Le déplacement à l’Ucad du présumé meurtrier de l’étudiant Bassirou Faye a fini de créer une véritable zone d’ombre relativement aux conditions dans lesquelles un agent de la force publique, non déployé, peut participer au maintien de l’ordre public. Raison suffisante pour susciter l’expertise du commissaire Cheikhna Keita (Ex-Ocrtris) qui distingue dans son approche une mission génèrale où tout policier non déployé peut intervenir et une mission particulière où seuls ceux qui sont déployés sont habilités à participer. Pour le commissaire Keita, tout autre agent qui n’est pas visé par la mission particulière agirait contre la loi.
Pour ceux qui croient que les agents non déployés de la force publique peuvent intervenir partout sur le terrain pour le maintien de l’ordre public, la réalité est loin du compte. Puisque, selon le commissaire Cheikhna Keita, la loi a établi les actes constitutifs de déploiement d’équipes sur le terrain. “ Lorsqu’il s’agit de maintenir l’ordre public, on met en place une troupe. Une troupe est une unité organique qui comprend un effectif et des moyens. Chaque élèment dans cette unité a une position par ses équipements et son rôle.
Le maintien de l’ordre sur le terrain est confié à un officier ou sous-officier. Il y a donc une mission qui se déroule dans un endroit déterminé où l’unité doit se déplacer”, a-t-il renseigné. Cette démarche n’est pas inopportune puisqu’elle permet d’avoir une idée des agents, des moyens et de l’objet de la mission exercée sur le terrain. “Avec ce déploiement, on doit savoir combien d’agents sont sur le terrain, quels sont les moyens disposés sur le théâtre des opérations, quels sont les agents qui commandent cette unité.
On doit savoir également quelle est la nature de la mission, quelles sont les équipements nécessaires pour l’exercice de la mission de façon globale, quels sont les équipements individuels nécessaires à chaque élèment dans le groupe pour l’accomplissement sa mission au poste où il se trouve”, s’est-il interrogé. Et de trancher de manière catégorique : “n’importe qui ne peut pas venir et se jeter dans le déploiement de maintien de l’ordre. Si l’agent de la force publique n’appartient pas à cette unité et qu’il n’est pas déployé sur le terrain, il doit s’écarter parce qu’il n’en fait pas partie”.
De la mission où l’agent non déployé peut intervenir
Si l’agent de la force publique est exclu dans la situation où la mission est particulière, il en est autrement dans le cadre de la mission génèrale où n’importe quel agent peut participer au maintien de l’ordre public. “L’agent de la force publique peut se retrouver sur la voie publique où une infraction a été commise. Là , il peut descendre pour assurer le maintien de l’ordre. Cette mission génèrale est à distinguer de la mission particulière de déploiement des agents clairements identifiés”, fait-il savoir. Les situations de missions génèrales où le policier peut intervenir sans déploiement sur le terrain ne manquent pas.“Le policier en uniforme qui arrive à un carrefour où la circulation est bouchée peut descendre pour la réglementer. C’est également,le cas du policier réglementant la circulation au carrefour, faisant face à un problème, qui est finalement épaulé par un agent de la force publique dont la présence sur les lieux est imprévisible”, a-t-il ajouté. Une manière de dire que tout agent de la force publique, dans le cadre d’une mission génèrale, peut participer au maintien de l’ordre public. Cependant, concernant l’exercice de missions particulières tels que le maintien de l’ordre à l’université ou la répression d’une manifestation interdite, seuls ceux qui sont déployés peuvent y assister.
… ET “DEMONTE” L’ENQUETE DE POLICE
Le commissaire Cheikhna Keita est formel.L’enquête policière qui a été menée sur la mort de Bassirou Faye a manqué de “rigueur” et a débouché sur une véritable “cacophonie” ayant porté préjudice à la manifestation de la vérité. Arguant de son expertise de commissaire divisionnaire, Cheikhna Keita (ex-directeur de l’Ocrtis) démontre à l’envi que les diverses méthodes utilisées par les enquêteurs dans cette affaire n’ont pas été suffisantes pour aboutir aux conclusions arrêtées . Témoignage.
L’affaire Bassirou Faye, du nom de cet étudiant tombé sous les balles (une seule)de la police, le 14 août dernier ne cesse encore de susciter polémique, controverse et zones d’ombres. Si ce n’est la question de l’infiltration du présumé meurtrier Tombon Wally à l’université, ce sont les modalités de l’enquête policière qui posent débat. Pour le commissaire Cheikhna Keita, cette enquête est bien loin d’obéir à toute la rigueur requise en pareille circonstance. Interpellé par nos soins à propos de la cacophonie qui semble accompagner les résultats de l’enquête sur la mort de Bassirou Faye,l’ancien directeur de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants(Ocrtis) ne s’est pas montré tendre envers ses anciens collégues. “La cacophonie est possible si on ne respecte pas la rigueur que demande une enquête, il est possible de tomber dans le travers”.
Et le commissaire d’arguer: “Cette enquête part de deux niveaux : du témoin et de son témoignage. Si rien n’est faussé, ce témoignage a permis de faire un portrait robot pour dire qui a tué. Les policiers sont partis de cette donne pour remonter jusqu’à leur suspect. Cela n’est pas suffisant”.
Les incohérences de l’enquête ne se limitent pas là, fait encore remarquer le commissaire Keita . “Sur un autre plan, on part d’une douille qu’on a retrouvée sur le terrain pour dire que le garçon a été tué avec une arme à feu. On ramasse une douille, on récupère les armes des policiers,on procéde à une expertise: cela est une autre piste. Tout cela demande une rigueur millimétrée pour arriver à mettre chaque chose à sa place afin d’expliquer ce qui s’est passé”.
Adoptant un ton pédagogique, le commissaire affirmera : “On ne commence pas une enquête par dire voilà l’explication finale. Mais on commence par expliquer ce qui s’est passé. ll y a eu mort d’homme, après le constat de ce qui s’est passé, tout cela doit être détaillé rigoureusement. Si on ne peut pas détailler une situation de crime, on ne pourra pas l’expliquer”. En conclusion , indiquera l’ancien directeur de l’Ocrtis, “ C’est cette rigueur qui a manqué dans cette affaire. C’est pourquoi les deux pistes, celle de la preuve matérielle et celle de l’exploitation d’un témoignage ne se sont pas rencontrées. Il y a nécessairement cacophonie”.
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