Chez les membres de la famille de Tamsir Faye, c’est avec dignité qu’on vit cette épreuve qui s’est abattue sur le consul général du Sénégal à Marseille. Gnilane Diouf, mère de l’infortuné jeune diplomate, estime que son fils est loin de l’image à travers laquelle il est peint depuis quelques semaines. Gnilane Diouf qui s’est confiée à «L’As» réfute la thèse selon laquelle Tamsir Faye a voulu se suicider.
Mboudayka. Il est 17 heures. Dans ce populeux quartier, les rues sont presque désertes en cette après-midi. Ici, il est quasiment impossible de dénicher la maison familiale du consul général du Sénégal à Marseille dont la réputation est ternie depuis quelques jours par une sombre affaire d’ivresse publique. On a l’impression que les gens se sont accordés à ne pas parler à un inconnu et à ne pas indiquer la demeure des Faye. Après plusieurs détours, nous sommes parvenus enfin à retrouver la maison familiale du jeune diplomate en poste à Marseille. Sur les lieux, les visages sont affectés et les regards tristes. La jeune fille qui nous reçoit à l’entrée de la demeure se veut claire, les journalistes ne sont pas les bienvenus. «La maman est en train de prier, elle ne sera disponible qu’après vingt heures. Revenez demain si vous voulez», lance-t-elle, d’un ton ferme. Quelques secondes, elle se ravise et se décide enfin à avertir sa tante qui sort de sa chambre, chapelet à la main. Après les salamalecs d’usage, la dame nous invite dans sa chambre. C’est Gnilane Diouf, mère de Tamsir Faye.
L’affaire, qui met son fils sous le feu incandescent des projecteurs et ternit sa réputation, la laisse imperturbable. «Je suis très sereine. Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent, ils peuvent caricaturer mon Tamsir, l’insulter, le diffamer mais ils n’arriveront jamais à le transformer en une mauvaise personne», déclare-t-elle d’entrée. Pour Gnilane Diouf, son fils n’est ni ivrogne ni drogué. «Les gens racontent n’importe quoi. Je n’ai jamais vu Tamsir avec une cigarette, encore moins boire de l’alcool, c’est inimaginable. Chaque fois que je lui parle au téléphone, je lui rappelle ses origines pour qu’il ne verse pas dans la déviance, bien que je sache qu’il n’est pas du genre à adopter certains comportements. Tamsir est un homme responsable, discipliné et beaucoup attaché à ses valeurs. Ce n’est pas parce que c’est mon fils que je le dis, mais Tamsir est une référence. Il n’est pas capable de faire ce dont on l’accuse», sérine-t-elle. Et d’ajouter : «Voyez-vous cette natte de prière ? Je me suis levée de cette natte pour vous parler, donc je ne dirai jamais de contre-vérités juste pour protéger mon fils».
La mine défaite, Gnilane Diouf dément par ailleurs la thèse selon laquelle son fils a voulu se suicider. «Mon fils est homme digne, un véritable homme, un Sérère. Un homme ne se suicide pas», clame-t-elle. Elle estime que son fils croit en Dieu et à la volonté divine. «On s’est parlé ce matin. Il m’a dit : «Maman reste sereine, tu me connais et tu sais que jamais je ne ferai ce dont on m’accuse. Continue à me faire confiance, car je ne te décevrai jamais», conclut-elle.
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AFFAIRE TAMSIR FAYE : La mort de l’Etat (Justin Ndiaye)
« Sans enquête, on n’a pas droit à la parole » écrivit le Grand Timonier chinois Mao Tsé Toung (MaoZedong). Voilà pourquoi mon laconisme est strict sur la personne de Tamsir Faye qui m’est aussi étrangère qu’un druze vivant sur le plateau du Golan. Davantage de silence précautionneux sur un procès-verbal de la police marseillaise qui se trouve hors de portée de mes yeux. En revanche, le charivari politico-médiatique, le dysfonctionnement assourdissant – voire la panne sonore de la tutelle – sont fâcheusement liquéfiants pour l’Etat du Sénégal qui n’est pas l’Etat de l’APR, encore moins la chasse gardée d’une coterie de copains et de coquins cultivant une solidarité quasi-maçonnique.
Avant de sauver le soldat Tamsir Faye (en l’occurrence le Consul général) il faut, en priorité absolue, assurer – sans à-coups ni accrocs – le fonctionnement régulier du magma d’institutions qui régissent la vie gouvernementale. Car l’injustice est préférable au désordre. En effet, l’injustice (affreuse et inacceptable soit-elle) peut être corrigée dans un laps de temps raisonnable. Par contre, dès que la pagaille d’Etat s’installe, elle signe l’arrêt de mort de la bonne gouvernance, sinon de la gouvernance tout court. Et, à la limite, hypothèque la viabilité du pays. En clair, Tamsir Faye doit faire ses valises et rentrer sur Dakar. Quitte à être redéployé au…Timor Oriental. Un Etat ne capitule pas devant le chantage du « Marseille ou la morgue ».
L’argument suivant lequel le sort de Tamsir Faye ne peut être scellé que par un décret du Président Macky Sall (seul Sénégalais doté de telles prérogatives constitutionnalisées) est plus biaisé que bon ; plus manœuvrier que sincère. On convoque ici une évidence pour en faire un écran sauveur. Or, il est clair que les prérogatives du chef de l’Etat sont aussi compactes que morcelées puis distribuées. Si l’on colle fanatiquement à la théorie des tenants du décret présidentiel, indispensable en tout temps et toutes circonstances, le Gouverneur de Tambacounda ne sera plus convenablement obéi par les sous-préfets de Bala et de Kidira ; l’ambassadeur du Sénégal à Rabat ne sera point respecté par le Colonel attaché de Défense au Maroc et le ministre des Finances n’aura plus barre sur le Trésorier payeur de Diourbel. En un mot, si le cas du Consul Faye n’est pas traité de façon chirurgicale, c’est-à-dire par l’ablation, ce sera le chant du cygne de l’Etat. D’ores et déjà, le tam-tam funèbre de l’Etat résonne.
L’évolution de l’affaire Tamsir Faye est d’autant plus navrante et inquiétante qu’elle est polluée, sans cesse, par des initiatives, des irruptions et des postures effarantes. En voici quelques aperçus : l’APR de la Diaspora a apporté son soutien au Consul en difficulté, les Sénégalais de Marseille ont fait corps avec leur Consul sur la sellette et, enfin, le Secrétaire d’Etat Souleymane Jules Diop (l’autre composante de la tutelle) a exprimé un point de vue aussi percutant et remuant qu’un électrochoc sur le corps d’un épileptique terrassé par une sévère crise. Du reste, le rappel de l’escapade inénarrable du ministre Mankeur Ndiaye ne peut avoir qu’une portée limitée ; parce que – fort justement – une anomalie antérieurement non sanctionnée ne saurait justifier l’avènement du printemps ou du festival des bévues d’Etat. Il s’y ajoute qu’en faisant le parallèle entre deux frasques (celle d’hier et celle d’aujourd’hui) on donne publiquement une leçon de décision au chef de l’Etat. Ce que doit s’interdire tout ministre ou Secrétaire d’Etat.
Au demeurant, il est inadmissible que l’APR se mêle du pilotage de l’appareil diplomatique. Sous les régimes des Présidents Senghor et Diouf, l‘UPS-PS n’a jamais émis bruyamment un avis de cette nature. Léopold Sédar Senghor étant assez féru d’organisation et assez imbu de méthode pour accepter que le Parti et l’Etat s’entrelacent puis se neutralisent. Même, en assumant de manière cumulative les fonctions de chef de l’Etat et les responsabilités de Secrétaire général du Parti, Abdou Diouf et son illustre prédécesseur ont toujours su construire une barrière (presque étanche) de démarcation entre les deux. Il se trouve, maintenant,que la Diaspora (réservoir d’électeurs très ciblés par le fondateur et leader de l’APR) est perpétuellement caressée dans le sens du poil électoral. Conséquence : elle squatte, sans aucune gêne, les démembrements extérieurs de l’Etat.
Quant au numéro deux des Affaires Etrangères (Souleymane Jules Diop charnellement attaché à « ses » Sénégalais de l’Extérieur et probablement très informé sur l’affaire Tamsir Faye) il possède deux « murs de lamentations et de protestations » immédiats que sont le Président de la république et le Premier ministre. Et non Facebook qui ne figure pas dans l’organigramme de l’Etat. Dans cet ordre d’idées, on se demande où est le Premier ministre qui officiellement consulte puis soumet la liste des membres du gouvernement au Président de la république ? Est-il Premier ministre ou premier d’entre les ministres ? Dans un pays où prévaut l’orthodoxie, un tel problème serait résoluadéquatement (sans ratés ni retards) aux échelons successifs et appropriés.
Inévitablement, l’enlisement braque les projecteurs sur le style de gouvernance kafkaïenne du Président de la république. Rapide sur un dossier aussi épineux que le Yémen, Macky Sall se montre étonnamment lent sur la détente, par rapport à la petite histoire d’un Consul de province qui doit faire de l’ouvrage de l’ex-ambassadeur et nouvel académicien Jean-Christophe Rufin, son livre de chevet : « La diplomatie est un art qui requiert une si constante dignité, tant de majesté dans le maintien et tant de calme qu’elle est fort peu compatible avec la précipitation et l’effort dans le travail ». Une mission presque impossible. (Jean-Christophe Rufin dans son bouquin intitulé : L’Abyssin)
N’empêche, des hommes et des femmes venus des horizons et des corps de métiers les plus différents ont réussi dans la diplomatie. Des diplomates de carrière y ont rivalisé de valeurs, de mérites et de succès, avec des non diplomates. Pour rappel, l’ancien Président François Mitterrand avait nommé successivement l’Amiral Lanxade et le journaliste Eric Rouleau (une icône de la rédaction du journal Le Monde) ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires en Tunisie. De son côté, le Président Kennedy avait désigné le célèbre économiste John Kenneth Galbraith comme son Représentant en Inde, au début des années 60. Chez nous, le saint-louisien et syndicaliste Latyr Camara, inamovible ambassadeur du Sénégal en Ethiopie, avait fait un parcours remarquable et remarqué, avant de tirer sa révérence