Des adolescentes-femmes ! Tel pourrait être le terme adéquat pour qualifier ces gamines. Des jeunes filles, pour la plupart mineures, s’habillent comme les femmes, se maquillent plus que leurs mamans. Elles dansent plus vite que leurs âges. Ces accoutrements «extravagants» se prolongent jusque dans les salles de classe où la majorité des professeurs laissent faire. Qu’est-ce qui se passe dans la tête de ces ados ? Le Quotidien a essayé d’en savoir plus.
Tout dans son accoutrement laisse penser qu’on a affaire à une femme d’âge mûr. Mamy parade sur ses hauts talons sur la chaussée faisant fi du regard des passants. Elle est élève au Lycée John Kennedy, en classe de première. Moulée dans une jupe courte, la démarche lente, Mamy traîne sa frêle silhouette le long du mûr qui mène à l’entrée principale de son établissement. Teint poudré, les cils subtilement relevés avec du mascara bleu foncé, mettant en valeur son blanc d’œil. Le tout rehaussé avec un rouge à lèvre qui met en exergue les contours de ses lèvres charnues.
«Sortir sans me maquiller. Oh quelle horreur !»
A 16 ans, la jeune fille semble bien maîtriser les astuces pour se montrer belle. Belle pour se présenter à son cours de français prévu, ce jeudi, à 13 heures. Elle a accepté avec ses amies de nous accorder quelques 15 minutes, le temps que la cloche sonne. Un groupe de cinq filles, toutes habillées et maquillées presque de la même manière. De vraies poupées Barbies. «J’adore me faire belle. Je ne m’imagine pas aller à l’école sans me maquiller. Oh quelle horreur ! Que Dieu m’en garde !», s’écrie presque Mamy, la mine grimacée. La réaction de cette gamine en dit long sur l’importance qu’elle accorde à son paraître. Sa copine, Aïda Soumaré, très coquette dans ses escarpins qui affinent sa silhouette souple, est du même avis qu’elle. Le maquillage est pour elle un rituel dont elle ne peut se passer, pour rien au monde. «Je me donne les moyens pour me faire belle», prévient-elle. Aïda se réveille à 5 heures du matin quand elle a cours à 8 heures pour faire sa toilette et prendre soin de sa tête et de son visage. «Je prends le temps qu’il faut», admet-elle.
Cette tendance des adolescentes à s’habiller comme leurs mamans n’est pas seulement le lot des «Kennediennes». A Lamine Guèye également les filles se donnent à cœur joie aux maquillages et se plient aux exigences de la mode. Ici le plus étonnant c’est que ce phénomène est plus constatable chez les élèves du «Petit quartier». Adolescence oblige ? En tout cas, les potaches des classes de 5ème, 4ème et 3ème ne s’en privent pas. Elles rivalisent avec leurs aînées des classes de première et terminale. La preuve, à notre passage, nous avons trouvé quelques unes massées dans la cour, sous un arbre en plein marchandage avec une femme, la trentaine épaisse vendant des hauts, des bas slim, des accessoires et autres gadgets. Les collégiennes s’agenouillent devant le gros sac blanc contenant la marchandise pour choisir soit un haut soit un pantalon. «Les élèves s’habillent bien maintenant. Ce sont mes principales clientes. Je leur donne la marchandise souvent à crédit», explique la dame assaillie par ses clientes.
«Il n’y a pas un âge pour se faire belle»
Dans une des classes de cinquième de cet établissement visité, une fille attire l’attention. Elle se nomme Sokhna. Elle a juste 15 ans. Elle a greffé sur sa tête des cheveux naturels, couleur marron qui arrivent jusqu’aux épaules. Le teint légèrement éclairci, Sokhna, très précoce pour son âge, enfile une leggins jaune qui ressort ses courbes étourdissantes. Son haut couleur rouge laisse entrevoir ses seins. Ses camarades de classe la surnomment «Lady Gaga» du nom de cette affriolante et sulfureuse chanteuse américaine. «Elle s’habille très classe», souffle une élève visiblement sous le charme de Sokhna. Une autre qui ne semble pas apprécier le mode vestimentaire de Sokhna, la trouve «extravagante» et «provocante». «Elle porte les leggins serrées, avec des hauts sautés qui laissent apparaître ses seins. Le visage maquillé à outrance», détaille-t-elle l’air dédaigneuse. Interpellée, Sokhna dit être en paix avec elle-même. «Je ne me soucie pas des avis des uns et des autres. Mes camarades sont libres d’apprécier mais moi aussi je suis libre de m’habiller comme je veux. L’essentiel c’est que je me sens à l’aise dans mes accoutrements», se défend-t-elle.
Il n’y a pas longtemps, dans les salles de classe, le maquillage et les tenues jugées «trop sexy» n’étaient pas autorisés. Aujourd’hui, cette période semble être loin derrière nous. Les établissements ont-ils capitulé face à la détermination des élèves ? Tout, porte à le croire. Astou Bâ, élève au lycée Kennedy, a une petite idée sur la question : «Peut-être qu’ils (les professeurs) ont compris qu’il n’y a pas un âge pour se faire belle et exprimer sa féminité». Quant à Mamy, elle pense que le monde évolue et qu’il faut évoluer avec lui.
«Le prof nous démaquillait avec son éponge»
Certains professeurs pensent tout à fait le contraire. Pour M. Hann, les filles doivent d’abord vivre leur innocence et éviter de brûler des étapes dans leur processus de maturation. Se rappelant ses scolarités passées, Mamy s’arrête sur un de ses enseignants (M. Hann) qui ne pouvait tolérer le maquillage. «Chaque fois qu’on avait cours avec lui, il nous démaquiller avec son éponge mais cela ne nous décourageait pas. Juste après son cours, on se remaquillait». Les filles très ingénieuses avaient trouvé entre les cours un petit moment qu’elles appellent «séance maquillage» «Nous avons toujours une trousse de maquillage avec nous, enfouie dans nos sacs», soutient Mamy. Aïda faisant partie du groupe de Mamy, renchérit : «Dès fois excédé, le professeur nous renvoyait de la classe». De qui ces gamines tiennent-elles leurs attitudes ? Mamy n’a pas cherché loin. Sa maman est son inspiratrice. «Ma mère est un magna de la mode. J’aime sa façon de s’habiller, sa façon de se mettre en valeur. Je cherche à lui ressembler», confesse la jeune fille les yeux pétillant de bonheur. Pourtant, d’après Mamy, sa maman n’aime pas qu’elle se maquille. Selon ses dires, elle le lui reproche toujours. «Elle trouve que le maquillage est prématuré pour moi», grommelle la jeune fille qui sourit laissant apparaître son percing sur sa langue. Sokhna, elle, dit être encouragée par sa mère qui vit aux Etats-Unis. «C’est elle qui m’envoie mes habits. Si c’était mauvais, elle ne l’aurait pas fait», soutient-elle. Quant à Astou, ses parents n’émettent pas d’appréciation sur sa façon de s’habiller. Ils ne sont même pas au courant de ce qu’elle fait. «Je prends le temps de me démaquiller avant de rentrer chez moi».
L’uniforme, l’astuce
Les établissements scolaires ont abdiqué face au maquillage. Ce qui n’est pas le cas pour l’habillement. L’uniforme exigé presque dans tous les lycées et collèges est l’astuce tout trouvé par les autorités scolaires. Le groupe scolaire «Les Pédagogues» situé aux Hlm Grand Yoff, a introduit cette année des uniformes avec pantalon et /ou jupe trois quart, chemise et gilet. Ces uniformes, en plus d’assurer une égalité entre les élèves pour les mettre au même niveau, règlent de manière assez subtile les tenues indécentes qui indisposent certains professeurs. Cependant, les potaches ne sont pas restés inactifs. Les filles ont trouvé le moyen de retailler sur mesure les pantalons et les jupes. Certaines se sont retrouvées avec des bas slim, des mini-jupes largement au-dessus des genoux qui épousent parfaitement leurs rondeurs. La direction a été obligée de jouer aux «policiers» pour traquer les «fautives». Comme pour dire que chasser le naturel, il revient plus sexy…
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