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Le pèlerinage à Fez a changé la politique musulmane de la France en AOF selon le chercheur Bacary Sambe

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L’escale à Fès (Maroc) des pèlerins sénégalais en partance pour la Mecque a marqué un tournant dans la politique musulmane de la France en Afrique occidentale française (AOF), soutient le politologue et chercheur sénégalais Bakary Sambe, soulignant qu’en « sénégalisant » la mission d’encadrement des pèlerins, la puissance coloniale a cherché à diminuer ’’l’enjeu politique important’’ de ce séjour dans la capitale de la Tijânia.

« Le pèlerinage de 1954 marque un tournant dans la politique musulmane de la France en AOF, du moins à l’égard des chefs religieux. Un climat de confiance était ainsi en train de s’instaurer entre eux et les autorités coloniales qui misaient beaucoup sur leur +loyauté+ », a-t-il notamment soutenu dans un essai paru récemment au Maroc.

« Cette loyauté des marabouts était, de plus en plus, recherchée à un moment où les élites intellectuelles francophones étaient déjà surchauffées par le vent du nationalisme africain et largement influencées par les syndicats et partis de gauche métropolitains », a expliqué M. Sambe, docteur en sciences politiques et chercheur associé au Groupes de recherches sur la Méditerranée et le Moyen Orient (Lyon).

M. Sambe donne mardi à Dakar une conférence de presse à l’occasion de la sortie de son ouvrage intitulé « Islam et diplomatie : la politique africaine du Maroc ». Il est paru ce mois de juillet à Rabat aux éditions « Marsam ».

Selon l’auteur, ce procédé qui a permis d’intégrer des chefs religieux locaux dans la mission d’encadrement du pèlerinage « fut payant en ce qu’il permit de reconstituer le cadre confrérique local durant tout le trajet et pendant le séjour de plus en plus court au Maroc ».

« Cette politique d’encadrement se révéla efficace d’autant plus que les adeptes tijânis avaient, désormais, à leurs côtés, de hauts dignitaires locaux de leur confrérie, des sortes de médiateurs entre eux et l’administration coloniale », a-t-il ainsi souligné.

Les chefs militaires « indigènes » et les marabouts « loyaux » à la France intégrés dans la mission d’encadrement du pèlerinage devinrent, selon l’islamologue, « la caution morale des mesures de +tranquillité des fidèles+ de l’administration coloniale ».

Bakary Sambe revient dans son livre sur les tentatives d’isolement des fidèles sénégalais à Fès, dans le but d’éviter que ces derniers soient conquis par les « idées nationalistes de leurs coreligionnaires marocains », notamment les « Cheikh » (érudits).

« Tout un ensemble de stratégies était ainsi mis sur pied pour éviter un contact entre pèlerins sénégalais et marocains. Le séjour sur le sol marocain a été ingénieusement écourté’ », écrit-il.

« De surcroît, a-t-il fait remarquer, les pèlerins non Tijânis n’étaient pas autorisés, au début, à débarquer à Casablanca. Il a fallu de nombreuses années pour qu’on leur permette d’aller faire leurs courses ».

« Dans le but de les isoler des populations locales, a rappelé l’auteur, les pèlerins furent mis en quarantaine dans un lazaret et décrits aux Marocains comme étant des pestiférés et que certains d’entre aux présentaient des symptômes de la variole, maladie contagieuse alors très redoutée dans le pays ».
aps.sn

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