Les Sénégalais de France peuvent désormais bénéficier de la confection de leurs cartes nationales d’identité au Consulat du Sénégal à Paris. Le nouveau service a été inauguré par l’ambassadeur Paul Badji. Après la mise en place des visas biométriques à Paris, c’est un nouveau « challenge » pour le Consul général Amadou Diallo. Il nous en dévoile les grandes lignes ainsi que le bilan du service des visas et des dossiers de financement de projets des femmes de la diaspora à hauteur de 300.000 euros.
Monsieur le Consul général, qu’est-ce qui a motivé la mise en place de ce nouveau service pour la diaspora sénégalaise de France ?
C’est un service important qui n’est pas évident à mettre en place, donc nous avons démarré le travail depuis un mois. C’était le temps nécessaire pour mettre en fonction et monter en puissance. Aujourd’hui, nous recevons 30 personnes par jour pour l’établissement de carte nationale d’identité. On a compris que la demande était très forte. Les prises de rendez-vous se font uniquement par internet et c’est plein pour les deux mois à venir.
Le président Macky Sall avait pris l’option de réaliser les Cni lors de ses tournées à l’étranger. Il avait pris la décision exigeant tous les services compétents de travailler sur la banalisation de l’obtention des documents administratifs par les Sénégalais de l’extérieur sans pour autant banaliser le document. Depuis six mois, nous avons senti que les autorités compétentes s’y étaient mises, donc aujourd’hui, après les passeports, les visas, les cartes nationales d’identité sont opérationnelles de Paris, qui est comme un hub hors du Sénégal.
Quel est le dispositif humain et matériel alloué au service des cartes nationales d’identité à Paris ?
Nous avons pris tout le premier étage (sur trois, Ndlr) pour les confections de la carte nationale d’identité. Nous avons un espace d’accueil, nous sommes en train de finaliser la gestion de la file d’attente et il y aura un écran pour mieux la gérer. Trois bureaux sont affectés au service Cni. Nous avons un agent du ministère de l’Intérieur, venu de Dakar, qui nous appuie. Il travaille avec un agent du consulat. Nous recevons une trentaine de personnes par jour. C’est ce qui était prévu au départ mais il nous arrive, souvent, de dépasser ce chiffre car lorsqu’une personne prend rendez-vous, elle vient parfois avec quatre ou cinq autres membres de sa famille. Dès que la personne a les documents nécessaires pour disposer d’une Cni, l’enrôlement est fait. Nous avons la logistique comme en 2007, quand nous préparions l’élection présidentielle. Les documents sont envoyés par la suite à Dakar qui traitent puis nous renvoie les cartes nationales d’identité. Il nous travaillons avec Dakar sur le système d’envoi et sa sécurité. Ce sont des documents sécurisés et ils ne peuvent pas transiter par n’importe quelle personne.
Pour les visas, l’Etat du Sénégal s’était mis en partenariat public privé (Ppp) avec une entreprise étrangère, qu’en est-il pour la mise en place du service des Cni à Paris ?
Tout est géré par les Sénégalais pour les cartes nationales d’identité. Ce n’est pas le même modèle que les visas. Tout est géré par Iris qui est le bras armé du ministère de l’Intérieur pour la confection des Cni.
Quel est le délai entre le moment où se présente le demandeur de Cni au consulat et celui de la réception effective du document ?
Je rappelle que nous n’avons pas encore totalement établi un système d’envoi des cartes mais nous sommes entre une durée maximale d’un mois avec objectif de la ramener à une semaine. Le service est appelé à s’améliorer.
Les cartes nationales d’identité, après les passeports puis les visas, est-ce que le consulat est assez outillé en effectifs et compétences pour remplir ces trois missions ?
C’est un challenge pour nous. Nous pensons avoir les moyens techniques de faire face à la demande. Aujourd’hui, nous recevons, au quotidien, plus de 150 personnes au service des visas, plus de 100 pour les passeports, plus de 30 personnes pour les cartes nationales d’identité et environ 50 personnes au service d’Etat civil. Pour nous occuper de tout ce beau monde, nous avons mis en place la prise de rendez-vous par internet. Il y a ensuite la gestion des files d’attente : la prise de tickets et suivre l’avancée par écran. Nous avons récupéré les bureaux du service de gestions des étudiants sénégalais à l’étranger (Sgee) qui a déménagé à la rue de la Tour (16e arrondissement), d’ici fin juin nous allons mettre une signalétique pour différencier les étages et les services.
10 mois après la mise en place du visa biométrique au consulat du Sénégal à Paris, quel est le bilan ?
Nous avions eu beaucoup de difficultés au départ. La mise en place du projet était très compliquée car au début, il n’y avait pas de moyens d’accompagnement. Heureusement, l’équipe du consulat a fait face en allant au-delà des fonctions établies, il y a même eu des personnes extérieures qui sont venues nous appuyer. Les systèmes de rendez-vous et de gestion de file d’attente nous ont soulagés. Le bruit devant le consulat n’était pas conforme à l’image du Sénégal que nous voulions vendre aux touristes et bi nationaux. Aujourd’hui, il y a encore un travail à faire car le système est toujours lourd. Il y a la possibilité de diminuer les pesanteurs administratives aux personnes voulant se rendre au Sénégal. Les lourdeurs portent, par exemple, sur l’attestation d’hébergement demandé car la personne qui héberge l’étranger au Sénégal doit aller au ministère de l’Intérieur puis être auditionné. Nous avons les moyens de supprimer beaucoup de ces barrières administratives tout en maintenant un niveau de contrôle de sécurité pour les personnes qui viennent à nous.
Et le bilan financier ?
Je ne peux pas trop m’avancer sur le bilan financier car à Paris, nous ne récupérons pas l’argent. Je peux simplement vous dire qu’il y a encore du flux, les gens continuent à venir chercher des visas. La moyenne quotidienne est de 150 personnes depuis le début de l’année alors qu’avant janvier, nous tournions autour de 300. Nous travaillons pour que chaque personne reparte avec son visa le même jour. Les touristes recherchent le côté sécurité des pays visité surtout avec le contexte de la menace terroriste. La mise en place du visa n’est pas une barrière, les touristes ont juste besoin que le système soit beaucoup plus huilé mais malheureusement, je dois dire qu’il y a encore des efforts à faire.
Fin 2013, 300.000 euros avaient été alloués au financement des projets économiques des femmes de la diaspora. Où est-ce que vous en êtes ?
Nous avons reçu, la semaine dernière, Mme Nata Samb Mbacké, l’administratrice du Fonds d’appui à l’initiative des Sénégalais de l’extérieur (Faise), qui était de passage à Paris. Nous avons tenu une réunion technique. Aujourd’hui, nous amorçons la dernière ligne droite et le 26 avril 2014, nous allons remettre les premières enveloppes de financement sous forme de cérémonie en présence de l’administrateur du Faise. L’ambassadeur Paul Badji est le président du comité de pilotage, j’en suis le coordonnateur. Nous sommes en train de travailler sur la mise en place de la cérémonie et de la liste des femmes par rapport aux critères retenus par l’administrateur du Faise.
Quels sont les projets qui ressortent le plus sur les demandes reçues ?
Nous avons reçu 200 projets qui viennent de toute la France. Le commerce, la restauration et les salons de coiffure sont les projets qui reviennent le plus. J’ai été surpris par la qualité de certains projets, l’expertise féminine sénégalaise est reconnue en France. La plus part des projets est soutenue par des gens qui ont déjà une activité, donc viable. C’est un projet intéressant et personnellement, je l’appelle « Projet Diom » car on ne demande pas beaucoup de garanties, ni des aspects administratifs mais nous allons mettre la pression pour que les bénéficiaires puissent rembourser le fond afin de financer d’autres personnes. Le « Diom », une vertu bien sénégalaise, doit donc être un aspect important. Si nous finançons 100 femmes, avec les remboursements, nous pourrons un jour financer 200, 300, 400 autres projets de femmes.
Quels sont les délais de remboursement ?
Les délais de remboursement sont au cas par cas mais nous voulons qu’ils commencent au plus tard trois mois après l’attribution des fonds. Il faut que le retour sur investissement soit très rapide pour que le bénéficiaire, à partir de l’argent généré par son activité, puisse rembourser. Il y aura un comité de suivi des bénéficiaires.
Dernièrement, le président Sall vous aurez demandé de vous retirer des instances de l’Apr pour plus de conformité avec votre fonction de Consul général. Quel en est votre sentiment ?
C’est une mesure républicaine. Tout le monde sait que je suis un militant de l’Apr, je fais partie de ce qui ont lancé le parti dans la diaspora, mais aujourd’hui, j’assume des missions et une fonction qui m’obligent à une certaine neutralité vis-à-vis des Sénégalais. J’ai démissionnais de tous les postes et responsabilités en tant que coordonnateur de la section Apr de Beauvais, celui de chargé des relations extérieures du parti en France, celui de coordonnateur adjoint de la Ccr et celui de coordonnateur de « Benoo bokk yaakaar » en France. Je continue de suivre l’actualité politique et d’être présent là où ma présence est nécessaire sans pour autant que la fonction de consul général ne soit entachée dans sa neutralité.
Propos recueillis par Moussa Diop (Correspondant permanent à Paris)
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