On connaissait, bien sûr, l’engagement récent du député apériste à soutenir le projet de légalisation de l’IVG (interruption volontaire de grossesse) promu par les lobbies féministes au Sénégal. Son activisme soudain et très dynamique à soutenir ce projet de société avait même surpris plus d’un à l’époque. L’« honorable » n’avait même pas hésité à leur faire l’ « honneur » de les accompagner sur les plateaux de télévision, en bon « thiamigne », pour défendre avec des arguments qui valaient ce qu’ils valaient, la banalisation dans notre société de cette pratique problématique. Une cause dont il existe pourtant un grand nombre de contre-arguments médicaux, sociaux, moraux etc. à même de relativiser profondément la pertinence.
Face à ce brusque activisme suspect, certains s’étaient même publiquement interrogés sur la véritable nature des relations (d’intérêt ?) qui existaient réellement entre les pôles ONG et Parlement dans notre pays. Relations qui permettaient désormais aux ONG internationales, sous couvert de leurs relais locaux, d’initier des « plaidoyers » sur des questions sociétales dans le sens de leurs valeurs et projets de société. Aux fins de matérialiser ceux-ci en lois et dispositions institutionnelles, avec l’aide de « députés du Peuple » qui, en réalité, sont devenus des « députés des ONG » chargés d’aider ces dernières à mettre en œuvre le Programme d’Ajustement Culturel du Sénégal (PACS) dont ces organisations sont porteuses…
Poursuivant sa nouvelle croisade, l’« honorable » (pas si « honorable » que cela, à vrai dire) vient de nous servir une autre sortie qui ne fait que s’inscrire dans cette logique « plaidoyère » à la mode. A l’occasion notamment d’un de ces dîners ou séminaires à Saly (dont nos ONGistes ont le secret) dont les perdiems semblent assurément être d’excellents compléments salariaux aux avantages déjà conséquents de nos représentants. S’exprimant ainsi sur le problème de « la liste de Touba », qui, pour nous, fait déjà partie du passé, l’« honorable » est en effet revenu à la charge. Non plus, cette fois-ci, avec la ferme volonté d’inciter davantage nos filles à disposer librement de leurs corps et à se « libérer sexuellement », sous la protection bienveillante de l’Etat sénégalais, mais celle de défendre une parité à laquelle l’essentiel des populations sénégalaises (qu’il était pourtant censé « représenter ») ne se sont jamais reconnues. Une parité démagogique qui fut votée, dans sa volonté de mobiliser l’électorat féminin, par l’ancien président dont l’« honorable » n’hésite pourtant jamais à dénoncer les dérives passées. Une parité qui, sous prétexte de « discrimination positive », viole pourtant, et assez étrangement, les dispositions de « non discrimination basée sur le sexe » stipulées par la Constitution de notre pays. Une parité qui met arbitrairement en avant une caractéristique particulière (sexe, religion, ethnie etc.) au détriment de la compétence et du mérite. Sous le regard insidieusement bienveillant de nos « droit-de-l’hommistes » locaux.
Nous nous interrogeâmes même dernièrement, en lisant l’autre jour une information sur l’officialisation d’un troisième sexe pour les transgenres en Inde, s’il ne serait pas légitime, pour les tenants de cette sorte de répartition artificielle des fonctions officielles, de promulguer un jour une loi sur une « triparité » qui prévoirait une stricte division par trois des membres du parlement et des listes électorales. Le jour où le « déshonorant » projet de société actuellement défendu par l’« honorable » arrivera à faire voter au Sénégal une autre loi qui officialiserait l’existence de cette autre « minorité sexuelle » que sont les « transgenres », ou les LGBT (Lesbiennes, gays, Bisexuels et Transsexuels) de façon beaucoup plus générale et plus cohérente. Qu’attend d’ailleurs notre « honorable » pour franchir ce nouveau pas vers le « progrès » ? Qu’un tout nouveau plaidoyer pour légaliser l’homosexualité, fille de la « théorie du genre », soit initié auprès des « leaders d’opinion » sénégalais ?
Et lorsque notre « honorable » nous rappelle que « les lois de la République doivent être appliquées à tout citoyen. » et qu’ « une République, ce sont des lois », il nous donne tout simplement envie de rire. Tellement cette posture soi-disant « légaliste », s’appuyant en vérité sur un juridisme et un fétichisme institutionnel de bon aloi, prétend malhonnêtement mettre le principe de légalité au-dessus de celui plus général de « légitimité » et feint d’oublier que les lois sont faites par des hommes et pour des hommes. Et qu’une République, ce n’est pas une entité abstraite, un dogme tombé on ne sait comment du ciel qu’il faille adorer, les yeux fermés. Mais que c’est plutôt, ou ce devrait être, l’expression d’un consensus rassemblant l’essentiel du peuple qu’elle est censée incarner et préserver les intérêts socioéconomiques et moraux, sans distinction d’appartenance. Au risque, autrement, de devenir un instrument de domination économique, culturelle, idéologique d’une oligarchie politico-économique qui risquera un jour de faire face au « Peuple réel ».
Toutes les révolutions passées et récentes de l’Histoire ne se sont-elles pas justement faites contre des lois ? Des lois jugées par l’essentiel des peuples comme « scélérates », injustes et destinées à préserver les intérêts particuliers et les valeurs auxquels ces peuples ne se reconnaissaient nullement ? D’ailleurs, n’est-ce pas ce même « honorable » qui contestait justement la « légitimité » de la loi sur le ticket présidentiel que s’apprêtait à voter, le 23 juin, une instance (pourtant « légale ») de la République au sein de laquelle, ironie du sort, il s’érige aujourd’hui en donneur de leçon de « légalité » ? Que n’a-t-il invoqué alors ce principe de légalité d’une Assemblée Nationale s’apprêtant alors à faire passer une forfaiture fatale ? N’est-ce pas encore le même politicien, en même temps qu’une partie des actuels adversaires « légalistes » de Touba, qui critiquait la « légitimité » de la décision du Conseil Institutionnel (une autre instance « légale » de la République) de valider la candidature du président (qui a fait voter la parité) aux dernières élections ? Pourquoi, dans notre pays, l’on ne daigne parler de légalité de nos lois que quand il s’agit de causes en accord avec nos visions et intérêts particuliers, alors que, dans les cas contraires, l’on n’hésite pas le moins du monde à brocarder ces mêmes lois ? Est-ce à notre peuple de se conformer à des lois iniques, tombées d’on ne sait où, ou imposées (avec la complicité de politiciens véreux) par des protocoles de Maputo et de je-ne-sais-où, ou bien ne serait-ce pas plutôt à notre peuple de conformer ces lois à son vécu et à ses valeurs. Qu’est-ce que la République si ce n’est nous-mêmes, les sénégalais, toutes catégories et confessions confondues ?
S’il faut donc changer quelque chose, cher « honorable », c’est bien cette République artificielle et manipulée par des politiciens sans foi ni loi qu’il faut changer.
Pour ce qui est de la position de l’« honorable » sur le débat sur le « Statut spécial de Touba », nous ne pensons même pas qu’elle mérite une répartie. Tellement elle tombe dans les lieux communs et interprétations idéologiques et sans aucun caractère scientifique que nous eûmes, récemment, l’occasion de déconstruire. La seule chose qu’il siérait éventuellement de lui rappeler est que ce « statut spécial » existe depuis toujours de facto (à travers, notamment, les nombreuses dispositions réglementaires spécifiques à la ville sainte, avec l’accord tacite de l’Etat). Et que le débat qui a été lancé par la Commission Technique mise en place par le Khalife des mourides, suite à la promesse du Président Macky Sall (dont l’« honorable » est censé étrangement représenter la « majorité »), consistait plutôt à la FORMALISATION d’un état de fait. Pour rendre enfin celui-ci plus conforme aux lois et éviter les hiatus constatés. Une formalisation qui, malgré les amalgames sciemment suscités pour les raisons que l’on sait, ne consistent à rien de plus qu’à un approfondissement légal des « transferts de compétences » déjà prévus dans l’Acte 3 de la Décentralisation. Rien de plus. C’est donc dire que la balle est dans le camp de l’Etat qui n’a, en vérité, que ces deux alternatives :
(1) Soit formaliser un statut qui fut depuis toujours spécial, pour mieux intégrer nos réalités et valeurs dans son architecture institutionnelle et républicaine, tout en respectant une promesse publique du Chef de l’Etat et l’engagement formel du gouvernement sénégalais à l’issue du Conseil des ministres décentralisé de Kaolack (voir la vidéo ici );
(2) Soit laisser perdurer le statu quo actuel, au risque de consacrer le premier « wakh wakheet » public du Président Macky Sall et de perpétuer, en même temps, un déphasage légal et la non application effective, depuis les indépendances, de certaines lois générales de la République à Touba (avec l’aval implicite et officieux de l’Etat). Une situation dont ne souffrirait en aucune manière Touba, du moment que ses spécificités culturelles et religieuses auraient été préservées et dont le principal perdant serait, à la réflexion, le camp dit « républicain ». Car, du moment où il n’existe actuellement aucun texte délimitant clairement les champs de compétences des autorités de Touba et celles régaliennes de l’Etat, qui peut raisonnablement garantir les évolutions futures des unes et des autres ?
En définitive, nous pensons humblement que, pour conserver son honorabilité, l’« honorable député des ONG » devrait revoir sa copie. Ou plutôt, pourquoi pas, la passer discrètement à ses discrètes « souteneuses » pour que celles-ci puissent la rédiger à sa place.
Il doit en avoir l’habitude, non ?
Par A. Aziz Mbacké Majalis