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Cheikh Anta Diop: Restaurateur de la Conscience Historique Africaine – Par Oumar Mbaye

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Dans Histoire Générale de l’Afrique Tome I « Méthodologie et préhistoire africaine », Amadou Mahtar Mbow, directeur Général de l’UNESCO, dans sa préface affirme : « les sociétés africaines passaient pour des sociétés qui ne pouvaient avoir d’Histoire ». Cette pensée procède de la conception européenne de l’histoire. En effet, celle-ci fut développée et entretenue par les anthropologues, historiens africanistes, égyptologues occidentaux dont l’objectif fondamental était de la falsifier. Ainsi, il en ressort une vaste entreprise de falsification de l’histoire africaine qui suscita chez les intellectuels africains un sentiment de réaction bâtie autour d’une œuvre de réhabilitation et de ressourcement historique et culturel. En clair, il s’agissait pour ces derniers, de rétablir sur des bases solides l’historicité du continent. C’est dans ce cadre précisément qu’il faut inscrire l’œuvre historique et scientifique de Cheikh Anta Diop, qui au sens propre du terme, reste encyclopédique, c’est-à-dire s’étend à toutes les régions du Savoir. L’objectif de son travail de recherche est de donner aux africains la conscience historique qui leur rattacherait à leurs ancêtres les plus lointain avec comme épicentre l’Egypte ancienne.
La restauration de la conscience historique africaine reste la réaction de l’intelligentsia africaine notamment Cheikh Anta Diop face à la falsification de l’histoire. Celle-ci obéit au projet colonial déjà perceptible des l’antiquité chez les grecs qui stipulaient que l’une des règles cardinales de toute conquête est de nier l’identité et la personnalité culturelles des peuples conquis. Tirant parfaitement bien cette leçon du passé, les occidentaux pour mieux farder l’identité des peuples colonisés leur dénieront l’existence de ce qui la constitue c’est-à-dire l’Histoire.

Cette entreprise de falsification fut essentiellement l’œuvre de nombre d’intellectuels occidentaux dont-il nous plaira d’en citer quelques uns. Il s’agit notamment de Hegel, Joseph Arthur de Gobineau, Hume, Levy Brühl… Hegel in « La raison dans l’histoire », collection « le monde en 1018 » Paris, P.251 et suivantes en parlant des africains affirme : « l’homme en Afrique, c’est l’homme dans son immédiateté… on ne peut rien trouver dans son caractère qui s’accorde à l’humain… tel nous le voyons aujourd’hui, tel il a toujours été… leur condition n’est susceptible d’aucun développement, d’aucune éducation… celui qui veut connaitre les manifestations épouvantables de la nature humaine peut les trouver en Afrique… elle n’a pas à proprement parler une histoire ce que nous comprenons en somme sous le nom d’Afrique, c’est un homme a historique, non développé, extrêmement prisonnier de l’esprit naturel et dont la place se trouve encore au seuil de l’histoire universelle » Cela veut dire que le nègre évolue sur un axe horizontal. Il n’évolue même pas dès lors que pour Hegel, guidé par son « immédiateté », il agit instinctivement. Et, étant donné que l’histoire se construit par des esprits dotés de raison et d’intelligence, le philosophe allemand aura exclu le nègre de toute perspective, de toute considération, de tout attribut qui le rapprocherait de l’humanité et de l’histoire. Césaire ne l’entendra jamais de la sorte même s’il admet l’absence du nègre dans le lot de certaines découvertes scientifiques et techniques dont l’occident se glorifie.

« Ceux qui n’ont inventé ni la poudre, ni la boussole mais ceux sans qui la terre ne serait pas la terre »
Joseph Arthur de Gobineau, quant à lui, loin de cette conviction césairienne, abondera dans le même sens que Hegel. Dans son discours sur l’inégalité parmi les races », affirme que « la race noire se présente sans la moindre distance critique, les préjugés et les stéréotypes négrophobes les plus bestialisants et criminalisants». Il poursuit en disant que sur le plan de l’intelligence, il a des facultés pensantes médiocres ou même nulles ».
Comme nous le constatons, il apparait très clairement à la lumière de ces affirmations que l’homme noir est assimilé à l’animal, dépourvu d’intelligence et par conséquent incapable de satisfaire ses besoins les plus primaires. Les Africains sont ainsi exclus du champ historique.
Il devenait à partir de ce moment impérieux et nécessaire pour les intellectuels africains de s’investir dans une œuvre de réhabilitation et de restauration de la conscience historique. Celle-ci va se réaliser par l’étude de la linguistique, la science archéologique corroborant les témoignages textuels des anciens auteurs grecs qui démontrent tous l’antériorité des civilisations nègres à travers l Egypte nègre.

Loin de décréter l’antériorité des civilisations nègres, celles-ci se fondent sur un ensemble d’arguments ou preuves. Ainsi, sur le plan paléontologique, le professeur Cheikh Anta Diop développe l’idée selon laquelle l’humanité a vu le jour en Afrique autour de la vallée du Nil, il y a 120 000 ans Av. J.C. Selon lui, c’est en Afrique et en Afrique seulement que nous trouvons tous les spécimens d’hommes fossiles notamment australopithèque gracile l’australopithèque robustus, l’homo habilis, l’homo erectus, l’homme de Neandertal et l’homo sapiens sapiens. Ce dernier est né en Afrique sous l’équateur où on observe un flux de radiation tel qu’il avait besoin d’une pigmentation pour survivre. Cette pigmentation en noir par la mélanine a une fonction protectrice contre le rayonnement ultraviolet. Elle permet aux populations de vivre dans ses latitudes chaudes. Toutefois, il convient ici de relever que ces hommes sous d’autres contrées n’auraient pas besoin de pigmentation, c’est le cas de ces premiers hommes noirs qui ont quitté l’Afrique en partance vers l’Europe, empruntant les deux voies de sortie de l’Afrique : L’isthme de Suez et le détroit de Gibraltar. Ainsi au cours de la période considérée, on rencontre la première humanité en Europe au Sud de la France et de l’Espagne. Ici, l’homme n’avait pas besoin de pigmentation pour survivre, ce dont il avait plutôt besoin là, c’était d’avoir une peau claire, d’où dépigmentation au point que l’espèce caractéristique demeure le Cro-Magnon. Celui-ci fut le premier spécimen de race blanche qui est apparu sur la terre et qui vécut dans la même grotte que l’homme de Grimaldi. Ces éléments sur-mentionnés démontrent à suffisance et avec objectivité que le premier homme sur terre était un « négroïde »

Ces preuves paléontologiques recoupent les témoignages des auteurs anciens. Il s’agit de Hérodote, Aristote, Diodore de Sicile, qui furent tous des témoins oculaires des Egyptiens anciens- Ils affirment tous que les « Egyptiens avaient la peau noire et les cheveux crépus » Hérodote surnommé le Père de l’Histoire (480 ?à425 av J-C) dit à propos des colches : « … les colchidiens sont de race égyptienne…. Ils avaient la peau noire et les cheveux crépus, ensuite il pratiquent la circoncision depuis l’origine ».
Ces témoignages d’auteurs anciens sont confirmés par les travaux de Cheikh Anta Diop. Pour ce dernier, les égyptiens se seraient désignés par l’expression KEMET qui signifie en Egyptien ancien un « peuple de nègres ». Pour Cheikh Anta, Kemet s’écrit avec comme racine Km « noir » qui est l’origine étymologique de la racine biblique « Kam ». Ainsi les traditions juives et arabes classent l’Egypte comme un des pays de noirs.

Par la linguistique, Cheikh Anta Diop essaie de prouver que l’Egyptien ancien n’appartient pas à la famille afro-asiatique. Il tente d’établir la parenté génétique de l’Egyptien ancien et les langues négro-africaine. En clair, pour le professeur, il y a une similitude à l’exemple entre la langue Wolof et la langue dite de l’Egyptien ancien.
Exemple :

Egyptien ancien

wolofSignification en Egyptien AncienSignification en Wolof
KefKefEmpoigner – PrendreSaisir sa proie
FehFehS’en allerS’en aller précipitamment

Mai

MayDonnerDonner
TefTef ou tif / tiflit ou tifliCracherAction de cracher / Crachat
SaSaDéesse du savoir- de l’intelligence, de l’instructionEnseigner-instruire-apprendre- enseigner un texte
HemHemNoir – ChaleurCharbonner


D’autres faits, non moins importants, viennent confirmer l’origine nègre de l’Egypte. Il s’agit du totémisme, de la circoncision et du matriarcat. le totémisme confirme l’origine nègre des Egyptiens. En effet, il reste indéniable que le caractère « tabou » de certains animaux et de certaines plantes correspond à du totémisme comme c’est le cas dans toutes les régions en Afrique noire. En Afrique noire, l’endogamie et le totémisme loin de s’exclure, coexistent. C’est ce qui explique dans ces régions, deux époux portent le même nom totémique. Exemple : Ndiaye, Diop, Fall etc. Ceci procède qu’ils ont conscience d’appartenir à la même tribu et entretiennent par conséquent une parenté. Celle-ci expliquerait le KAL (parenté clanique hypothétique autorisant des railleries réciproques). La circoncision est aussi un trait culturel très ancien chez les Egyptiens. Elle remonte à la préhistoire et elle a été transmise au monde sémitique (juifs et arabes) par les égyptiens .Hérodote affirme qu’en dehors des colchidiens, des éthiopiens, les Egyptiens sont les seuls qui se font circoncire de temps immémorial.

Le matriarcat est à la base de l’organisation sociale. En effet dans les sociétés où le matriarcat n’a pas été altéré par des influences extérieures, c’est la femme qui transmet intégralement les droits politiques . Ce fait découle d’une idée générale selon laquelle l’hérédité n’est efficace que quand elle est d’origine maternelle .Ainsi le neveu hérite de l’oncle maternel, ce dernier étant une émanation de la mère, une « mère masculine ». On voit là toute l’importance de la femme dans les sociétés africaines comme le montre d’ailleurs Ibn Batuta : « Les nègres se nomment d’après leur oncle maternel et non d’après leur père, ce ne sont pas là les fils qui héritent, mais bien les neveux, fils de la sœur du père.

Il ressort à la lumière de tous ces arguments , que l’Afrique a bel et bien une histoire et mieux ,elle est la mère des civilisations car la première humanité y a vu le jour .Face à cette vaste entreprise de falsification de l’histoire africaine ,il était de la responsabilité des intellectuels africains notamment Joseph Ki Zerbo , Elikia Mbokolo ,Cheikh Anta Diop de rétablir sur des bases solides l’historicité du continent africain d’autant plus que , comme le disait Sartre « L’intellectuel est celui qui doit faire de sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul      ne puisse s’en dire innocent ».

Oumar Mbaye
Professeur d’Histoire et de Géographie au Lycée Seydina Issa Rohou Lahi ex LPA
Membre du Projet Annuel de Caytou
[email protected]

 

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