(APS) – La grande cantatrice Yandé Codou Sène, décédée jeudi à Gandiaye à l’âge de 78 ans n’était pas seulement un symbole de la culture sérère, mais aussi et surtout une fascination et une source d’inspiration inépuisable pour des générations de citoyens sénégalais et de musiciens restés fascinés par son histoire singulière et son talent peu commun.
Incarnation parfaite du chant polyphonique sérère, Yandé Coudou était surtout une voix inégalable dont la puissance et la profondeur ne laissaient personne indifférent, une inspiration divine, une intelligence du chant caractérisée par sa parfaite maîtrise des techniques vocales.
‘’L’inspiration me vient la nuit, dans mon lit, ou alors face à l’Océan. Je ne reprends pas le chant d’autrui. Dieu m’inspire dans mon sommeil’’, avait-elle déclaré dans un film qui lui avait été consacré il ya quelques années.
Sortie lundi dernier de l’hôpital Principal de Dakar après un internement de deux mois, elle était rentrée chez elle à Gandiaye dans la région de Kaolack. Elle y a rendu l’âme en début d’après-midi.
Née en 1932 à Somb dans le département de Gossas (région de Fatick), Yandé Codou Sène est issue d’une grande lignée de griots sérères du Sénégal. Sa mère, Amadjiguène, fut une des voix les plus célèbres du Sine Saloum au centre-ouest du pays.
Très jeune, elle a commencé à chanter dans les fêtes de son village, étalant toute sa panoplie vocale, en utilisant des poésies de louange, des métaphores ou des proverbes et s’accompagnant uniquement de tambours sérères, selon les différents témoignages qui lui sont consacrés.
Mais c’est avec les chants a capella qu’elle s’est fait connaître, notamment de Léopold Sédar Senghor, un autre Sérère dont elle était devenue la cantatrice attitrée, l’accompagnant partout à travers le monde.
En tant que griotte du président, Yandé Codou Sène était la seule à pouvoir interrompre les discours de Senghor pour entamer un chant de louanges. ‘’Je ne me suis jamais fatiguée de chanter les louanges de Léopold Senghor ”, a témoigné la griotte, bien des années plus tard.
Révélée au monde en 1947, à l’âge de 15 ans, à côté de sa mère lors d’une cérémonie de circoncision, Yandé Codou n’a plus jamais cessé d’exercer grande fascination sur ses compatriotes, pour son talent, ce qu’elle a représenté et pour l’histoire singulière qu’elle a entretenue avec le fondateur du Sénégal moderne.
Pour les artistes, plus que pour tout autre Sénégalais, Yandé Codou a été une école, une source d’inspiration, une motivation et surtout la preuve que la tradition a était viable à travers ses différentes expressions notamment culturels.
Ils sont nombreux, sur la scène musicale actuelle, à s’être abreuvés à la source d’inspiration inépuisable qu’elle a été. De Youssou Ndour, le premier à sentir ce filon particulier au début des années 1990, bien avant tous les autres, à Didier Awadi, les musiciens sénégalais sont tous ou presque retournés à la tradition Yandé Codou Sène, pour se donner racines dans une modernité des styles qui fait parfois se perdre.
Yandé Codou Sène s’est aussi illustrée sur la scène internationale grâce à ses collaborations avec Youssou Ndour, Baaba Maal, Musa Dieng Kala ou encore Wasis Diop, autant de styles, de perspectives qui ont cherché à gagner un peu de son trésor et à s’accommoder un talent éternel.
Plus récemment, au soir de sa vie, deux films lui ont été consacrée par Laurence Gavron et Angèle Diabang Brener, décrivant à la fois une diva fascine et une femme émouvante. Ils ont fait par la même occasion œuvre de mémoire.
À travers ces deux films documentaires « Yandé Codou Sène, diva sérère » et « Yandé Codou Sène, la griotte de Senghor », Gavron et Brener retracent la trajectoire d’une forte personnalité, d’une femme à la fois forte et servante, plongée dans son terroir, sa culture et sa famille. Soit les dernières passions qui lui restent après le chant.
Yandé Codou Sène a été inhumée le même jour dans son village natal de Somb près de Gossas. Elle était mère de six enfants.
BK/BHC/AKS