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Y a-t-il un juriste dans le Mackyland ? (Par Papa Younous Sarr)

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Ainsi donc, le Sénégal, par un DIPLOMAIL daté du 17 juin 2015 signé de M. Coly Seck, Ambassadeur Directeur de Cabinet au Ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, a réagi à l’avis du Groupe de travail de l’Organisation des Nations-Unies sur la détention arbitraire adopté au cours de la session du 20 au 29 avril 2015 qui lui a été notifié le 25 mai 2015, étant rappelé que l’avis n’est pas susceptible de révision.

On remarquera d’abord que le Ministre n’a pas jugé la chose suffisamment importante pour signer lui-même. Il fait signer son Directeur de Cabinet.

Cela est important car il apparaît très clairement que l’Ambassadeur Directeur de Cabinet n’a jamais passé une seule journée à écouter un cours de droit. Aussi sa note est bourrée de ‘’fautes de droit’’, si l’on peut dire, que ne commettrait pas un étudiant de 2ème année.

Rappelons que la requête de Karim Wade a été déposée le 1er avril 2014 au Secrétariat du Groupe à Genève. Elle fut signifiée à l’Etat du Sénégal le 25 juin 2014. Tous les documents reçus par la suite dans la cause lui ont été notifiés le 25 juin 2014, cela donnait à l’Etat un délai de 2 mois, 60 jours, pour répondre. Ce délai expirait le 24 août 2014 qui était un dimanche, le Sénégal avait encore 24 heures, donc jusqu’au 25 août 2014. Or il n’a déposé une réponse que le 26 août, soit hors délai.

Le Sénégal attend donc que lui soit notifiée le 25 juin 2015 l’avis du Groupe de travail du 20 avril 2015, clôturant la procédure pour tenter par le DIPLOMAIL du 17 juin 2017 qui est un résumé de la note émise le 29 mai 2015, de faire revenir le Groupe sur l’Avis émis.

Tenez. Pour justifier le retard du Sénégal à répondre dans les délais à la requête initiale de Karim Wade il est bon de rappeler que sa demande ayant été, à bon droit, jugée irrecevable, le Sénégal avait déclaré cependant que cette décision était discriminatoire dans la mesure où, dans un cas qu’il cite et qu’il appelle, à tort, jurisprudence, le cas de l’Etat du Burundi dans une affaire qui l’opposait à un de ses citoyens, François NYAMOA, la Commission aurait reçu la réponse de l’Etat du Burundi malgré un retard dans son dépôt.

D’abord il n y a jamais ou presque jamais deux cas identiques en droit. Au surplus un seul cas n’établit pas une jurisprudence. Là, M. l’Ambassadeur devrait relire ou lire la définition du mot ‘’jurisprudence’’, même dans le Larousse si le recours aux livres de droit le rebute.

La jurisprudence est le droit élaboré par les juges dans la pratique, par la constance de leur position dans de nombreuses décisions, par opposition au droit régalien immuable dans la durée de la loi qui ressort des textes de loi. C’est bien parce que même la simple jurisprudence ne suffit pas qu’on évoque la notion de ‘’jurisprudence constante’’ qui peut, elle-même, faire l’objet d’un ‘’revirement jurisprudentiel’’.

Sans revenir sur un débat clôturé prenant le prétexte du DIPLOMAIL, nous allons montrer les incongruités juridiques du Sénégal qui, avec candeur, demandait qu’il ne lui fut pas tenu rigueur de son retard dans le dépôt de sa réponse, sans d’ailleurs la moindre explication sur les causes de ce retard.

Finalement, il demandait, par son ambassadeur, au Président du Groupe, de recevoir sa délégation au cours de la session de la Commission du mois d’Août.

La lettre du Sénégal résumant sa réponse officielle du 29 mai 2015 reproche au Groupe d’avoir considéré, ‘’sans preuve’’, y lit-on, que la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite est une juridiction d’exception dont les arrêts ne sont pas susceptibles de recours. Et d’ajouter que cette affirmation s’avère non fondée puisque M. Karim Wade a interjeté ‘’appel’’ de ‘’son jugement’’ en saisissant la Cour Suprême.

Pour être indulgent il y a au moins 4 fautes de droit dans ce seul paragraphe.

Une juridiction d’exception est celle qui déroge au droit commun. Par nature la CREI est en marge de l’ordre judiciaire de droit commun qui comprend de bas en haut le Tribunal d’instance et le tribunal de Grande Instance, la Cour d’Appel qui juge les appels contre les décisions des tribunaux d’instance. Le droit d’appel est de principe car il structure même l’institution judiciaire. C’est pourquoi on parle de double degré de juridiction. Le droit d’appel fait partie des voies de recours dites ordinaires, les autres étant l’opposition et la tierce opposition.

Des ONG, comme la RENCONTRE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME, RADDHO, la LIGUE SENEGALAISE DES DROITS DE L’HOMME, LSDH et la FEDERATION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’HOMME, FIDH ont, dans une déclaration commune estimé que la CREI est une juridiction d’exception qui viole les droits de la défense et ne garantit pas un procès équitable, une juridiction qui viole la présomption d’innocence et refuse le droit à l’appel ou double degré de juridiction.

Le Gouvernement du Sénégal n’a jamais répondu en son temps à ces remarques.

Pour notre auteur, rappelons que les décisions de la Cour d’appel s’appellent des arrêts. Elles sont susceptibles de pourvoi devant la Cour de Cassation de la Cour Suprême, seulement si le droit est violé dans la procédure, la motivation ou l’interprétation. C’est pourquoi la cassation est une voie de recours extraordinaire.

Les arrêts de la CREI ne sont susceptibles d’aucun recours ordinaire. C’est la loi N° 81-53 du 10 juillet 1981 créant la CREI qui limite les recours ainsi qu’il suit :
au niveau de la Commission d’Instruction, l’article 13 dispose : les décisions de la Commission d’Instruction ne sont susceptibles d’aucun recours. Mais, exception dans l’exception, en cas de non lieu, l’arrêt de non lieu peut être frappé d’appel devant la CREI par le Procureur Spécial mais pas par le prévenu. On reste ébahi devant une telle iniquité, un tel déséquilibre entre deux parties qui sont sensées être à égale distance des juges.
au niveau des voies de recours contre les arrêts de la Cour l’Article 17 limite les recours à la cassation.

L’auteur de la lettre du Sénégal ne semble décidément pas avoir lu la loi du 10 juillet 1981.

Il écrit ‘’assurément, cette affirmation s’avère non fondée puisque M. Karim Wade a interjeté appel de son jugement en saisissant la Cour Suprême. Trois fautes de droit dans une même phrase :

M. Karim Wade n’a pas ‘’interjeté appel’’ mais ‘’s’est pourvu en cassation’’ ;

M. Karim Wade, stricto sensu, a saisi la Cour de Cassation et non la Cour Suprême. Même s’il est vrai que la première est dans la deuxième, les deux ne se confondent pas, pas plus qu’on ne confond l’œuf et la poule même si l’un est dans l’autre.

L’auteur fait une grave confusion entre un pourvoi devant la Cour Suprême qu’avait exercé Karim par suite du refus du Greffier en Chef qui, requis le 22 avril 2013 pour inscrire un pourvoi contre le refus de la Commission en date du 17 avril 2013 de recevoir son recours, avait refusé à son tour et l’arrêt condamnant Karim Wade le 23 mars 2015, frappé d’un pourvoi en cassation du prévenu et actuellement pendant devant la Cour de Cassation.

Le premier pourvoi avait été déclaré recevable par la Cour Suprême avant qu’un rabat d’arrêt abusif n’intervienne opportunément et un arrêt interprétatif du Conseil Constitutionnel ne vienne statuer ultra petita en allant bien au delà de la demande incidente de la Cour Suprême qui demandait simplement un avis de conformité ou non d’une décision, prétexte saisi par le Conseil Constitutionnel pour légitimer la CREI et la déclarer conforme à la Constitution.

L’auteur, parlant de Karim Wade dit ‘’son jugement’’ faisant allusion à arrêt du 23 mars 2015 qui l’a condamné à 6 ans de prison et de lourdes amendes.

Enfin, baroud d’honneur, l’auteur ajoute que le Groupe de travail n’a pas pour vocation de se prononcer sur la légalité ou la légitimité de la CREI. En disant cela il enfonce une porte ouverte car le Groupe dit très clairement que son propos n’est pas de se prononcer sur ces questions de légitimité mais d’apprécier si le Sénégal a respecté ou non ses engagements qui découlent des conventions et traités qu’il a signés, promulgués et intégrés dans son droit interne.

A ce sujet il est curieux de constater que la lettre du Sénégal, comme la réponse du 29 mai 2015, reste muette sur les violations internationales constatées par le Groupe de travail telles que l’inobservation totale ou partielle des normes internationales relatives au droit à un procès équitable établies par la Déclaration universelle des droits de l’homme, DUDH, ainsi que les instruments pertinents acceptés par le Sénégal et leurs principes, de même les ONG, notamment la Fédération Internationale des droits de l’homme, FIDH, la Rencontre Africaine pour la défense des droits de l’homme RADDHO et la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, CADHP et du PIDCP.

Décidément l’Etat du Sénégal et ses avocats ne semblent pas trop à l’aise avec le droit international public.

Nous avons dit que la demande de l’Etat du Sénégal était dilatoire car il avait largement le temps de développer tous ses arguments dans sa réponse, même irrecevable, du 29 mai 2015 et dans son résumé, le DIPLOMAIL du 17 juin 2015. Qu’est ce qu’il peut dire de plus qui ne put être dans ces deux documents ?

Ces deux documents étant vides et hors de propos, tout se passe comme si l’Etat du Sénégal avait été lâché par ses tonitruants avocats qui n’ont que l’injure à la bouche, à défaut d’arguments juridiques car on ne me fera pas croire qu’aucun de ces avocats grassement payés n’avait songé, un seul instant, inscrire dans son calepin ou sa tablette la date limite de dépôt de la réponse à la requête déposée par Karim Wade devant le Conseil des Droits de l’homme et son Groupe de travail sur la détention arbitraire. A moins qu’il ne s’agisse d’une astuce d’avocats sans arguments qui ont préféré laisser passer sagement les délais pour ne pas se couvrir de ridicule devant le monde entier.

Papa Younous Sarr
Doctorant en droit

2 Commentaires

  1. Je dirais: si. Le Mackyland est même rempli de juristes. Mais il y a deux paramètres à prendre en compte pour comprendre ce qui se passe.
    1/ On ne peut juger des actes du Mackyland sur le plan strict du droit sans tenir compte de la pléthore de conseillers en communication. Or le rôle de ses conseillers est de faire accepter à l’opinion l’inacceptable. Avec l’influence des conseillers en com’, dont l’objectif est l’opinion du votant, les juristes du Mackyland ne sont plus tenus au droit, mais au subterfuge juridique qui donne cohérence à l’opinion fourguée au votant. Les juristes du Mackyland ne sont pas des juristes du droit, mais des ajusteurs du droit à une idéologie du pouvoir qui les nourrit.
    2/ Macky arrivé au pouvoir, c’est l’outil qui se retrouve à la commande du pays. Tous les intellectuels de ce pays savent cette vérité. Mais le dire vous fait perdre les avantages que vous pourrez tirer de cette vérité.
    Prenons l’exemple d’un Moussa Félix Sow. Dans un discours politique, il peut lancer qu’il a des preuves de 430 milliards détournés et parqués dans des banques arabes. La fausseté se trouve dans le libellé même de l’affirmation. Mais puisque c’est le genre de discours qui plaisent au prince, c’est le genre de discours qui permettent de s’afficher dans les médias,et c’est cet affichage qui fait la célébrité qui engrange les millions (méditez sur l’exemple de Ouzin Keïta, beureung sa barigo),il arrive à taper dans l’œil du prince. Parce qu’il tient un discours qui va dans le sens du plaisir du prince (la véracité et le droit n’ont ici rien à voir). A y voir de plus près, qu’est ce qu’un Félix Sow a à y perdre ? A l’image des transhumants politiques, qui se permettent des libertés par rapport à leur idéologie, par rapport à l’éthique, pour être à côté du prince et se faire un peu de santé financière, les juristes du Mackyland aussi se permettent des libertés par rapport à leur sacerdoce pour les mêmes raisons. Et ils n’ont rien à perdre, si ce n’est l’éthique.
    Et c’est ça le malheur des princes. Les conseillers qu’ils entendent ont compris ce qu’il faut dire pour leur plaisir.

  2. « Ces deux documents étant vides et hors de propos, tout se passe comme si l’Etat du Sénégal avait été lâché par ses tonitruants avocats qui n’ont que l’injure à la bouche, à défaut d’arguments juridiques car on ne me fera pas croire qu’aucun de ces avocats grassement payés n’avait songé, un seul instant, inscrire dans son calepin ou sa tablette la date limite de dépôt de la réponse à la requête déposée par Karim Wade devant le Conseil des Droits de l’homme et son Groupe de travail sur la détention arbitraire. A moins qu’il ne s’agisse d’une astuce d’avocats sans arguments qui ont préféré laisser passer sagement les délais pour ne pas se couvrir de ridicule devant le monde entier. »
    C’est ça la vérité libérer KARIM WADE

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