La France a signé ce mardi la décision de déclassification de documents émis entre 1990 et 1994 par la présidence de la République, relatifs au génocide commis au Rwanda, a-t-on appris dans l’entourage de François Hollande.
« Il s’agit d’archives émanant des conseillers et militaires du président François Mitterrand et également de comptes rendus de conseils restreints de défense », a-t-on précisé.
Cette décision, qui survient le jour du 21e anniversaire du déclenchement du génocide qui a fait 800 000 morts en 1994, a été signée par le secrétaire général de l’Elysée, Jean-Pierre Jouyet, en présence de Dominique Bertinotti, ancienne ministre et mandataire des archives de la présidence Mitterrand, a précisé l’Élysée.
« Le président François Hollande avait annoncé il y a un an que la France devrait faire preuve de transparence et faciliter le travail de mémoire sur cette période sans que cette décision ne soit rendue publique », a ajouté l’entourage du chef de l’État. Depuis, le recensement des archives a été « lancé et coordonné » par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), les documents mêlant des notes des conseillers diplomatiques et militaires de l’Élysée, mais aussi des comptes rendus de conseils restreints de défense ou de réunions ministérielles.
Ils seront ainsi à la disposition des chercheurs ou des associations de victimes, souligne la présidence française. Les massacres de 1994, essentiellement dirigés contre la minorité tutsi, avaient fait quelque 800 000 morts en quelques mois. Le pouvoir rwandais a plusieurs fois accusé Paris d’avoir été complice du génocide des tutsis, à travers notamment son opération militaire Turquoise lancée en juin 1994, officiellement avec un objectif humanitaire.
Cette déclassification intervient en tout cas cinq semaines après la visite du président rwandais à Paris. Visite d’ordre privé avait précisé Kigali. Il n’avait d’ailleurs pas rencontré les autorités françaises. Par contre, il s’était entretenu avec l’ancien chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy.
Elle intervient aussi dans une période où les relations se sont de nouveau tendues entre Paris et Kigali. Il y a un an, Paul Kagamé avait à nouveau déclaré que la France avait eu un rôle direct dans la préparation et l’exécution des massacres. En réponse, Paris avait boycotté les commémorations du 20 e anniversaire du génocide.
Réactions de la classe politique française
Pour le député UMP Philippe Gosselin, vice-président du groupe d’amitié France-Rwanda, cette déclassification permettra de montrer que la France n’a pas joué de rôle trouble : « Je crois très sincèrement que l’armée française a été exemplaire, que les bonnes décisions ont été prises. Il ya toujours eu des reproches sur les délais d’intervention, sur les forces en présence, sur les lieux de présences… Je crois que cette déclassification va permettre de jouer franc-jeu et j’espère enfin d’apaiser. 21 ans après, je crois qu’il est temps que les dossiers puissent être ouverts en toute bonne fois et que l’on puisse avancer sereinement. Je sais que ce mot de sérénité est sans doute difficile compte-tenu de ces centaines de milliers de morts, de ces familles pour qui aujourd’hui le drame est toujours présent. Mais il y va aussi de notre côté de l’honneur de la France. »
De son côté, le député écologiste Noël Mamère se bat depuis longtemps pour connaître le rôle précis joué par la France dans cette affaire. Il est satisfait que ces documents soient enfin accessibles : « Nous sommes nombreux à réclamer que toute la vérité soit faite sur le comportement de quelques politiques de droite et de gauche qui sous le second septennat de François Mitterrand ont mené une politique secrète de soutien à Hutu Power.
C’est-à-dire à un régime qu’ils savaient génocidaire, totalitaire et raciste. Nous sommes très nombreux à dire que cette politique d’aveuglement a été menée dans le plus grand secret et que la politique africaine de la France n’a jamais été débattue au Parlement, ni devant les Français. Donc dans la mesure où ce génocide a tué un million de personnes entre le mois d’avril et le mois de juillet 1994 et qu’il apparaît évident aujourd’hui après la mission d’information menée en 1998, les recherches historiques, les documents officiels, ceux qui sortent aujourd’hui vont sans doute le prouver… Il y a un soupçon très fort non pas d’une complicité mais en tout cas d’un aveuglement du plus haut sommet de l’Etat sur ce qui a été un des plus grands génocides du XXe siècle. ».
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