Au cœur de Marrakech, la prostitution haut débit se lâche. De jeunes Sénégalais s’invitent dans les turpitudes de ce monde de la nuit, donnant libre cours à leur penchant homosexuel.
Son regard est furtif, sa tranquillité douteuse. Dans sa tête, un bouillonnement intérieur. Après quelques va-et-vient entrepris avec des déhanchements à la fois itératifs et lascifs, l’homme scrute la route, épie les voitures qui passent. De loin, son déhanché est violemment féminin. Son jean slim et sa chemise trop près du corps ceignent sa taille. De près, sa physionomie renseigne éloquemment : c’est un mec. Mais pour l’heure, il sacrifie à son côté pervers, à son penchant homosexuel.
Cette nuit, dans ce salon de thé aux éclats tamisés du Marrakech by night, il se propose de vendre ses charmes. Il continue son guet avant de porter son attention sur une voiture qui roule au pas, avec des vitres teintées. Alors que la voiture s’arrête pile devant lui, il se penche par-dessus la vitre baissée pour s’entretenir avec le conducteur. Le deal est vite conclu.
L’homosexuel, qui jette son dévolu à tout-va, a l’abord facile, le marchandage rapide. Son client, lui, affiche sa détermination. Le marché ainsi conclu sera exécuté dans l’intimité d’une des chambres des hôtels à côté.
Cette scène se répète inlassablement dans les rues de Marrakech. Ici, ils sont plusieurs jeunes Sénégalais à revendiquer ouvertement leur sexualité. Mais surtout à l’exploiter. Marrakech dope leurs envies, déchaîne leurs passions et autorise tous les excès.
Au Sénégal, ils avaient poussé l’anonymat jusqu’à renier leur passion et leur penchant. En terre chérifienne, beaucoup de jeunes Sénégalais ont fait le choix d’assumer leur homosexualité. «Ils ont deux visages ; un pour leurs parents restés au pays, un pour les résidents du pays d’accueil», confie un ressortissant sénégalais, commerçant au marché Jamah el Finah de Marrakech.
A quelques pas du salon de thé, un autre comparse, même taille filiforme, même déhanché suspect et même habillement criard, balance lascivement sur ses talons aiguille. Son mot d’ordre : draguer ces mâles qui nourrissent le même vice que lui. Il faut se rapprocher de lui pour avoir une idée nette de sa masculinité. Le jeune homme l’affirme publiquement par son comportement, son accoutrement. Il tapine chaque soir sur les trottoirs de ce salon de thé qui jouxte l’hôtel du Pacha.
L’espace est le lieu témoin d’un ballet nocturne des homos, venus d’horizons divers. Ils sont convaincus de leur «déviance sexuelle». Des pédés d’origine sénégalaise vendent leur corps pour une passe à quelque 500 Dh ou même plus. La mise initiale de 1000 Dh (60 000 francs Cfa) aura baissé à moitié, au gré des marchandages. «Je négocie le prix avant de faire quoi que ce soit», déclare un pédé rencontré au quartier aux abords de l’hôtel du Pacha, au centre-ville de Marrakech. Ce mec n’a pas le sentiment de transgresser quoi que ce soit, malgré les sentiments d’amour qui le lient avec des personnes de même sexe. «Dès lors qu’il s’agit de vivre leur sexualité et d’affirmer leur identité, ils ne vivent pas cachés. Ici, on peut dire que les homosexuels d’origine sénégalaise sont pris en compte à leur juste valeur dans la société marocaine», renseigne une serveuse.
Dans cette petite localité située au centre-ville de Marrakech, des adeptes du Marrakech by night sont mêlés aux visiteurs et autres touristes. Le salon de thé de l’hôtel est garni d’un échantillonnage de touristes venus d’horizons divers. Entre personnes de même sexe, on ne se cache pour s’aimer. «La prostitution est monnaie courante à Marrakech. Elle se conjugue à l’envie, selon les volontés des uns et des autres, que l’on soit fille de joie ou pédés», explique la serveuse.
Au bord comme dans les hôtels, cela donne des scènes insolites. Nul n’est excédé par les scènes d’amour entre personnes de même sexe. En fond sonore, une symphonie balaie l’espace. Tous les interdits volent en éclats dans ce huis clos de Marrakech by night… au gré des couples de même sexe, qui se forment au bord du bar.
De loin, des images se dessinent, où deux hommes discutent, se tenant les mains. Quelques-uns se laissent aller à une position «collé-serré», souvent une cigarette entre des lèvres bien maquillées, avec une bouteille de bière entre les mains. Des scènes qui heurteraient bien des esprits.
Les odeurs de viande et des légumes locaux se mêlent à l’odeur de la boisson alcoolisée. L’odeur du tajine, un récipient fait d’argile grise apprêté aux légumes, pollue l’espace. Les étals en sont remplis pour ravitailler les clients qui passeront le reste de la nuit dans les chambres d’hôtel ou appartements assoupis, où Marrakech by night déroule son intimité.
Le Quotidien