Créée il y a juste 3 mois, l’Association Made in west Africa compte déjà une centaine de membres. L’objectif que s’est fixée cette association est plus qu’ambitieux. Il va au-delà du simple panafricanisme jadis posé par les pères africains au soleil des indépendances. Miwa fonde ses actions sur une nouvelle conscience citoyenne et économique des consommateurs.
D’où est partie l’idée de créer le Miwa ?
Le Miwa est parti de l’initiative commune de deux personnes, Ibrahima Diallo, le président, et moi-même, le secrétaire général. On s’est connu au Canada où nous étions tous les deux enseignants à l’université. Il arrivait très souvent durant nos heures de pause de se croiser et de discuter d’un certain nombre de questions, y compris celles politiques, voire économiques du Sénégal. Mais en ce moment, il n’y avait pas de projet commun qu’on avait nourri. C’est complètement par hasard qu’on s’est retrouvé au Sénégal deux ans plus tard. Il m’a proposé un verre par élan de sociabilité, en me disant «moi je n’ai que du bissap, du gingembre, du thé,…». Je lui ai fait comprendre que j’épousais les mêmes modes de consommation. Et on a vu qu’il y avait un intérêt commun et des convergences très fortes autour de ces questions. C’est de là que l’idée de créer cette association nous est venue. Et depuis maintenant trois mois qu’elle existe, plusieurs acteurs, collègues et autres agents du ministère nous ont fort heureusement rejoints.
Dans quel but Miwa a été créé et quel est son objectif ?
Le panafricanisme est un vœu pieux. Il y a eu de belles intentions, mais c’est resté lettre morte. Jusque-là, les projets des pionniers n’ont pas abouti. Nous pensons qu’il en est ainsi, parce que les attitudes, les discours et les opinions politiques dominent les approches sur le panafricanisme. Nous pensons qu’il est peut-être temps de renverser la perspective. Miwa milite dans ce sens pour un renversement de paradigmes et compte passer par l’économie pour accéder à ce changement. Le panafricanisme se fera par l’économie, sinon il ne se fera pas.
Quel type de panafricanisme préconisez-vous ?
Le panafricanisme ne doit être ni de gauche ni de droite. Il ne doit pas être perçu comme une idéologie, mais comme une ingénierie à même d’impulser le développement économique intégré de nos pays balkanisés en comptant sur nos propres forces.
Comment comptez-vous vous y prendre pour renverser la tendance et impulser un développement ?
Pour nous, les décideurs, les bailleurs, les acteurs de terrain, les chercheurs etc. doivent travailler ensemble pour renverser la tendance. Nos pays souffrent des taux de pénétration des produits et services étrangers qui dépassent les 70%. On ne peut pas émerger et espérer un développement avec une telle extraversion de nos modes de consommation.
Miwa œuvre-t-il simplement dans le domaine alimentaire ?
Miwa dépasse bien évidemment tout cela. Très souvent, les associations, les Ong qui ont milité autour des mêmes enjeux que nous se sont un peu trop concentrées sur les questions alimentaires. Or Miwa embrasse les services, tout type de produits sénégalais et même les produits intellectuels. Nous voulons les promouvoir tout en comptant sur nos propres forces. Il y a d’autres projets qui ont germé au cours de cette résidence d’écriture. Par exemple, l’idée de faire la route du mil… On veut aussi aller vers la certification et la labellisation de produits locaux. Sensibiliser davantage nos décideurs. L’expérience l’a prouvé dans le secteur artisanal par exemple. Les études montrent qu’avec seulement une dizaine de commandes, un atelier de menuiserie fonctionne toute l’année. Or, on le sait, nos menuisiers sont dans une situation extrêmement difficile et délicate au Sénégal, parce que les commandes publiques et privées se font très souvent pour des meubles qui nous viennent de Doubaï etc. On nourrit les ouvriers et les entreprises étrangères au détriment de nos propres ouvriers.
Vous préconisez alors le made in Sénégal ?
Oui, l’objectif de cette résidence d’écriture est d’aboutir à l’élaboration du premier ouvrage scientifique sur la problématique précise de l’effet made in Sénégal (Ndlr : l’intitulé de l’ouvrage). On compte le faire paraître lors du premier trimestre de l’année 2016 et on espère qu’il contribuera à faire émerger une nouvelle conscience politique et citoyenne autour du patrimoine économique.
Qu’est-ce qui a motivé le choix porté sur Yène ?
L’une des fortes préoccupations de Miwa est de faire une articulation entre le travail que mènent des chercheurs, des intellectuels et experts à un dialogue avec les collectivités territoriales et populations. On a rapidement eu une forme d’intelligence avec la mairie de Yène qui nous a accueillis pour une séance de travail où nous avons pu faire un diagnostique territorial de la région qui va donner lieux à une brochure sur Yène. Cette brochure va aider cette mairie à se positionner sur un certain nombre de projets et d’appels à projets.
Qui sont vos partenaires dans cette lutte pour le made in Sénégal ?
Il est important à souligner que nous avons eu à travailler avec la fondation Rosa Luxembourg qui a intégralement financé la résidence d’écriture. Il y a également Slow food, une Ong internationale qui travaille dans la promotion des produits bons, justes et sains. Ils tiennent une petite organisation à Saint-Louis, le Convivium, et promeuvent une nouvelle conscience citoyenne.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Ce qui est fait à Yène doit être étendu à d’autres territoires. Il y a déjà une très forte demande. M. Benjelloun qui travaille dans la commune de Gandiole entend déjà nouer une collaboration avec l’association pour permettre à un autre diagnostic territorial et la confection d’une autre brochure pour cette collectivité. Je veux faire de même pour Kébémer, entre autres. Il y a déjà un travail qui se fait dans les régions et avec les régions… On s’étend déjà à l’intérieur du pays et il y a beaucoup de projets que nous comptons dérouler. L’expérience a montré que la politique de la main tendue ne marche pas. Il nous faut prendre en charge notre propre destin.