tous les sénégalais et particulièrement à St Louis du Sénégal où elle vit avec son Jacob bien aimé :

« Jacob Yakouba a commencé à peindre à l’âge de 7 ans. Cette précocité est liée au corps à corps intense qu’il a eu très jeune avec la nature (la brousse comme il dit) et aux relations de parfaite communion qu’il a entretenue avec ses parents, sa mère particulièrement. Cette enfance heureuse est comme le tremplin de toute sa peinture. En même temps qu’il griffonnait ses premiers dessins sur les murs des rus de sa ville natale de Tambacounda (Sud – Est du Sénégal), Jacob Yakouba cherchait une autre voie d’expression artistique dans la musique, le théâtre, la décoration. Cet itinéraire multiple se confondra ensuite dans sa peinture. Et cette peinture est bien celle de Jacob Yakouba. Elle s’est conçue et réalisée en dehors des grandes écoles sacralisées ou de mouvements plus ou moins ossifiés. Jacob Yakouba a peint d’abord par spontanéité, mais il a ensuite découvert la nécessité d’exercer une maîtrise « technologique » sur le support par lequel il s’exprime. La toile, les couleurs et le pinceau, et tout ce qui entre dans l’exécution d’un tableau. C’est ce qui explique son bref passage aux Beaux-arts de Reims.

Le Grand Maître Jacob Yakouba de Saint-Louis
(Crédit : Marie Madeleine Diallo, son épouse)
On peut être frappé par la présence en permanence d’un visage de femme (ou d’une allusion à la femme). Dans ses tableaux c’est peut-être le désir d’éternité de l’artiste qui se faufile ainsi dans toutes ses créations ; cette présence laisse entrevoir la femme élément de continuité. On sent que le peintre exprime ses sensations, livrant souvent des thèmes de vie quotidienne par le biais d’un intense réalisme qui, pour lui est synonyme de vérité. Les corps sont modelés avec une extraordinaire sûreté de main et semblant coupés dans du bronze. Sa peinture est rigoureusement construite et possède un parfait équilibre. Le dessin, aime-t-il répéter, est la forme la plus achevée de l’Art.

Sa mère a été le personnage central de son enfance. La nature son premier lieu de recueillement, de découverte et de reconnaissance du monde. Il a ainsi comme une sorte de spirale dans l’œuvre de Jacob Yakouba, le même se profile sous d’autres aspects. La mère, la nature, la femme : trois symboles d’un bonheur auquel il donne pour nom, l’Amour. Jacob Yakouba nostalgique ? Non ! Seulement fidèle à une histoire (son histoire) mais non pas enchaîné à des traditions. Le combat de l’homme noir ? Bien sûr mais dans une perspective autre que la stérile affirmation d’une appartenance raciale que l’évidence plus que tout autre modalité se charge de montrer. En réalité Jacob Yakouba a une démarche : celle de vouloir changer sans prétention aucune, quelque chose dans la peinture africaine moderne, pour la sauver d’une fixation trop raide à laquelle sa jeunesse et sa vigueur doivent lui permettre d’échapper. C’est cela qui explique que Jacob Yakouba soit si difficile à classer. Il tourne le dos au naïf et son trait ne cadre pas avec l’Ecole de Dakar. Aux dernières nouvelles (puisqu’il faut bien le situer quelque part) Jacob Yakouba est classé dans la technique de Sépia. Ordre qu’il dérange avec une sereine désinvolture puisqu’il n’en avait jamais entendu parler auparavant. En fait Jacob Yakouba est peintre solitaire pas de la solitude du peintre ermite, mais de la solitude de celui qui se fraie un chemin nouveau dans cet univers de la peinture où pourtant les ornières sont larges ; Il reflète son temps c’est son rôle. Il prône l’amour, la Justice est l’un de ses maîtres – mots. Il prend le risque de demeurer lui-même. Là est sa noblesse ».

Voilà ce que nous a confié Marie Madeleine Walfroy Diallo dans un texte que nous lui avions demandé pour servir d’introduction à la présentation de l’exposition de son artiste d’époux ; et voici ce qu’elle nous a dit en guise de conclusion :

« Jacob Yakouba est un père adorable, d’une sensualité très profonde, un père très agréable pour ses deux enfants Pitchou et Magui qu’il affectionne beaucoup. Chez Jacob Yakouba, par contre, on remarque une personnalité pleine d’originalité, d’autorité tout à fait en désaccord avec le style de son temps. Jacob Yakouba a non seulement du génie, mais il est aussi un genre omniprésent dans ma vie de tous les jours. Je l’adore ».

Que la terre de NDAR lui soit légère.
Courage et affection à ses enfants et son épouse Marie Madeleine Walfroy DIALLO.

Ousmane sow HUCHARD, Ph. D.
Anthropologue, muséologue, musicologue et critique d’art
Ancien Conservateur en Chef du Musée Dynamique de Dakar
Tél 77 639 72 05

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