Empruntée au vocabulaire pastoral, la transhumance désigne la migration périodique des troupeaux à la recherche d’espaces plus favorables à leur sustentation et à leur épanouissement. Transposée à la vie politique, elle renvoie à l’attitude de l’homme politique qui migre d’un parti politique auquel il appartient au moment de son élection vers un autre parti, pour des intérêts personnels.
Une telle tare constitue le plus grand fléau de la démocratie sénégalaise, en ce sens qu’elle fragilise les équilibres et les contrepoids nécessaires à son bon fonctionnement. Sans occulter qu’elle cultive et entretient l’immoralisme en politique.
Un tel phénomène a atteint son paroxysme sous Abdoulaye Wade qui avait poussé le bouchon jusqu’à recycler des hommes politiques vomis par son peuple.
L’avènement de Macky Sall à la tête de la Magistrature suprême avait ainsi suscité beaucoup d’espoir dans ce sens. Surtout que le président de l’Alliance pour la République (APR/Yaakar) avait promis aux Sénégalais, «une gouvernance vertueuse», basée sur la rupture et une moralisation de la vie politique. Hélas !
Après deux années d’exercice, les différentes tares de l’ancien régime sont en train de refaire surface.
L’une des plus abjectes d’entre elles, la transhumance ou «nomadisme» politique. Pourtant, le Chef de l’Etat, échaudé on ne sait par quoi, semble vouloir s’encombrer de certaines personnes qui l’avaient frontalement combattu mais aussi et surtout qui trainent des casseroles à cause de leur gestion jugée très peu orthodoxe par les différents organes de contrôle (Cour des comptes, ARMP).
En gros, voler, mentir, piller, gaspiller, tricher, surfacturer rimerait avec la politique dont l’étymologie du mot voudrait pourtant bien dire «l’art de gérer la cité».
Cautionner la transhumance, c’est même trahir le suffrage des sénégalais qui avaient décidé au soir du 25 mars 2012 de sanctionner les gouvernants d’alors en les renvoyant dans l’opposition.
La logique démocratique voudrait qu’ils y restent et jouent pleinement leur rôle de contre-pouvoirs jusqu’à ce que les seuls détenteurs de la souveraineté nationale (le peuple) en décident autrement.
Mais ne croyant en rien, sinon qu’à leurs intérêts propres, ils valsent d’un camp à l’autre en pervertissant davantage les mœurs politiques sénégalaises, sans la moindre vergogne, ni remord.
Par ailleurs, il faut relever que si à l’époque la «transhumance» était savamment orchestrée par un parti pour fragiliser l’autre (le départ de Fara Ndiaye du PDS pour le PS, par exemple), celle d’aujourd’hui se justifie par un appétit carnassier. Ce qui explique la stupeur qu’elle crée chez les Sénégalais qui n’occultent plus leur agacement.
Pour régler la transhumance d’alors, la plupart des constitutions africaines y avaient apporté une solution juridique en prévoyant, par exemple, une déchéance automatique pour tout élu qui démissionne ou même qui est exclu, en cours de législature, du parti dont il a reçu l’investiture pour un autre parti.
C’est la solution consacrée au Sénégal avec la constitution du 7 janvier 2001. Mais aussi dans d’autres pays tels la RD Congo, le Congo (Brazzaville), la Namibie, le Gabon, le Rwanda, le Niger, etc.
Mais pour le «nomadisme» politique d’une manière générale, c’est au peuple de prendre sa responsabilité en sanctionnant négativement, comme c’est souvent le cas, tout parti qui s’adonne honteusement à une telle pratique.
Le 29 juin prochain, serait une belle opportunité pour le prouver.
sud quotidien