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Abdoulaye Wade Yinghou, toujours pas enterré: le cadavre encombrant traîné dans 3 hôpitaux

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Depuis hier, Me Amadou Aly Kane, conseil commis par la famille d’Abdoulaye Wade Yinghou, tué dans les émeutes de Yeumbeul, a déposé une plainte contre X devant le doyen des juges pour quatre chefs d’incrimination : meurtre, coups et blessures volontaires physiques, vol de portable et d’argent, non-assistance à personne en péril. Voici le film d’horreur de la mort atroce d’un jeune de 19 ans, orphelin de père et de mère.

Le cadavre encombrant traîné dans 3 hôpitaux

Une journée apparemment comme les autres, mais c’est le mercredi 14 juillet 2010 qu’Abdoulaye Wade Yinghou, 19 ans, a été atrocement arraché à la vie, en saignant du nez et de la bouche, la poitrine complètement broyée. Orphelin de père et de mère, célibataire sans enfant, il vivait chez Arphang Corréa et travaillait auprès de Makhtar Diop, gérant d’un poulailler sis à Bène Barack.

Vers 18 heures, son patron, revenu de la cérémonie du 130 ème Appel des Layènes, l’envoie chercher de l’argent chez le boutiquier pour acheter des aliments de bétail. En route pour le dépôt de Sédima qui se trouve à Thiaroye, le jeune garçon, qui est loin de se douter qu’il vit ses dernières heures, arrive à Thiaroye où il tombe sur la manifestation des tailleurs qui râlent contre les coupures intempestives d’électricité. Ça court dans tous les sens, des policiers en civil, armés jusqu’aux dents, poursuivent des personnes. Voyant que tout le monde prend la poudre d’escampette, il prend lui aussi ses jambes à son cou et se réfugie dans la première maison. C’est là qu’il s’aperçoit que des policiers le suivent. Le propriétaire intervient et demande aux forces de l’ordre de le laisser tranquille.

Piquées par on ne sait quelle mouche, elles se ruent sur le jeune homme et commencent à le tabasser copieusement avec les crosses de leurs armes à feu. Sourds aux contestations du propriétaire, les policiers traînent Yinghou dehors, tout en le tabassant jusqu’au commissariat. Là, ils continuent des plus belle et exigent que le garçon donne les noms de ses complices. Au milieu de cette avalanche de coups, le pauvre jeune homme parvient à appeler son patron sur son portable. Les seuls mots qui sortent de sa bouche saignante sont : « Policiers-yi… ».

Une cliente du poulailler, qui, elle aussi, passait, n’a rien perdu du drame et a suivi Abdoulaye Wade jusqu’au commissariat. Un autre jeune homme avait été pris en même temps que Yinghou, mais il a eu plus de chance, parce que son père, informé à temps, est accouru. Il aurait remis une somme importante pour que son fils soit libéré. Complètement vidé de son sang, Yinghou n’a pas survécu à ce traitement inhumain et a fini par rendre l’âme. Son cadavre, étant devenu encombrant, a été transporté à l’hôpital de Thiaroye où les policiers ont dit qu’il s’agit d’un individu ramassé dans la rue. Sceptiques, les blouses blanches trouvées sur place n’ont pas accepté qu’on leur file la patate chaude. Destination hôpital Roi Baudouin où le même refus catégorique est opposé. Idem pour le centre de santé Dominique. C’est finalement à l’hôpital Le Dantec qu’il a été accepté.

Au fait de tous ces éléments, Me Amadou Aly Kane, conseil de la famille, s’est rendu hier au tribunal pour déposer une plainte contre X en visant quatre chefs d’incrimination. Dans sa constitution de partie civile, il a visé le meurtre (« c’est un homicide avec préméditation parce qu’on l’a vu mourir et on a laissé faire »), les coups et violences physiques (torture), le vol (du portable et de la somme d’argent qui n’a pas été déterminée par le patron), la non-assistance à personne en danger. Ceux qui ont tué Abdoulaye Wade, dénonce Me Kane, l’ont fait sans état d’âme.

Me Kane a des noms, mais…

L’affaire est d’autant plus grave qu’une fois le garçon mort, on a tenté de maquiller le meurtre. Il s’y ajoute qu’il n’était pas un manifestant. Malheureusement, poursuit Me Kane, Yinghou n’est pas le seul sur cette liste noire. Une dizaine de personnes, qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment, ont subi pareil triste sort. La consignation de 50.000 francs Cfa fixée par le juge a été payée hier. Il ne serait pas logique, pense Me Amadou Aly Kane, que l’enquête soit confiée à la Police qui est incriminée. Pour éviter toute suspicion, ce serait mieux que la Gendarmerie s’en charge. Alors que l’enquête n’est pas bouclée, le conseil est désolé de voir le ministre de l’Intérieur, Bécaye Diop faire des déclarations allant dans le sens de mettre ses troupes hors de cause. « C’est prématuré. Il faut laisser à la justice le soin de désigner qui fera l’enquête, au lieu de décréter d’emblée que c’est la Division des investigations criminelles, un démembrement de la Police. J’appelle tous les avocats préoccupés par le regain de la torture, les militants des droits de l’homme, mes confrères simplement soucieux de la protection de l’intégrité de la personne, à se joindre à la cause qui est celle de tout le monde », lance Me Kane.

Abdoulaye Wade Yinghou, toujours pas enterré

Bien qu’ayant des noms, il a déposé une plainte contre X devant le juge d’instruction, pour provoquer le déclenchement de l’action publique, mais aussi permettre que le juge se prononce sur le cas du corps qui se trouve toujours à la morgue de Le Dantec. Le juge devra dire s’il le garde pour les besoins de l’enquête, ou s’il le met à la disposition de la famille pour lui permettre d’enterrer le défunt.

Me Assane Dioma Ndiaye, qui n’a pas attendu cet appel pour faire sienne cette affaire, regrette la sortie du ministre de l’Intérieur qui a soutenu de manière péremptoire dans un communiqué paru mardi dernier, qu’aucun élément objectif ne permet d’imputer la responsabilité de la mort d’Abdoulaye Wade Yinghou à la Police. Une réaction, selon Me Ndiaye, qui constitue une atteinte à la séparation des pouvoirs. « C’est une façon de mettre au pas la justice, une question de culture démocratique. Le fait que les tenants de l’Exécutif se prononcent sur une affaire pendante est inadmissible. Le fait de confier l’enquête à la Dic montre les limites d’un système judiciaire qui ne permet pas un procès juste et équitable. Il faut laisser la justice travailler en toute indépendance et en dehors de toute pression », plaide-t-il.

Hadja Diaw GAYE

lasquotidien.info

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