Il se trouve entre Thiaroye et Medina Gounasse. Il fait partie des quartiers les plus pauvres de la banlieue avec sa population jeune et très dynamique. Ces populations sont souvent confrontées aux innombrables difficultés des inondations source de beaucoup de malheurs mais refusent de partir pour des tentes qu’elles qualifient de mauvais augure.
C’est un quartier construit sur un bas fond ce qui facilite les inondations. Le dernier recensement de 2006 révèle plus de cent mille six cent dix neuf habitants. Les premiers habitants se sont installés entre 1958 et 1959 et viendraient de l’intérieur du pays avec l’exode rural. Selon certains témoignages, « c’est dans ce quartier que le régime socialiste recasait certains de ses militants dont la plupart construisaient la nuit et l’autorité préfectorale détruisait le jour. Mais avec la pugnacité dont ils faisaient montre, l’autorité a fini par se lasser ». Le quartier est en majorité habité par des Wolofs, des Manjaques, des sérères, et Toucouleurs précise Moussa Hane chef de quartier.
La population est jeune, sans emploi dans un quartier pauvre où tout le monde vit à peu près la même situation des inondations. Les autorités Etatiques ont construit des stations de pompage pour l’évacuation des eaux de pluie mais ceci semble ne pas faire le travail escompté car des maisons restent toujours dans les eaux. Des maisons dont le fondement original n’est plus visible, d’autres qui pataugent dans l’eau avec des rues étroites ou en zigzag très sales forment le décor de quartier de Djiddah Thiaroye Kao. Ceci montre le non lotissement du quartier et pourtant certaines populations ne veulent en aucun cas entendre parler de cette décision de l’Etat car selon elles « c’est une manière de les éloigner de la capitale alors que le quartier est récupérable il suffit juste d’y mettre les moyens ».
Bâti sur une surface de plus de deux mille deux cent hectares, « le quartier est constamment inondé du fait de la proximité de la nappe phréatique » se désole Djibril Diallo, Président du collectif des associations pour le développement de Djiddah Thiaroye Kao. Les populations sont confrontées à d’énormes difficultés dont des déplacements pour d’autres lieux plus cléments.
Les maisons abandonnées constituent un repli pour les bandits…
En l’absence de planification urbaine, de nombreux quartiers sont bâtis sur d’anciennes Niayes asséchées. L’absence de gestion foncière a permis une construction spontanée de la plupart des quartiers selon le droit coutumier du sol. Cette croissance spontanée implique donc qu’aucun investissement n’est réalisé dans un réseau d’assainissement.
Pour se maintenir hors de l’eau, les habitants ont remblayé les rues. Il s’ensuit deux situations possibles : soit les maisons sont abandonnées et sont aujourd’hui enterrées sous des remblais à base de déchets ménagers qui étaient à un moment payées chères, de gravats et de sable, soient elles sont surélevées progressivement. Les surélévations correspondent pour l’ensemble des zones dépressionnaires à la construction d’un nouvel étage aux frais des habitants.
Ici, beaucoup de maisons sont abandonnées car elles ont été envahies par les eaux de pluies qui constituent un véritable casse tête pour ces populations qui ne savent plus à quel quartier se vouer. Dans ces maisons abandonnées, se trouvent maintenant des bandits qui en font des replis afin de commettre tranquillement leur forfait sans être inquiéter car rares sont ceux qui osent s’aventurer dans ces endroits même le jour. Ainsi, au-delà des eaux le manque de sécurité vient s’y greffer avec son lot de malheurs. Une jeune dame rencontrée dans une des ruelles explique son malheur sous le couvert de l’anonymat : « alors que je préparais activement mon mariage qui devait être célébré dans moins de trois jours, je me suis retrouvée nez à nez avec des bandits qui peut être m’ont suivit. Mais en tout cas, j’ai été kidnappée le temps d’une nuit et violée à tour de rôle par je ne sais combien de garçons. C’est à l’aube qu’une femme m’a aperçue et a alerté ma famille. Puis que celui qui devait être mon futur mari ne vit pas dans le pays, il n’a pas cru à l’histoire. C’est ainsi que mon ménage est tombé à l’eau et je me retrouve avec une grossesse dont j’ignore totalement l’auteur. Heureusement ou malheureusement au terme de la grossesse, certainement avec la douleur, l’enfant n’a pas survécu. Il est décédé juste après sa naissance. C’est douloureux mais c’est mieux ainsi ». Ainsi, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Et c’est conscient de la souffrance des populations que des jeunes du quartier se sont constitués en associations pour finalement former un collectif afin de mieux aider les faibles.
… et des prostituées
Ces maisons abandonnées sont aussi squattées par les gens qui n’ont pas de famille dans la localité. Si certains l’acceptent, d’autres par contre trouvent que ce sont des femmes qui s’adonnent au plus vieux métier. Cette mère de famille voit en cela un mal qu’il faut soigner avant qu’il ne dégénère car « ce sont des enfants qui habitent le quartier et risquent de copier sur elles en croyant que c’est bien ». A coté d’elle, une autre renchérit qu’il faut tout simplement les faire quitter de force le quartier pour la protection de leurs enfants. Malgré la proximité du poste de police, les parents ne se sentent pas rassurés.
Objectif du collectif
C’est un groupe de dix huit associations dans le quartier, toutes œuvrant pour le développement de Djiddah Thiaroye Kao. Pour ne pas travailler de manière dispersée, elles se sont retrouvées autour de l’essentiel. Ahmadou Niang, jeune de la localité précise : « nous conjuguons nos efforts pour le bien du quartier qui semble être en rade par les autorités ».
C’est en 1987 que les populations sont confrontées aux problèmes d’inondation et ont commencé le remblaiement. Certaines utilisaient les ordures pour le remblaiement ce qui n’est pas sans conséquence. « Les ordures étaient à un certain moment vendu à un prix d’or car les femmes l’achetaient parce qu’elles croyaient que ça peut les aider contre les eaux » explique Djibril Diallo. Les maladies dermiques et diarrhéiques apparaissaient. Elles n’épargnaient personne. Conscients des risques qu’encouraient les populations, les jeunes, en tant qu’acteurs sociaux, se sont réunis en 2007 pour apporter leur soutien à la population de la localité par des actions concrètes.
Présentation du collectif
Le Collectif des Associations de Djiddah Thiaroye Kao (CADDTK) est un regroupement de dix huit (18) diverses organisations mis en place en juillet 2001. La dégradation continue de l’environnement et des conditions de vie des populations a été le principal facteur de rassemblement des acteurs au développement de la localité en vue de dégager des voies de solutions à ces difficultés. En effet, dans la cinquantaine de quartiers que compte cette commune d’arrondissement, des inondations à répétition ont été notées généralement pour autant que de solutions adéquates s’avèrent nécessaires. En outre, les conditions de vie socio – économiques sont indésirables avec des revenus des ménages très faibles.
Grâce à une large concertation entre les acteurs, organisée au sein d’associations différentes mais complémentaires, un consensus s’est dégagé sur la nécessité de se regrouper en collectif pour une auto prise en charge des questions de développement et ainsi développer des stratégies adaptées et concertées pour lutter efficacement contre la dégradation de leur environnement et améliorer les conditions de vie des populations.
Sur le plan sanitaire, l’organisation bénéficie d’une reconnaissance juridique.
Des jeunes très organisés
Pourtant, cette ténacité des jeunes a donné naissance à un cadre de concertation dénommé « UrbaDtk » et d’une mutuelle de crédit pour mieux lutter contre la pauvreté des femmes. Ndèye Niang, présidente de groupement par ailleurs animatrice au niveau du collectif estime que les femmes ont adhéré en masse à la mutuelle et que la mutuelle est en train d’être informatisée.
Le vieux Saliou Gueye, habite le quartier depuis plus de trente ans. Il explique que les inondations sont revenues ces dernières années surprenant plus d’un car avec la sécheresse des années 70 et le fait que la Société des eaux utilisait l’eau de la nappe pour alimenter Dakar en eau potable a fait que même en période hivernale les populations ne se sentaient pas menacées. Mais avec le réchauffement de la terre et la découverte par la Banque mondiale de fluor dans l’eau qui a occasionné l’arrêt de l’exploitation de la Sde les inondations sont finalement devenues le lot quotidien des habitants de cette localité.
Pas de déplacement des populations
La décision du premier Ministre de faire déplacer certaines populations vers Sangalkam ne semble pas trouver écho favorable dans le quartier. La dame Soukeyna Sarr Diouf trouve que les autorités n’ont pas à leur obliger des tentes qui n’ont aucune sécurité. Pour elle, l’expérience de 2005 est encore fraiche dans les mémoires parce que beaucoup de filles ont été violées ou enceintées par les gardiens. Cet enseignant trouvé devant une boutique renchérit : « l’Etat c’est l’anticipation et pour ce faire le Gouvernement doit avoir les prévisions météorologiques pour pouvoir prendre les devants ». Pour lui la réaction des populations est très compréhensible d’autant plus que dans la tradition sénégalaise ce recasement est signe de pauvreté ce que personne ne veut accepter même si c’est la vérité. « Dans ce quartier, c’est un secret de polichinelle de dire que tout le monde est pauvre mais partir même vers le Plan Jaxay est donner raison aux autres » dit-il. Il dit ne pas comprendre l’attitude de l’Etat qui sait que depuis 2005, c’est la même situation qui revient chaque année et qui traine les pieds.
Selon le chef du quartier Moussa Hann, commerçant et habitant la localité depuis 1958 « dans une pareille décision, il y a toujours des réticences parce que forcement il y en a qui ne voudront jamais partir dans un premier temps ». Une idée que partage cette jeune fille Khady Sow, de retour de son école de formation. Elle estime que le Premier Ministre a très tôt parlé. Selon elle, « il devrait préparer doucement le terrain et attendre que les eaux envahissent les maisons pour le leur proposer. En ce moment, c’est forcement que tout le monde partira sans objections ou manifestations ».
Dans cette localité, on note trois marchés, sept écoles primaires, deux postes de santé, une pédiatrie, une église et plusieurs mosquées. Des infrastructures que tout nouveau quartier devant accueillir les sinistrés doit avoir pour répondre aux normes d’une bonne habitation.
Jaxay l’équation
Le non lotissement du quartier ne dérange pas ceux qui y vivent. Ils ne veulent pas en entendre parler sous aucun prétexte. Malgré la démolition de leur maison, certains ne comptent pas quitter les lieux et sont quelque part en location. Les populations à qui le plan Jaxay était destiné n’ont pas toutes été logées. Djibril Diallo, souligne que depuis cinq ans déjà les trois mille maisons de Jaxay devraient être toutes terminées et remises à leur propriétaire. « Mais pourquoi ça traine jusqu’à présent » s’est il interrogé. Et M. Diallo de dire : « dans le quartier Jaxay, il parait qu’il y a des gens qui y habitent et qui n’en pas droit alors que ceux qui ont té recensés sont en location parce qu’ils n’ont pas de maison ».
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