(En hommage à l’illustre professeur Ibrahim Barham Mahmoud Diop)
«Mais leurs cœurs restent dans l’ignorance à l’égard de cela [le Coran], [En outre] ils ont d’autres actes qu’ils accomplissent, Al-Mu’minun (les croyants) v. 63
A présent que la clameur s’estompe après les excuses du professeur Oumar Sankharé, suite à la publication de son ouvrage controversé «Le Coran et laculture grecque» il faut regretter que le débat auquel il invitait n’aura pas lieu. Le professeur l’aurait voulu un débat d’universitaires, un débat qui exclut de facto les «ndongo daara», un débat «qui ne sortirait pas de l’université parce que l’universitaire n’a pas la même perception du Coran que ceux qui ont étudié dans les daaras. Ceux qui sont dans les daaras, on leur dit quelque chose ils y croient». En bref un débat d’idées.
Les précautions oratoires s’expliquent davantage eu égard au tollé de désapprobation suscité par le livre alors qu’en majorité ceux qui s’empressent de vouer aux gémonies son auteur ou de l’excommunier ne l’auront même pas lu. Ce qui eut pour effet de renvoyer le débat aux calendes grecques. Un débat d’idées n’est pas un débat de dogme. Opposer des dogmes revient à livrer un combat de gladiateurs et quand les idées se frottent c’est la lumière qui éclate au grand jour. Cependant le débat était soutenable, bien soutenable sur les quatre questions majeures soulevées par le professeur, à savoir: l’illettrisme du Prophète (PSL), une forte similitude entre le Coran et quelques fragments de textes relevant de civilisations antérieures, l’existence d’erreurs dans le Livre et l’inexistence totale de l’ascension céleste dans le Coran.
Ce débat d’idées le Coran en premier y invite tout le monde pourvu qu’on ait les outils nécessaires pour y prendre part. Le texte s’adresse exclusivement aux doués de raison, qu’ils soient hommes ou djinns. A chaque instant il exhorte à davantage d’efforts de réflexion et de méditation tant par les vocables que par les versets: ‘Ibra (leçon),aaya (indice), zikraa (rappel)…, «N’est-ce pas là un serment, pour un doué d’intelligence? (Al-Fajr (l’aube), v. 5), « Afin que cela servît de leçon et qu’une oreille attentive s’en souvînt toujours. » ( Al-Haaqqa (celle qui montre la vérité), v. 12)…
D’ailleurs la lecture du Coran la plus souhaitable et la plus méritoire est celle qui est faite avec une finesse d’esprit, en fonction de son niveau de compréhension du texte, du degré de sa foi et surtout de sa spécialité quelle qu’elle soit: médecine, physique, astrologie, littérature etc… «Ne méditent-ils pas sur le Coran? Ou y a-t-il des cadenas sur leurs cœurs ?» (Muhammad, v. 24), «Ne méditent-ils pas sur le Coran ? Si celui-ci venait d’un autre que Dieu, ils y trouveraient de nombreuses contradictions. » (An-Nissa’(Les Femmes), v. 82).
Le professeur l’aurait voulu en même temps un débat autour duquel les arguments à faire valoir seraient exclusivement tirés du Coran puisque dit-il: «N’importe qui peut rapporter son hadith… Mais moi ce sur quoi je puis me fonder et qui est universel, c’est le Coran. C’est pourquoi je n’ai pas pris le reste.»
Même si on lui reconnaît le droit d’être sceptique sur le caractère apocryphe ou authentique d’un hadith, vouloir soutenir un tel débat sur la base d’un argumentaire exclusivement tiré du Coran – bien que faisable – c’est fermer le champ du débat. Pour la bonne et simple raison que la source première des exégètes est le Coran, viennent ensuite l’hagiographie, les hadiths etc. Et les commissions chargées de statuer sur les hadiths sont constituées de spécialistes en la matière, reconnus comme tels. Tout comme le Pr Sankharé est aujourd’hui une référence en littérature classique.
A titre illustratif, nulle part dans le Coran il n’est fait mention de la forme que doit revêtir la prière, clé de voûte de la religion, du nombre de rakas, de sa longueur… Il faut recourir à des disciplines comme le fiqh ou l’hagiographie du Prophète pour comprendre ces aspects.
Au vu de l’interprétation tendancieuse faite par le professeur de certains passages du Coran tels que rapportés par le journal quotidien, l’As n°2596 du 20 mai 2014, on est tenté de dire que soit il est ébloui par sa spécialité, la culture grecque, au point de s’en servir (par déformation professionnelle) comme loupe pour lire le Coran, soit il fait face à un sérieux problème de compréhension et d’expertise en arabe; ce qui l’amènerait à se poser comme un inspecteur des travaux finis, juste une caisse de résonnance des thèses défendues dont il serait loin d’être l’auteur originel.
« Le Coran n’a jamais dit que le Prophète Mouhamed était un illettré »
Les sujets traités relèveraient-ils de versets prêtant à équivoque on aurait compris cette analyse scabreuse, mais il s’agit de versets univoques dont le sens est claire comme de l’eau de roche. C’est le cas quand catégorique, il soutient:« On a dit nulle part que le Prophète est un illettré. C’est que les gens veulent faire accroire que tout ce qui est dit dans le Coran n’est pas de lui, parce qu’il n’a pas cette culture-là. Ça n’a pas de sens parce que le terme utilisé dans le Coran «an nabiyul ummiyu» est traduit par prophète illettré ».
L’examen lexical du concept « ummiyu » rapportéà l’auguste personne du Prophète à travers le Coran, donne sur toutes les coutures: illettré.
« Ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré qu’ils trouvent écrit (mentionné) chez eux dans la Thora et l’Evangile. Il leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises, et leur ôte le fardeau et les jougs qui étaient sur eux.» (Al-A’raf, v.157).
« Dis: O hommes! Je suis pour vous tous le Messager d’Allah, à Qui appartient la royauté des cieux et de la terre. Pas de divinité à part Lui. Il donne la vie et II donne la mort. Croyez donc en Allah, en Son messager, le Prophète illettré qui croit en Allah et en Ses paroles. Et suivez-le afin que vous soyez bien guidés.» (Al-A’raf, v. 158).
Dans ces deux versets superposés, al-ummiyyu adjoint au substantif an-nabiyyu, précédé du déterminant an (ma’rifa) le, ramènerait difficilement à mère (umm) ou communauté (ummatu) comme prétendument soutenu par le professeur. Non seulement cela n’a pas de sens mais c’est perdre totalement de vue la nuance de comparaison qu’implique le déterminant an. A noter que la comparaison ne saurait se faire avec le commun des mortels mais plutôt avec ses pairs prophètes au sein desquels il se distingue singulièrement par son illettrisme. Ce qui est loin d’être une tare chez lui, mais une preuve de plus de l’authenticité de son message.
Le concept ummiyu revient au pluriel à la sourateJumu’a: « C’est Lui qui a envoyé aux gens illettrés un Messager des leurs qui leur récite Ses versets, les purifie et leur enseigne le Livre et la Sagesse, bien qu’ils étaient auparavant dans un égarement évident.» (Al-Jumu’a (le vendredi), v. 2).
Dans ce verset le Messager fait partie intégrante d’une communauté d’illettrés dont il est issu. Cela ne veut pas dire qu’ils ignoraient tous, les fondamentaux de la lecture et de l’écriture, mais en majorité ils ne savaient ni lire ni écrire.
Pour couper court à toute spéculation sur le sujet, la sourate Al-‘Ankabut est on ne peut plus explicite: « Et avant cela, tu ne récitais aucun livre et tu n’en n’écrivais aucun de ta main droite. Sinon, ceux qui nient la vérité auraient eu des doutes. » (Al-‘Ankabut (l’araignée), v. 48). Le verset fait référence à ses contempteurs qui lui prêtaient la faculté de lire et d’écrire en disant: « Et ils disent: « Ce sont des contes d’anciens qu’il se fait écrire! On les lui dicte matin et soir! ». (Al-Furxaan (le discernement), v. 5).
Ce qui est inquiétant c’est quand l’universitaire doublé de son titre d’arabisant de haut niveau qui a même traduit Al-Jurjaany confond affabulation et réalité des faits et en déduit de but en blanc que le Prophète n’en était pas moins lettré: «Quand quelqu’un dicte à quelqu’un, c’est que celui-ci sait écrire au moins. Je récuse donc une telle thèse qui dit que le Prophète est un illettré».
De même l’argumentaire n’a rien de la rigueur d’un universitaire quand le professeur s’interroge: « Est-ce que Dieu peut venir dire à un illettré «Lis»?». C’est faire preuve d’une ignorance insondable des rudiments de la stylistique du Coran. Dieu ignorait-il ce qu’avait Mussa à la main quant-Il lui disait: «Et qu’est-ce qu’il y a dans ta main droite, o Mussa ? » (Ta-Ha, v. 17). Mussa lui-même avait-il un traitre soupçon d’une méconnaissance divine de sa condition de pasteur quoique fut longue sa répartie ? :« Il dit: « C’est mon bâton sur lequel je m’appuie, qui me sert à effeuiller (les arbres) pour mes moutons et j’en fais d’autres usages ». » (Ta-Ha, v. 18). Ou enfin Dieu se mettrait-il alors à parler à la cantonade au tout début dela sourateAl-Insaan (l’homme)? :«S’est-il écoulé pour l’homme un laps de temps durant lequel il n’était même pas une chose mentionnable?».
Il en est de même pour ses questionnements: «Est-ce que Dieu va confier une si importante mission à quelqu’un qui ne sait pas lire ?». Paraît-il logique que quelqu’un dont la modestie interdisait systématiquement qu’on lui ramasse son objet quelconque tombé de sa monture, mais en descendait pour le faire lui-même avant de poursuivre son chemin, astreigne un groupe d’hommes (ses scribes) à un travail aussi fastidieux que la transcription du Coran pendant 23 ans ?
Savoir lire et écrire est certes un avantage incommensurable mais en quoi cela influencerait-il sur l’action du Prophète quand on compare ses résultats aux maigres moyens dont il disposait ? Qui peut se targuer après lui d’avoir mieux fait à la fois au niveau temporel et spirituel?
En guise de conclusion sur le sujet, le professeur ne cherchera pas plus loin pour déduire des relations qu’entretenaient le Prophète et son épouse Khadija, une riche commerçante, qu’il pouvait tout être sauf un illettré. «Le Prophète était l’intendant de Khadija qui est devenue son épouse. C’est lui qui gérait les biens de Khadija. Au moins, pour cela on doit savoir faire un peu de calcul. Ça n’a pas de sens.» Le commerce tel qu’il se faisait il y a 14 siècles doit être assurément différent de son mode d’aujourd’hui. Il n’y a pas longtemps les échanges économiques étaient foncièrement basés sur le troc. Et jusqu’à présent les plus grands commerçants du célèbre marché Sandaga sont loin d’être des génies des chiffres. Le Pr Iba Der Thiam ira plus loin pour dire que si Khadija avait adjoint Mouhamed à Maysara son propre intendant, c’est parce qu’elle savait ses limites mais aussi et surtout «la confiance de Khadija en Muhammad (PSL) était telle et son affection pour lui si profonde, qu’elle n’aurait certainement pas besoin d’un intermédiaire entre lui et son nouvel employé, si ce dernier savait lire et écrire». (Au sujet des thèses soutenues dans « Le Coran et la culture grecque » (Par le Professeur Iba Der Thiam), article paru dans Thiesvision.com). Il est possible d’ajouter à cela d’autres postures du Prophète attestant de son illettrisme notamment la signature du fameux pacte de Hudaybiyya, mais tous ces arguments le professeur les taillerait en pièces, puisqu’il ne tient qu’à ce qui est tiré du Coran.
Il faut enfin retenir que la haute conscience qu’il avait des missions qui reposent sur ses épaules l’amenait à répéter déjà les bribes de versets reçues avant que la révélation ne s’achève même. N’est-il pas plus reposant d’écrire que d’éprouver sa mémoire à enregistrer une si longue lettre? Et il reçut ordre de ne plus s’empresser de se fier à sa mémoire quand l’archange Gabriel lui apporte des révélations, mais de l’écouter attentivement jusqu’à la fin : « Que soit exalté Allah, le vrai Souverain! Ne te hâte pas [de réciter] le Coran avant que ne te soit achevée sa révélation.» (Taaha, v. 114).
« Il y a même des fautes dans le Coran »
Aussi originale que l’idée puisse paraître, inviter les hommes à un débat, à l’effet de prouver qu’ « il y a même des fautes dans le Coran», ne sort pas moins des sentiers battus. Au sommet de son art, Taha Hussein s’est écrié: «Prêtez-moi un stylo rouge pour que je corrige les fautes du Coran !». Et devant les cris d’orfraie de ses compatriotes égyptiens indignés il se ravise comme le professeur pour dire: « C’était juste pour susciter un débat d’idées ».
Tout récemment Khadafi, le pauvre, s’y est évertué sans grand succès. Qui pis est, non content de s’ériger au rang de prophète, Mussaylimatul Kazaab avait son coran et ses sourates concomitamment à la révélation du Coran. Dans la même veine on peut citer certains théologiens libéraux et autres révisionnistes qui font légion aujourd’hui.
Cependant, c’est de la peine perdue que d’entreprendre de déceler des simulacres de fautes dans le Coran; ce texte inaltérable dont le défi lancé à toutes les générations d’hommes et de djinns ayant peuplé la terre ne sera jamais relevé. «Dis: « Même si les hommes et les djinns s’unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne sauraient produire rien de semblable, même s’ils se soutenaient les uns les autres».(Al-Isra’ (le voyage nocturne), v. 88). ,
« Au nom d ’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
1. Louange a Allah qui a fait descendre sur Son serviteur (Muhammad), le Livre, et n’y a point introduit de tortuosité (ambiguïté)!
2. [Un Livre] d’une parfaite droiture pour avertir d’une sévère punition venant de Sa part et pour annoncer aux croyants qui font de bonnes œuvres qu’il y aura pour eux une belle récompense». Al-Kahf (la caverne).
Tous ceux qui ont eu à défier le Coran, sans exception aucune, n’ont pas eu le temps de plastronner, vite rappelés qu’ils ont été à la réalité par la réverbération éblouissante de l’authenticité incorrodable du Texte sacré, à la fois sur leur for intérieur que sur les différents éléments meublant leur entourage. L’instant d’après, ils se sont dessillés les yeux. Aucun défi allant dans ce sens ne fera de vieux os.
A son tour, dans sa logique de trouver des fautes dans le Coran, le Pr Sankharé soutient que «quand Dieu s’adresse à Satan par exemple, il lui dit: «Ma mana’aka an la tasjuda». Cette phrase n’a pas de sens. C’est à la sourate 7(Araaf). Si on traduit littéralement, ça donne: « qu’est-ce qui t’a empêché de ne pas te prosterner ?» Il devrait dire «Ma mana’aka an tasjuda». Voilà la forme correcte. Ça c’est du Grec. En Grec, c’est comme ça qu’on construit des verbes d’empêchement…Grammaticalement c’est une faute et c’est dans le Coran. Vous pouvez vérifier».
En tentant vaille que vaille de soutenir la prédominance de la culture grecque, on trouve insensée la parole de Dieu. Il n’y a pas un seul mot dans le Coran qui n’ait pas de sens, qu’on le sache ou non. Cette affirmation n’est-elle pas paradoxale par rapport à l’attitude du professeur qui s’interroge: « Est-ce que Dieu peut venir dire à un illettré «Lis»?, ?
On pourrait facilement mettre un terme à ce débat en posant une question très simple, à la limite triviale au professeur: C’est Dieu qui a raison ou c’est les Grecs qui ont raison? Ni Sybawayh encore moins Abul Aswad ad-Duwaly, les références majeures en matière de grammaire arabe n’ont pu relever des fautes dans le Coran. Certains critiques plus pertinents parlent de contradictions entre quelques versets. Encore qu’il n’y a pas de contradiction entre les versets, mais quand on ne comprend pas le sens d’un verset, il faut recourir à un autre plus explicite ou prolixe, en faire une collation pour avoir la compréhension exacte de ce qui peut être perçu comme étant un paradoxe entre deux passages. Toujours est-il que c’est avec un certain niveau de langue qu’on parvient à faire l’effort de collationnement.
«Ma mana’aka an laa tasjuda» (Araaf, v. 12) tout comme «Ma mana’aka an tasjuda» (Çaad, v. 75) sont deux structurations correctes signifiant la même chose. L’existence concomitante des deux prouve déjà qu’il ne s’agit pas d’une faute. L’arabe a certes ces lettres supplétives (in, an, laa, maa, min…) utilisées valablement aussi bien en prose qu’en poésie et dont l’usage n’est pas pour autant une faute. Mais de toutes les explications données à ce sujet la plus convaincante est qu’il s’agit d’une simple suppression (hazf) du (min) qu’on devait avoir littéralement dans la construction. Ainsi quand on retranche min de «Ma mana’aka min an laa tasjuda», il nous reste «Ma mana’aka an laa tasjuda» qui épouse parfaitement le sens de «Ma mana’aka an tasjuda» (Qu’est-ce qui t’as empêché de te prosterner ou Pourquoi refuses-tu de te prosterner?). Il n’y a pas de faute possible dans le Coran. Il n’y a pas place pour une toute petite faute dans le Coran.
Par ailleurs, il faut noter que l’Auteur du Livre n’est en rien lié par ces considérations qui relèvent de conventions établies entre les hommes, quand bien même Il les maîtriserait mieux que quiconque. Sa grandeur se manifeste en tout et partout, singulièrement à travers le Coran. Non seulement le Coran est antérieur à la grammaire mais qui oserait définir la fonction grammaticale de Alif. Laam. Miim., Çaad, Haa. Miim…? Des versets entièrement constitués de lettres dont on continue à gloser sur le sens.
Avec un tel pointillisme, on en arriverait à coup sûr à changer la récurrence et le mode du « kaana » (était) dont la sourate Al-Isra’(le voyage nocturne) est entièrement piochée.
« L’émotion est nègre, et la raison est hellène »
En voulant nous servir une interprétation du Coran au prisme des sensations d’un helléniste, le Professeur Sankharé, doublement agrégé de grammaire et de littérature classique donne la meilleure preuve de l’assertion de son maître, Léopold Sédar Senghore: « L’émotion est nègre, et la raison est hellène ». Seule une lecture intuitive et superficielle aura permis de cautionner allègrement le passage à la ronde de tous les personnages de la culture grecque, à travers le Coran.
L’intuition du professeur helléniste l’amène à dire qu’il y a deux formes d’interprétation possibles de « lakhad aataynaa Mussa»: «Oui, j’ai dit qu’on pouvait traduire cela par Nous. Mais qu’il y avait aussi un personnage romain qui s’appelait Naamussa qui est un juriste romain. Les deux sont donc possibles». A travers le monde entier, seul le Pr Sankharé a l’outrecuidance de soutenir une pareille thèse. Même si par une savante alchimie il parviendrait à sortir Naamussa de cette bribe qu’on trouve dans deux versets, non seulement ces versets en perdraient totalement leur sens, mais il ne pourrait même plus les lire. En considérant la position de «lakhad aataynaa Mussa» dans le verset « Et certes, Nous donnâmes à Mussa neuf miracles évidents. Demande donc aux Enfants d’Israël, lorsqu’il leur vint et que Pharaon lui dit: « O Moise, je pense que tu es ensorcelé ».(Al-Isra’ (le voyage nocturne), v. 101) ou dans le verset« En effet, Nous avons apporté à Moise le Livre et lui avons assigné son frère Aaron comme assistant».(Al-Furqaan (le discernement), v. 35), on se rend compte par-delà le nuun de majesté que:
1- Le verbe ataa (donner) est un verbe transitif direct dont le complément d’objet direct (mafuulun bihy mançuub) est «neuf miracles» ou «le Livre».
2- S’il fallait y trouver Naamussa, ce dernier devrait avoir comme fonction sujet du verbe ataa et on n’aurait plus un cas accusatif, mais une déclinaison suivant la préposition bi qui va avec ataa bi (amener, venir avec).
3- Même en l’absence de signes diacritiques (b, t, th), recourir dans la transcription à la position finale du ya en le séparant du nuun ne ferait en rien perdre à l’alif sa position de mamduud; ce qui donnerait: aataa. Un tel verbe n’existe pas en arabe.
4- Le Coran est d’abord une révélation orale avant d’être écrite. Le Prophète (psl) qui se définit comme étant «le plus éloquent des Arabes» serait le premier à corriger une quelconque mauvaise prononciation de la part de ses compagnons. D’ailleurs la transcription d’un son quelconque du Coran (mot ou verset) n’est en rien difficile comparée à la langue des signes qui permet aux sourds-muets et malentendants de bien communiquer et de traduire exactement leur volonté. En outre, il est bien établit que l’ange Gabriel mettait à profit le moi béni de Ramadan pour assister le Prophète à réviser intégralement le Coran. La seule fois où il le fit deux fois l’Envoyé de Dieu en conclut que son heure s’approchait et effectivement c’est le dernier Ramadan qu’il a vécu.
A la lumière de ce qui précède, on conclut qu’il faut véritablement être fasciné et ébloui par le personnage de Naamussa pour lui trouver une place dans ce bout de verset en démembrant le verbe aataynaa pour raccorder un morceau (Naa) à Mussa. Laborieux.
Cette même fascination semble prévaloir quand il s’agira de cautionner l’existence de Parménide dans le Coran: «Et puis moi tout ce que j’ai dit c’est que ce que j’ai vu chez Platon, c’est la même chose que ce que j’ai vu dans le Coran. Ce que j’ai vu chez Parménide c’est la même que ce j’ai vu dans le Coran. On ne peut pas me reprocher d’avoir dit que Pénélope dans l’Odyssée figure dans le Coran. Dieu dit: «Ne faites pas comme cette femme qui défaisait la nuit ce qu’elle avait tissé le jour pour tromper son entourage ». Cela renvoie à Pénélope». Si ce passage est la seule et unique preuve de la figuration de Pénélope dans le Coran, Pénélope n’y est pas parce que ce passage n’est pas du Coran.
Cependant en exhortant les croyants à remplir leurs engagements envers Lui et à ne point violer leurs serments entre eux une fois prêtés, Dieu dit dans la sourate An-Nahl(les abeilles), v. 92: «Et ne faites pas comme celle qui défaisait brin par brin sa quenouille après l’avoir solidement filée, en prenant vos serments comme un moyen pour vous tromper les uns les autres, du fait que (vous avez trouvé) une communauté plus forte et plus nombreuse que l’autre ». Il est alors claire que toute la construction du professeur est bâtie sur de l’approximation. Il se veut catégorique dans l’affirmation alors que rien de ce qu’il avance n’est à priori fondé. Quid du recours au style direct en ouvrant bien les guillemets pour y mettre un discours qui n’a jamais été tenu par son supposé auteur ?
« L’ascension céleste, le fait que le Prophète quitte cette terre pour aller au ciel, ne figure nullement dans le Coran. »
Après Naamussa et Pénélope, c’est au tour de Parménide de figurer en bonne place dans le Coran, et le professeur n’y va pas par quatre chemins: « Le Coran sur lequel on s’est entendu, c’est celui de Ousmane. Je vous l’ai dit, il a rejeté des textes du Coran. Pour poursuivre, le cas le plus troublant c’est Parménide. Il dit qu’il était assis et tout d’un coup, des cavales ailées l’ont amené à la divinité. Ce qu’on appelle ici «ragnane». Je précise encore – ça va les heurter peut-être – que l’ascension céleste, le fait que le Prophète quitte cette terre pour aller au ciel, ne figure nullement dans le Coran. Ce qui est dans le Coran c’est deux sourates, la sourate l’Isra 17 où Dieu dit: «Louange à Dieu qui a fait voyager son serviteur de la mosquée de la Mecque à la mosquée de Jérusalem». Il n’est pas allé en haut. Et à la sourate 110, les gens lui disent : «nous ne te croirons pas à moins que tu montes au ciel. Et même si tu montes, nous ne te croirons pas si tu ne descends pas un livre.» En tout cas, dans le Coran il n’est pas parti voir Dieu. Or Parménide dit que lui est parti voir Dieu, Jésus est parti vers Dieu le père. C’est un cousin du Prophète, un certain Ibn Abass qui a écrit un livre qui s’appelle « l’Ascension céleste ». Il raconte comment le Prophète est parti jusqu’au 7e ciel, jusqu’à voir Dieu. Mais ce n’est pas dans le Coran. Ils vous diront tous que c’est dans le Coran, mais ce n’est pas dans le Coran. Tout comme la lapidation. Cela prouve qu’il y a des sourates qui n’ont pas été acceptées par Ousmane. Effectivement il fallait lapider l’adultère mais cette sourate n’existe plus dans le Coran actuel, mais il y a d’autres Corans où ça existe».
Décidément c’est aussi le passage le plus troublant de l’interview du professeur. Le discours est totalement décousu, il n’y a aucune suite logique, aucune cohérence pouvant renvoyer à un homme en pleine possession de ses facultés mentales. On dirait un homme qui radote, plutôt un délire. Du Coran de Ousmane aux autres corans en passant par Parménide, l’ascension céleste, Jésus, Ibn Abass, la sourate de la lapidation, la structuration est faite sur du coq à l’âne. A défaut d’un argumentaire étayé, notre professeur nous livre des affirmations gratuites. Oui, on oublie que la trame de son œuvre est un conte de fée.
Cependant ce qui est inquiétant c’est que même s’il se permet d’opposer le mythe à la réalité, pourquoi réfuter et dénaturer des faits dont l’éclat de l’existence crève l’œil? Si Parménide soutient qu’il est parti voir Dieu, et Jésus «vers Dieu le père», pourquoi Mouhamed le serviteur dévoué n’aurait pu lui aussi accéder à son Seigneur? Ni Parménide ni Jésus n’ont donné les preuves de leur voyage céleste alors que Mouhamed a décrit les détails crus du sien et à tous les niveaux. Va-t-on les lui réfuter parce qu’on perd de vue qu’ils sont relatés non dans le Coran mais dans la sunna?
La réponse à toutes ces questions se trouve dans le style du professeur. Autant il est clair et formel quand il s’agit de sa grécité, autant il est évasif, imprécis et diffus quand il parle de l’Islam. Pourtant maîtriser le parcours d’un homme à la trajectoire rectiligne solliciterait de quiconque beaucoup moins d’efforts qu’une agrégation dans une discipline des plus sibyllines. Michael H. Hart en a fourni la preuve en le plaçant à la tête de son classement des 100 personnes les plus influentes de l’histoire, un best-seller rédigé en 1978. Le professeur maîtrise à souhait le nom et tout ce qui tourne autour des personnages de la civilisation grecque (Pénélope, Platon, Parménide…), mais verse subitement dans le clair-obscur pour faire cas d’ «un certain Ibn Abass», quand il parle de la vie du Prophète. On ne connaît aucun talent d’écrivain à l’illustre érudit ni d’ouvrage rédigé à son compte. Il devrait alors transcrire intégralement le Coran et clore le débat. Il ne figure même pas dans le cercle des scribes du Prophète. En revanche, l’éminent exégète que fut Abdallah Ibn Abass a eu comme précepteur le Prophète (son oncle paternel) auprès de qui il était bien en cour et qui formulait souvent des prières pour qu’il se distingue dans la compréhension de la religion et l’interprétation du Coran. C’est une propre affabulation que de lui attribuer la rédaction d’un certain «l’Ascension céleste».
D’un air indécis le spécialiste de la civilisation classique se veut du coup catégorique en réfutant une réalité établie depuis plus de 14 siècles. Pis, il défie ceux dont la sensibilité peut-être heurtée et se montre on ne peut plus docte: «Je précise encore – ça va les heurter peut-être – que l’ascension céleste, le fait que le Prophète quitte cette terre pour aller au ciel, ne figure nullement dans le Coran», «Il n’est pas allé en haut.», «En tout cas, dans le Coran il n’est pas parti voir Dieu.», «Mais ce n’est pas dans le Coran. Ils vous diront tous que c’est dans le Coran, mais ce n’est pas dans le Coran. Tout comme la lapidation». C’est inquiétant quand même pour un arabisant de soutenir de pareilles thèses. Celui-ci a-t-il une seule fois lu le Coran dans son intégralité? Si la réponse est affirmative, il devrait en faire une lecture en diagonale en ne s’attardant que sur les similitudes avec la civilisation classique.
Le défi est facilement relevable. L’argument massue que brandit son homme est la preuve qu’il a totalement fait fausse route. D’abord les références de la sourate 110 sont inexactes, celle-ci est la sourate An-Nasr qui compte 4 versets. Le passage cité par le professeur: «nous ne te croirons pas à moins que tu montes au ciel. Et même si tu montes, nous ne te croirons pas si tu ne descends pas un livre.» est plutôt à loger dans la même sourate qu’il a précédemment citée et curieusement n’a aucun rapport avec le sujet pour lequel il l’a évoqué. Il boucle plutôt une série de conditions que les mécréants avaient posées au Prophète pour embrasser l’Islam. La litanie part du verset 90 au verset 93 de la sourate Al-Isra’:
«90. Et ils dirent: «Nous ne croirons pas en toi, jusqu’à ce que tu aies fait jaillir de terre, pour nous, une source;
91. ou que tu aies un jardin de palmiers et de vignes, entre lesquels tu feras jaillir des ruisseaux en abondance;
92. ou que tu fasses tomber sur nous, comme tu le prétends, le ciel en morceaux; ou que tu fasses venir Allah et les Anges en face de nous;
93. ou que tu aies une maison [garnie] d’ornements; ou que tu sois monté au ciel. Encore ne croirons-nous pas à ta montée au ciel, jusqu’à ce que tu fasses descendre sur nous un Livre que nous puissions lire ». Dis-[leur]:
«Gloire à mon Seigneur! Ne suis-je qu’un être humain-Messager?»
Devant ces conditions irréalisables que lui posèrent les mécréants pour croire en sa prophétie, Mouhamed s’en remet humblement à son Seigneur, rétorquant qu’il est un simple mortel comme tout autre; avec le privilège cependant d’être un Messager. En conséquence, pas un seul initié qui sait lire et comprendre l’arabe ne ferait des confusions aussi graves que prendre des vessies pour des lanternes.
En réalité l’ascension du Prophète se décline en deux phases (terrestre et céleste) qui sont explicitement citées dans deux sourates. La phase terrestre est comme dit le professeur l’ouverture de la sourate Al-Isra’ (le voyage nocturne): « Gloire et Pureté à Celui qui de nuit, fit voyager Son serviteur [Muhammad], de la Mosquée Al-Haram à la Mosquée Al-Aqsa dont Nous avons béni l’alentour, afin de lui faire voir certaines de Nos merveilles. C’est Lui, vraiment, qui est l’Audient, le Clairvoyant». Cette portion de l’histoire de l’ascension a une dimension horizontale avec la Mosquée al-Haram (la mosquée au sein de laquelle se trouve la Ka’aba) comme point de départ et la Mosquée al-Aqsa (la mosquée de Jérusalem) comme point d’arrivée.
Il en reste cependant une deuxième phase à dimension verticale partant de Jérusalem vers les cieux et qui est aussi bien mentionnée dans le Coran, contrairement aux réfutations catégoriques mais très faibles du professeur Sankharé. En effet les 18 premiers versets de la sourate An-Najm (l’étoile), (autrement appelée sourate Al-Mi’raaj) se rapportent exclusivement au «mi’raaj» (l’ascension céleste):
«Au nom d ’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
1. Par l’étoile à son déclin!
2. Votre compagnon ne s’est pas égaré et n’a pas été induit en erreur
3. et il ne prononce rien sous l’effet de la passion;
4. ce n’est rien d’autre qu’une révélation inspirée.
5. Que lui a enseignée [l’Ange Gabriel] à la force prodigieuse,
6. doué de sagacité; c’est alors qu’il se montra sous sa forme réelle [angélique],
7. alors qu’il se trouvait à l’horizon supérieur.
8. Puis il se rapprocha et descendit encore plus bas,
9. et fut à deux portées d’arc, ou plus près encore.
10. Il révéla à Son serviteur ce qu’il révéla.
11. Le cœur n’a pas menti en ce qu’il a vu.
12. Lui contestez-vous donc ce qu’il voit?
13. Il l’a pourtant vu, lors d’une autre descente,
14. près de la Sidrat-ul-Muntaha,
15. près d’elle se trouve le jardin de Ma’wa:
16. au moment où le lotus était couvert de ce qui le couvrait.
17. La vue (du Prophète) n’a nullement dévié ni outrepassé la mesure.
18. Il a bien vu certaines des grandes merveilles de son Seigneur. »
Il convient de souligner que Sidrat-ul-Muntaha, le lotus de la limite, est un arbre au septième ciel que l’ange Gabriel ne pouvait dépasser. Il s’est alors arrêté pour laisser son compagnon continuer son chemin et aller s’entretenir seul avec son Seigneur.
Ces 18 versets n’ont pas besoin d’être interprétés. Il suffit de les lire pour comprendre. D’ailleurs ce n’est que récemment que la science moderne vient de confirmer l’exactitude des concepts utilisés à ce sujet (« Isra’ » et « Mi’raaj ») en établissant que tous les deux sont des mouvements ascendants, à la différence que « Isra’ » est un mouvement ascendant direct et «Mi’raaj» un mouvement ascendant incliné. C’est alors une preuve de plus de l’authenticité du message du Prophète et que le Coran est la parole de Dieu parce que, à la date de sa révélation, on ne pouvait se faire aucune notion de l’astronomie. Et au regard du concept utilisé chaque fois qu’il s’agit d’une montée vers le ciel, les cosmonautes et autres spécialistes du voyage dans l’espace se sont rendu compte que le Coran utilise le mot juste, le plus approprié, tel que le prouve la technologie moderne. C’est le cas dans la description de l’extravagance et l’entêtement des mécréants à la sourate Al-Hijr, versets 14 et 15 où on a encore le même concept «mi’raaj» (ascension céleste):
«14. Et même si Nous leur ouvrions une porte au ciel, leur permettant d’y monter à tout moment ( ya’rujuun ),
15. ils diraient: «Vraiment nos yeux sont voilés. Mais plutôt, nous sommes des gens ensorcelés.»
Le Prophète est revenu avec force détails le lendemain de son retour, dans la description des péripéties de son voyage. Mais puisque notre professeur ne prend que ce qui est dit dans le Coran, les preuves lui sont là établies de manière irréfragable. Le Coran l’a dit et la science l’a confirmé.
Il est plus indiqué d’arrêter l’analyse à ce passage énigmatique qui montre que le Pr Sankharé ne s’appuie sur aucune base claire, fiable ou scientifique pour remettre en cause des réalités pluriséculaires; comme le ferait un chercheur ou un universitaire digne de ce nom. Les méthodes de recherche scientifique sont partout les mêmes au monde. Elles sont immuables. Tout au contraire, son sens émotif et sa présomption d’helléniste qui n’a d’yeux que sur ce qui peut avoir un goût ou une coloration grecque l’ont guidé pour revisiter subrepticement le Livre sacré et fagoter un ouvrage. Alors, à la moindre brèche, tout y passe. Platon, Pénélope, Parménide, Agamemnon, Er et tutti quanti.
Le Coran et les civilisations antérieures
1. Coran et autres réalités religieuses:
Le Coran est la synthèse de tous les messages divins révélés aux Envoyés (Paix sur eux) antérieurs à Mouhamed. Celui-là même qui est bien connu sous l’appellation de «khaatimun nabiyyiin wa imaamul mursaliin» (le Sceau des Prophètes et l’Imam des Envoyés. Il eut l’insigne honneur de diriger la prière pendant la nuit de l’ascension devant tous ses pairs. De leur nombre total (124 000), le Coran n’a cité que 25. Ce qui ne veut pas dire encore une fois qu’il a rejeté les autres. Dieu seul sait pourquoi, quand Il dit dans la sourate An-Nissaa’: « 163. Nous t’avons fait une révélation comme Nous fîmes à Noé et aux prophètes après lui. Et Nous avons fait révélation à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, à Jésus, à Job, à Aaron et à Salomon, et Nous avons donné le Zabour à David.
164. (Comme Nous avons fait révélation) à d’autres Messagers dont Nous t’avons cité certains, alors que Nous ne t’en avons pas cité d’autres. Et Allah a parlé à Moïse de vive voix ».
Parmi ces prophètes, 313 ont été envoyés et 104 avaient un Livre. Dieu dit: «A l’ origine, les hommes formaient une seule communauté. Puis, Allah envoya les Prophètes comme annonciateurs et avertisseurs; et II fit descendre avec eux le Livre contenant la vérité, pour régler parmi les gens leurs divergences. »(Al-Baqarah (la vache), v.213).
IL convient de souligner la différence entre «naby» et «rassuul» en ce sens que, en plus d’incarner le savoir du premier, le deuxième reçoit ordre divin d’aller vers un peuple précis. Du premier des Envoyés (Nuuh ou Noé) au dernier (Mouhamed), le message a été univoque et sans ambages: Ils ont unanimement professé le monothéisme et flétri l’associationnisme. Le discours qu’a tenu Nuuh du point de vue du dogme est le même que tous les autres prophètes-envoyés ont tenu à sa suite: « 2.Il [leur] dit: «O mon peuple, je suis vraiment pour vous, un avertisseur clair,
3. Adorez Allah, craignez-Le et obéissez-moi, » (Nuuh).
Non seulement il n’y a pas de contradiction entre leur profession de foi, mais chaque fois qu’un envoyé venait il confirmait d’abord la prophétie de son prédécesseur; parce que le message provenait de la même source. Dieu dit à propos du Livre de Jésus: «Et Nous avons envoyé après eux Jésus, fils de Marie, pour confirmer ce qu’il y avait dans la Thora avant lui. Et Nous lui avons donné l’Evangile, où il y a guide et lumière, pour confirmer ce qu’il y avait dans la Thora avant lui, et un guide et une exhortation pour les pieux. (Al Maaida (la table servie), v. 46).
Il arrivait cependant que la législation change et non ce qui a trait à la foi. C’est le cas quand Jésus confirme l’authenticité du message de son prédécesseur, Moise, dans ces versets de la sourate Al-‘Imran (la famille d’Imran) : «50. Et je confirme ce qu’il y a dans la Thora révélée avant moi, et je vous rends licite une partie de ce qui vous était interdit. Et j’ai certes apporté un signe de votre Seigneur. Craignez Allah donc, et obéissez-moi.
51. Allah est mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le donc: voilà le droit chemin. ».
Il ressort de ces deux versets que le dogme reste intact: une adoration exclusivement vouée à Dieu. Mais certains aspects réputés licites pour le peuple d’un prophète, peuvent ne plus être considérés comme tels dans la législation d’un nouveau prophète. C’est l’exemple de quelques restrictions du point de vue alimentaire concernant les musulmans dont le Prophète est annoncé au moment du départ de Jésus: «Et quand Jésus fils de Marie dit: «O Enfants d’Israël, je suis le Messager d’Allah [envoyé] à vous, confirmant ce qui a été révélé avant moi dans la Thora, et annonçant la bonne nouvelle: l’arrivée après moi d’un Prophète du nom d’Ahmad». Mais lorsque celui-ci est venu avec les preuves évidentes, ils dirent: « C’est là une magie manifeste». (As-Saff (le rang), v. 6).
Mouhamed qui vient boucler la chaîne des envoyés sera porteur du même message; celui de Jésus, Moise, Noé…Adam; à savoir l’adoration d’un Dieu unique en dehors de toute forme de polythéisme: «Et Nous n’avons envoyé avant toi aucun Messager à qui Nous n’ayons révélé: «Point de divinité en dehors de Moi. Adorez-Moi donc ». (Al-Anbiya’ (les prophètes), v. 25).
A son tour, il se fera le devoir de confirmer l’authenticité du message de ses pairs, singulièrement celui de son devancier immédiat, Jésus: «Il a fait descendre sur toi (Mohammed) le Livre (le Coran) avec la vérité, confirmant les Livres descendus avant lui. Et Il fit descendre la Thora et l’Ingile. (Sourate Al-Imran (La Famille de Imran), v.3),
«Et sur toi, Nous avons fait descendre le Livre avec la vérité, pour confirmer le Livre qui était là avant lui et pour prévaloir sur lui. (Sourate Al Maïda (La Table Servie), V.48).
Ce dernier verset montre que le discours du dernier prophète a toujours la primauté sur celui de son prédécesseur. Ainsi, quand bien même il n’y a pas de différence entre le message de fond (unicité de Dieu) de Jésus et celui de Mouhamed, le Livre du dernier abroge l’autre et peut comporter de nouvelles dispositions d’ordre législatif. En guise de rappel, les musulmans ont prié pendant longtemps avant de se voir interdire la consommation du vin, les jeux de hasard, le sacrifice à l’autel des idoles et la divination. Cependant le message concernant le dogme reste tel quel et Dieu le confirme à Mouhamed: «Ceci se trouve, certes, dans les feuilles anciennes, les feuilles d’Ibrahim et de Moussa. (Sourate Al-A’laa (le Très-Haut), v.18-19).
Faut-il le souligner, le message étant le même la source n’ayant jamais varié, la différence s’il y en a ne portant que sur quelques aspects formels, on comprend alors qu’«Assurément, la vraie religion aux yeux d’All?h, c’est l’Islam… » (Al-‘Imran (la famille d’Imran), v. 19). Cela aiderait à comprendre que les prophètes ne sont pas venus avec des religions différentes les unes des autres, mais sur toute la ligne, ils n’ont professé qu’une seule et unique religion: l’Islam. Quel qu’en soit le messager sur la chaîne qui les relie de Adam à Mouhamed. C’est fort de cela que Dieu décrète: « Et quiconque cherche une religion autre que l’Islam, cela ne sera pas accepté de lui, et dans l’au-delà il sera parmi les perdants». (Al-‘Imran (la famille d’Imran), v. 85). C’est aussi dans cet ordre d’idée qu’il faut comprendre que pour être musulman, c’est une condition sine qua none que de croire en la révélation de l’ensemble des prophètes et de leur livre. De même Jésus à son retour (autre signe de la fin des temps), n’amènera pas une nouvelle religion, mais sera un musulman comme tout autre et se comportera comme tel.
L’une des preuves fédérant les différents maillons de cette chaîne de croyants est la Basmala. De Noé en passant par Suleyman jusqu’au prophète Mouhamed, elle est usitée pour témoigner en toutes circonstances d’une adoration qui exclue toute forme d’associationnisme. En sus, l’auguste personne du patriarche Abraham (XIXe siècle av. J.-C.), carrefour idéologique vers lequel convergent les grandes religions révélées est le parrain des musulmans. Dieu les encourage vivement à suivre sa voie et à s’y conformer: «Et combattez pour la cause d’Allah comme il se doit. C’est Lui qui vous a choisis en tant que fidèles; et II ne vous a imposé aucune gêne dans la religion, celle de votre père Abraham, lequel vous a déjà nommés «Musulmans» avant (ce Livre), dénomination maintenue dans le Coran, afin que le Messager témoigne de vous, et que vous témoigniez des autres communautés. Accomplissez donc la Salat, acquittez la Zakat et attachez-vous fortement à Allah. C’est Lui votre Maitre. Il est le Meilleur Maitre et le Meilleur Protecteur.» (Al-Hajj (le pèlerinage), v. 78). La civilisation qu’Abraham a mise au point enjambe l’épopée grecque et continue d’être perpétuée. Entre autre héritage les musulmans lui doivent le pèlerinage, la circoncision et le sacrifice du mouton (tabaski). De là à soutenir que «quatorze siècles avant le prophète Mouhamed, il y avait déjà la Fatiha et c’est vérifiable si vous allez en Egypte», c’est soutenir une thèse qui n’est pas du tout plausible et pour cause.
2. Coran et mythologie grecque:
Le travail du Pr Sankharé aurait eu beaucoup plus d’éclat et de pertinence s’il était orienté dans le sens de ressortir les similitudes tout court, et au mieux de les ressortir pour confirmer l’authenticité du Texte sacré et non le contraire. Puisque le Coran n’a pas besoin d’une caution de textes mythologiques pour établir sa véracité.
Quand Platon fait parler Socrate que ce soit dans Le Banquet, Théétète ou le Ménon, toute la théorie de la maïeutique c’est-à-dire du questionnement qui amène le jeune esclave à se «ressouvenir» en dernière instance du théorème de Pythagore, entrerait en droite ligne dans la logique divine qui veut que l’homme sorte de sa torpeur pour ne point arguer le jour de la résurrection, de son ignorance, de son oubli ou de son inattention («ghafla»). C’est dans Al-A’raf, v. 172: «Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes: «Ne suis-Je pas votre Seigneur?» Ils répondirent: «Mais si, nous en témoignons…» — afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection: «Vraiment, nous n’y avons pas fait attention». Toutes les âmes ont prêté serment de la manière la plus solennelle et le Maître Suprême auquel on a fait allégeance avertit déjà qu’Il récusera tout prétexte: « Vous ne pourriez pas non plus dire: «Nos ancêtres étaient des païens et nous n’étions que les héritiers de leur culte. Nous détruiras-Tu à cause de l’impiété de ces négateurs ?»(Al-A’raf, v. 173).
La ressemblance avec le Texte coranique est plus saisissante quand dans le Phédon, Platon peint un Socrate à l’article de la mort qui a une claire conscience de ses existences antérieures par l’action de la réminiscence. Socrate considère dans ses dialogues que la seule réalité authentique est celle perçue dans le monde intelligible et non dans le monde sensible qui n’est que prison de l’âme.
C’est exactement ce qui est décrit dans le Coran à la sourate Qaaf , v. 19 et 22):
«19. L’agonie de la mort fait apparaitre la vérité: «Voilà ce dont tu t’écartais».
«22. (Il lui sera dit): «Tu restais indiffèrent à cela. Nous avons ôté le voile (qui couvrait) tes yeux et ta vue est aujourd’hui perçante.».
La théorie socratique divergera cependant avec les enseignements du Coran sur un point: le retour. En effet, une fois ayant accédé à la lumière, la connaissance, par la philosophie, l’homme ayant saisi le monde dans sa réalité authentique devra se faire violence pour retourner à ses congénères. Tandis que le Coran reste catégorique, aucune possibilité de retour n’est envisageable.
Peut bien corroborer cette théorie de l’allégorie de la caverne, la position de Pharaon qui malgré toutes ses turpitudes, s’est rendu compte au dernier moment, de l’évidence; mais au moment de venir à résipiscence, a prononcé la profession de foi à l’envers. La sourate Yunus enseigne: «90. Et Nous fîmes traverser la mer aux Enfants d’Israël. Pharaon et ses armées les poursuivirent avec acharnement et inimitié. Puis, quand la noyade l’eut atteint, il dit: «Je crois qu’il n’y a d’autre divinité que Celui en qui ont cru les enfants d’Israël. Et je suis du nombre des soumis».
91. [Allah dit]: Maintenant? Alors qu’auparavant tu as désobéi et que tu as été du nombre des corrupteurs!»(Yunus (Jonas), v. 90, 91).
C’est aussi la même description de tous les mécréants quand devant la mort ils seront convaincus, parce qu’ayant une claire conscience de la réalité, mais il n’y a plus d’échappatoire. Le Coran dit: «51. Si tu les voyais quand ils seront saisis d’épouvante, — pas d’échappatoire pour eux, — et ils seront saisis de près!
52. Ils diront alors: « Nous croyons en lui ». — Mais comment atteindront-ils la foi de si loin?
53. alors qu’auparavant ils y avaient effectivement mécru et ils offensent l’inconnu à partir d’un endroit éloigné! (Saba’).
Le même parallélisme peut être dressé avec ce passage suivant de la sourate Al-Mu’minuun où l’infortuné pleinement conscient de sa condition antérieure, demandera un retour pour un meilleur comportement: « 99. … Puis, lorsque la mort vient à l’un deux, il dit: «Mon Seigneur! Fais-moi revenir (sur terre),
100. afin que je fasse du bien dans ce que je délaissais». Non, c’est simplement une parole qu’il dit. Derrière eux, cependant, il y a une barrière, jusqu’au jour où ils seront ressuscités».
Enfin, même devant la mort, Socrate affiche une pleine sérénité puisqu’étant convaincu qu’il ira « habiter les îles des bienheureux » ou « îles Fortunées » et recevra les honneurs de la cité « si la Pythie le permet ». C’est tout comme le croyant qui s’en va à l’au-delà et qui croyant béatement à un séjour doré au paradis s’entendra apostropher:
«27. O toi, âme apaisée,
28. retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée;
29. entre donc parmi Mes serviteurs,
30. et entre dans Mon Paradis» (Al-Fajr).
Par ailleurs, la théorisation du bien chez Platon dans la République devant culminer avec la mise en place d’une cité juste où la justice est effective dans les relations qu’entretiennent les individus est un discours qui peut être tenu du haut du minbar de la mosquée sans susciter la moindre curiosité de la part des orants.
A loisir, on multiplierait à l’infini ces exemples de similitudes entre le Coran et quelques passages de textes tirés des civilisations antérieures. Ce qui n’est pas une exclusivité des Grecs. Quoi de plus normal? Le Coran parle en parabole et offre en exemple tous les peuples devanciers: Thamuud, Aad, Saalih, Shu’ayb…, « 9. Puis vint Pharaon et d’autres peuples avant lui ainsi que les villes renversées. Tous s’entêtaient dans leurs fautes.
10. Ils désobéirent au Messager de leur Seigneur. Celui-ci donc, les saisit d’une façon irrésistible. » Al-Haaqqah (celle qui montre la vérité).
Est-ce que c’est parce que Platon parle de la résurrection des âmes en des termes avoisinant ceux du Coran qu’il faut aller vite en besogne pour en déduire l’antériorité de la culture grecque sur le texte coranique ? Les férus des autres grandes civilisations de l’histoire mentionnées dans le Coran, ne seraient-ils pas tentés de faire de même ? Quand Dieu faisait témoigner les âmes comme précédemment noté, où étaient Gordias, Diodore de Sicile, Protagoras, Parménide…? Platon, a-t-il décrit dans son imagination féconde la prestation de serment d’allégeance ? Si ceux qui ont écrit le Coran ont pu le faire parce qu’ils avaient une parfaite maîtrise de la culture grecque pourquoi ne pas lui en faire la part belle par rapport aux autres civilisations entièrement mentionnées dans le Livre ? Le Coran traite de toutes les sciences de la vie avec une exactitude millimétrée, est-ce le cas chez les savants grecs malgré leurs connaissances encyclopédiques ?
En définitive, toute la production de la civilisation grecque étant le fruit de l’imagination féconde de ses acteurs devrait sans doute s’inspirer des textes religieux antérieurs. Jusqu’à l’âge de 40 ans (la révélation du Coran) Mouhamed a baigné dans une atmosphère qui n’allait pas au-delà des confins de la Mecque et ses alentours tandis que Platon, Aristote, Théophraste et autres avaient lu et voyagé. Non seulement la production de la culture grecque ne saurait prévaloir sur le Coran, mais c’est deux domaines qu’on ne peut pas opposer dans la mesure où le Coran procède d’une révélation divine alors que Platon et ses personnages travaillent essentiellement sur un paquet où on trouve pêle-mêle intuition, idées, émotions, sens, désirs, envies…
Une expertise scientifique (coranique ou arabe) douteuse
Le Coran est la référence de base de plus d’un milliard de musulmans dans la compréhension de leur religion. Par-delà la sensibilité de la foi, vouloir faire une œuvre critique le concernant nécessite au premier abord un bon niveau en arabe; ce qui ne semble pas être le cas de notre professeur au vu des nombreux cas de confusion, de jugement hâtif et d’affirmations gratuites qui jonchent son interview de deux pages.
La seule réfutation de la présence dans le Coran de l’ascension céleste alors qu’il s’agit d’un long passage qui se passe d’interprétation, peut amener tout homme sérieux à remettre en cause le niveau qu’il prétend avoir en arabe. On peut bel et bien faire arabe et en rester au niveau de grand commençant.
L’éminent chercheur, le Dr Khadim Mbacké a percé le mystère et conforte cette opinion dans l’As n° 2597 du 21 mai 2014 en marquant son étonnement qu’ « il y a trois mois je participais à une soutenance de thèse de doctorat d’Etat aux côtés du Pr Sankharé. C’était la thèse de doctorat d’Etat du doyen de la Faculté des Lettres de Nouakchott. La thèse compte pas moins de 400 pages écrites en arabe. Monsieur Sankharé n’a pas prononcé un seul mot en arabe, lui qui était le président du jury. Il a affirmé qu’il se prononçait sur la thèse sur la base d’un résumé écrit en français. Connaissant l’importance d’une thèse d’Etat et l’importance du rôle du Président du jury, je ne comprends pas pourquoi Monsieur Sankharé n’a pas lu le texte arabe au lieu de se contenter d’un résumé en français, alors qu’il en est capable puisqu’il dit qu’il est arabisant. Je connais bien Sankharé. Je crois que s’il avait publié quelque chose en arabe, ses collègues seraient honorés de pouvoir lire et d’apprécier sa capacité à écrire en arabe. Je serais heureux de participer à un débat organisé à l’université, puisqu’il dit que les universitaires sont les seuls capables de se prononcer correctement sur ce qu’il a écrit. Je serais heureux de participer à un débat. Je lui propose de venir engager un débat en arabe avec nous, moi je suis prêt sur la question. Un débat en français et en arabe».
Une seule question se pose: Quand on ne parvient même pas à déchiffrer l’arabe et qu’on se propose de trouver la défectuosité dans ce texte sublime (« Un Coran en langue arabe, dénué de tortuosité… (Az-Zumar (les groupes), v. 28), référence par excellence des maîtres de la parole, l’entourage hésiterait-il à chercher la défectuosité dans la petite tête sans cervelle du challenger ou dans le Coran?
Epilogue
Satan et Pharaon qui s’entendaient comme deux larrons en foire en sont venus une fois aux mains. L’objet de la dispute était qui est pire que l’autre en considération des actes d’ignominie dont le parcours des deux compères est pavé. Malgré l’âge pluriséculaire du démon proscrit, il concéda à Pharaon le titre de la pire scorie humaine à fouler la terre puisqu’étant le seul à y revendiquer le statut de déité. De la sorte, l’histoire retiendra le paradoxe singulier qu’au pays de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké et de Maodo Malick Sy, deux hommes qui ont consacré toute leur vie au Coran, un homme, de surcroît un professeur d’université, a trempé sa plume dans l’encre pour nier et infirmer à sa guise des thèses établies dans le Livre il y a des lustres. Il aurait été un charbonnier, on ne s’en émouvrait guère; mais un professeur titulaire de chaire. Il gagne facilement du crédit à la faveur de son manteau. Certains ne jugeront même pas nécessaire de vérifier puisque la rigueur et l’honnêteté intellectuelle de l’Universitaire l’ont rarement conduit à patauger dans les eaux marécageuses du tâtonnement. Dieu merci, celui-ci n’est ni diplômé encore moins agrégé d’aucune science islamique lui ouvrant droit à réviser un quelconque point des préceptes de l’Islam.
L’Islam est aujourd’hui victime d’une incompréhension manifeste de la part des musulmans d’abord et ensuite des non musulmans. Cela ne fait que confirmer davantage les prédictions du Prophète sur les signes de la fin des temps (aaxiru zamaan). Des appels les plus farfelus aux monstruosités les plus exquises, les illuminés des temps modernes pulluleront et rivaliseront à qui mieux mieux de savoir, d’avoir et d’adeptes; juste pour faire l’actualité. Alors la porte est grande ouverte pour légiférer et émettre des avis de jurisconsultes (fatwaas) au gré des besoins de la circonstance. « Bien au contraire: ils ont traité de mensonge ce qu’ils ne peuvent embrasser de leur savoir, et dont l’interprétation ne leur est pas encore parvenue. Ainsi ceux qui vivaient avant eux traitaient d’imposteurs (leurs messagers). Regarde comment a été la fin des injustes! » (Yunus, v. 39).
Si le Coran est tronqué de nombre de ses sourates, s’il ne représente qu’une pâle copie des chimères grecques, si Parménide peut facilement voyager jusqu’à la divinité et laisser Mouhamed prostré au sol, si…, si enfin Mouhamed n’a jamais eu à accomplir d’ascension céleste où a été ordonnée la prière, clé de voûte de la religion, que resterait-il de l’Islam ? Le professeur Sankharé en grand pédagogue laisse aux musulmans le soin de tirer la conclusion qui s’impose.
Sans doute notre professeur est de bonne foi en s’ingéniant à défendre des thèses pareilles au sujet du Coran mais il lui faudra beaucoup plus d’industrie pour convaincre. Il aura d’autant plus du mal à convaincre que l’analyse parfaite des sujets qu’il tente de réfuter, de remettre en cause ou de défendre n’a point besoin d’une lecture en palimpseste. Il suffit de lire pour comprendre si on a le niveau requis. Son obsession de la culture grecque (qui croit en quelque chose s’en fait le défenseur, dit l’adage arabe) l’amène à en faire une grille d’analyse de ses entours. Sa propension à voir en tout une primauté des reliques de la civilisation classique lui impose des œillères au travers desquelles il perçoit autrement et inconsciemment son entourage, au préjudice de la réalité aveuglante. La préoccupation qui habite le boucher de toujours faire un chiffre d’affaires le conduit à ne point s’attarder sur les talents d’un étalon ou d’un coursier mais de voir devant la plus famélique des haridelles comment faire le maximum de bénéfice.
La similarité entre le Coran et la production culturelle grecque est très accentuée pour être fortuite. Le professeur helléniste ayant du mal à comprendre la relation entre les deux en conclut intuitivement que les rédacteurs du Livre se sont inspirés de l’œuvre des savants grecs. La saisie immédiate qu’opère son intuition sur la réalité à laquelle il fait face gagnerait en se réfugiant derrière le recul qui s’impose à chaque universitaire pour faire une analyse appropriée. Platon s’est servi de son intuition mais a bien veillé à ne pas livrer à la postérité une production brute. Ces similitudes ou ces exactitudes à bien des égards, ne pouvant en aucun cas être le fruit du hasard, il faut nécessairement déterminer la partie ayant emprunté à l’autre. Pour ce faire il faut un maximum de neutralité. «On ne peut pas être juge et partie», c’est unevérité de La Palice. Mouhamed n’a ni écrit, ni lu, ni voyagé, encore moins inventé. Il a juste reçu une révélation dans laquelle il lui est expressément servi une très sévère mise en garde: «44. Et si (ce Messager) avait forgé quelques paroles qu’il Nous aurait attribuées,
45. Nous l’aurions saisi de la main droite,
46. et lui aurions tranché l’aorte.
47. sans que personne d’entre vous n’eût pu lui servir de rempart». (Al-Haaqqah. (celle qui montre la vérité).
A l’opposé d’une révélation, Platon, Aristote et tous les autres vivificateurs de la civilisation grecque classique ont lu et voyagé. Ces lectures et pérégrinations les ont mis au contact de traditions religieuses pluriséculaires qui leur ont sans doute servi comme de véritables sources d’inspiration pour élaborer une mythologie.
Le Coran étant un modèle achevé de la synthèse des prophéties antérieures, il est bien possible d’y trouver nombre de passages qui renvoient à des peuples ayant vécu à une époque ou à une autre. Il offre fréquemment en exemple les peuples devanciers afin qu’on tire de leur comportement et de la fin qui en est consécutive, des leçons de vie. Qu’il soit écrit en arabe ne veut point du tout dire que Dieu s’adresse exclusivement aux Arabes. Il dit de manière on ne peut mieux explicite que c’est un discours qui s’adresse à l’humanité dans sa globalité. Cultiver alors un chauvinisme de mauvais alois en défendant les Grecs contre les Arabes sur la base d’un simple support linguistique s’avère être une tâche puérile.
Dans la même lancée, qu’on ne soit pas surpris de voir un jour les Sérères du Sine-Saloum réclamer au Coran un emprunt, avant de crier urbi et orbi l’antériorité de la civilisation sérère par rapport au Texte sacré. Parce que tout simplement ils auront remarqué que le « Y » de la sourate Yunus est typiquement leur « Y » (ou « Iyo » qui veut dire oui) tant dans le schème, la forme que dans le sens: «Et ils s’informent auprès de toi: «Est-ce vrai?» — Dis: «Oui! Par mon Seigneur! C’est bien vrai. Et vous ne pouvez vous soustraire à la puissance d’Allah» (v. 53).
Alors, un conseil s’impose. Un conseil que le professeur a certainement donné plus d’une fois à ses étudiants: se faire lire par autrui avant publication pour plusieurs raisons. La proximité que les hommes ont avec leur métier ou leur spécialisation fait qu’ils sont naturellement enclins à en parler mais aussi à s’en servir pour voir et interpréter le monde (le weltanschauung). L’obstacle majeur sur lequel bute en premier tout auteur après la rédaction de son texte, c’est comment prendre suffisamment de recul pour le lire et le relire. L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ne manque pas d’hommes capables d’apprécier en toute objectivité le travail du Pr Sankharé. Un travail destiné aux générations d’aujourd’hui et de demain, la postérité. Lui-même renvoie volontiers au Pr Rawane Mbaye pour attester de son expertise en arabe. Ce dernier est réputé être un défenseur à tout crin de la rigueur tant sur la forme que dans le fond. Il aurait eu la primeur du manuscrit, celui-ci n’aurait assurément jamais été publié.
Le peuple sénégalais dans son intégralité se plierait volontiers en quatre devant l’autorité du professeur, pour se mettre à bonne école, tant qu’il s’agira de questions relevant de la civilisation classique, notamment grecque. Tout l’y autorise: son rang de professeur, sa spécialisation, son agrégation…Cependant il est en droit d’exiger de lui qu’il fasse montre d’humilité pour revêtir le statut et la tunique du ndongo daara devant lui permettre d’aller à la bonne source, quand l’avis à émettre ou le sujet de rédaction sortent de son domaine de compétence ou simplement ne sont pas à sa portée. Il n’y a pas de mal à ne pas savoir, ce qui est mauvais ou pire, c’est ne pas savoir et vouloir persister dans l’ignorance, singulièrement quand on est dans un temple du savoir qui porte le nom de l’illustre Pharaon de la science: Cheikh Anta Diop. Tels sont les enseignements du Coran et fort probablement les Grecs ne diront pas le contraire. « Consultez donc les érudits du Livre si vous ne savez pas. » (Al-Anbiya’ (les prophètes) v. 7).
Toujours est-il qu’il est grand temps de rompre avec le fétichisme des clivages, legs d’une longue colonisation dont on a du mal à se départir. Les daaras représentent une offre éducative valable à travers laquelle se retrouve une bonne frange de la population sénégalaise. Au lieu de continuer à dresser deux catégories opposées, il paraît plus judicieux de chercher à gommer les disparités entre daara et école française et mettre en place un système d’école typiquement sénégalaise qui aura la charge de mouler le nouveau type de Sénégalais (NTS). Un Sénégalais qui aura un bon ancrage dans son environnement socioculturel et religieux, et bien préparé à s’ouvrir au monde extérieur. La sommité religieuse qu’est Serigne Chekh Ahmed T. Sy Al-Maktuum, actuel Calife général des Tijaans, peut incontestablement faire office de président de la République du Sénégal, il est pourtant un pur produit du daara qui s’impose comme référence aux universitaires. Il offre en son auguste personne le modèle du Sénégalais chez qui il n’y a pas de tiraillement entre le spirituel et le temporel.
De chaque enfant qui mémorise le Coran aux environs de 10 ans, il est possible de faire un génie en autant d’années dans n’importe quelle autre discipline. Encore qu’il faudrait que les structures d’accueil soient existantes. Cette tâche est dévolue à l’Etat et non à de simples bonnes volontés. L’âge de mémorisation baisse davantage et avec l’introduction récente des préceptes du Tajwiid dans le système d’apprentissage, de plus en plus de jeunes Sénégalais participent aux concours de récitation organisés à l’échelle internationale où ils sont bien classés. Ne pas assister ces potentialités précoces à éclore convenablement en résolvant pour de bon l’absconse question de l’insertion sociale et professionnelle est une lourde responsabilité face à laquelle l’Etat ne peut se dérober sous quelque prétexte que ce soit. Que de talents étouffés! C’est une simple question d’éducation de base. A titre d’exemple, Abdou Wahab Ndao a mémorisé le Coran, appris l’arabe qui l’introduit à la Sorbonne où il apprit le français, l’anglais avant de revenir comme professeur d’allemand à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Dakar. Qu’Allah ouvre encore sur lui les outres de sa mansuétude.
Tout bien considéré, cette cruche trempée dans l’océan du Coran n’en a ramené que quelques gouttelettes par rapport à la délicatesse des questions soulevées par le professeur si tant est que la raison y prenne le dessus sur la passion. «Dis: «Si la mer était une encre [pour écrire] les paroles de mon Seigneur, certes la mer s’épuiserait avant que ne soient épuisées les paroles de mon Seigneur, quand même Nous lui apporterions son équivalent comme renfort » (Al-Kahf (la caverne), v. 109); ces paroles à jamais estampillées: « Et c’est en toute vérité que Nous l’avons fait descendre (le Coran), et avec la vérité il est descendu…» (Al-Israa’ (le voyage nocturne)v. 105).
Elle montre de toute évidence qu’il était possible et bien possible de répondre à l’invite du professeur au débat, une belle occasion pour lui dire, sans haine ni rancœur: « Professeur, quand même ! ».
Mouhamed M. LOUM
IRTSS / THIES
Coordonnateur de
« Les Partenaires du Coran »
(LPC)
merci méthodique et plein d’enseignements pour nous autres….
le Prophète Muhammad SAW est le cousin de AbdAllah ibn Abass et non son oncle Paternel.