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Transformation des céréales – Des femmes de Yeumbeul tirent leur épingle du jeu

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XALIMA NEWS – La transformation des céréales locales comme le mil en couscous et autres produits dérivés, est devenue une des principales activités des Groupements d’intérêt économique (Gie) féminins. A Yeumbeul, le Gie Ndajé 2 s’active dans ce domaine, en veillant aux normes d’hygiène et de qualité pour dominer la concurrence. Respectueuses des normes d’hygiène et reconnues avec la certification Fra décernée par l’Ucad, ces femmes veulent aller à la conquête du marché européen.

Sur une large natte étalée au milieu de la grande salle de la Maison des femmes de Yeumbeul, les huit membres du Groupement d’intérêt économique (Gie) Ndajé 2 sont assises, un grand bol entre les mains. Elles arborent des blouses bleues, ont la tête couverte, les pieds nus et ont le nez couvert de masque. Une main plonge dans un récipient, se saisit d’une poignée de farine de mil et la roule sur les rebords.

Au fil de l’opération, des boulettes, appelées en wolof « araw », se forment. Un seau contenant de l’eau de javel est disposé à proximité de chaque travailleuse et, de temps en temps, elles en aspergent la bolée pour l’humidifier.

Se laver les mains à l’eau?de javel?

Une fois les boulettes formées, la deuxième étape consiste à séparer le sous-produit qui servira à la préparation du couscous de celui qui deviendra du « thiakri »(couscous aux grains plus gros et consommé avec du lait). Pour ce faire, deux tamis, dont les mailles sont de diamètres distincts, sont utilisés : le tamis fin pour la préparation du couscous et celui de diamètre plus grand pour le « thiakri ». Les transformatrices agitent les tamis. Le grain qui n’a pas traversé le tamis est reversé dans le bol pour être retravaillé.

Ensuite, il est repassé aux mailles jusqu’à ce qu’il ait le diamètre requis pour les traverser. L’objectif est de produire 50 kg de couscous et 20 kg de « thiakri» pour la journée. La dextérité de leurs gestes est le fruit de six ans de pratique de la transformation. Rien qu’à les entendre travailler, la passion pour cette activité transparaît.

« A qui est cette farine ?», demande Coumba Fall, la travailleuse la plus avancée dans l’ouvrage, en désignant une petite marmite. « C’est la part de Awa Mbodj (ndlr : la présidente») » répond sa collègue Khoudia Sarr. Les femmes se sont partagé la tâche avec, pour chacune, le contenu de neuf tamis à traiter.

Le groupe qui doit travailler ce mardi est composé de douze éléments mais, des quatre absentes, les trois sont excusées (pour veuvage et maladie). Awa Mbodj, elle, devra s’acquitter de sa tâche une fois sur les lieux.

De temps en temps, un intrus pénètre dans la salle, une tasse de café et un morceau de pain dans les mains. La plupart des transformatrices habitant dans les parages, préfèrent commencer le travail avant de sacrifier au rituel du petit déjeuner.

Une cliente : « ma tante m’a conseillé votre Gie »

?Ayant reçu son repas, Khoudia Sarr invite ses collègues à partager, ce qui donne lieu à un échange de quolibets empreint du cousinage à plaisanterie sénégalais. Ce moment de détente est interrompu par l’irruption de deux jeunes filles. Kari et son accompagnatrice viennent de Guédiawaye pour commander 30 kg de couscous pour les funérailles d’un parent. « Je dois aller à la messe aujourd’hui, pouvez-vous me le livrer chez moi ? », demande la cliente.

Après maintes explications sur la maison mortuaire et les conditions du transport (qui se fera aux frais de l’acheteuse, après livraison), Kari verse les 19.500 FCfa de la commande. « Ma tante qui avait bénéficié de vos services lors de son mariage, m’a conseillé votre Gie », révèle-t-elle à ses fournisseuses. « Ne vous en faites pas, avant 18 heures, tout sera livré. Vous ne regretterez pas d’être venue jusqu’ici », la rassure Khoudia.

C’est à ce moment qu’Awa Mbodj, la présidente de la filière céréales locales, arrive. Cette femme d’une cinquantaine d’années, de constitution robuste, est à la fois énergique et très sereine dans ses gestes. Elle est briefée sur l’opération en cours par Khoudia qui lui remet en même temps l’argent de la commande. La dirigeante s’enquiert d’un détail : « Quand viendra le vendeur de « laalo » (ndlr : poudre utilisée pour faciliter la déglutition du couscous) ? ».

« Il viendra aujourd’hui bien avant 18 h » précise Fatoumata Faye, pour rassurer Mme Mbodj sur le respect du délai de livraison. Après avoir pris les numéros de la présidente du Gie et celui de Khoudia, la vendeuse permanente, Kari et son accompagnatrice prennent congé, sur les prières pour le repos éternel du défunt, formulées par les productrices.

Des commandes venant?de partout?

« Nous recevons des commandes des Parcelles, de Ouakam et de partout dans Dakar », s’enorgueillit Awa Mbodj, vantant le mérite des produits que Ndajé 2 met sur le marché, tout en se dirigeant vers le seau d’eau de javel (opération nécessaire avant de toucher à la farine).

Elle ajoute : « La preuve, c’est que les boutiques, ravitaillées par des vendeuses de couscous, vendent le kilogramme à 450 FCfa ou 500 FCfa alors que nous les concurrençons en proposant les mêmes produits à 600 FCfa le kilogramme ».

En effet, les opérations de triage, de vannage, de tamisages répétitifs épargnent à leurs clients la désagréable surprise de trouver des impuretés dans les céréales (caillous, brins d’herbes), chose assez fréquente pour les produits de la concurrence. L’usage de l’eau de javel d’un bout à l’autre de la chaîne de fabrication, le conditionnement des produits finis sont des compétences qu’elles ont acquises d’une formation diplômante de l’Ong Enda en 2009.

La plupart des travailleuses ont terminé la tâche. Seule la dernière venue, Mme Mbodj, avait encore à faire et Coumba Fall s’est proposeé pour l’aider. Elles s’affairent encore autour des bols. Fatoumata Faye et Seynabou Faye sont chargées de la dernière opération de la journée : la vaporisation. Sur un foyer de bois, une marmite supporte un récipient contenant la farine granulée. D’ici à une heure d’horloge, il ne restera plus qu’à mélanger le couscous refroidi avec le « laalo » pour qu’il soit prêt à être livré.

14.000 FCfa de bénéfice?pour 50 kilos vendus?

Pour 50 kilos vendus, quel que soit le produit, près de 14.000 FCfa de bénéfices sont réalisés. Un profit englouti par « les charges de fonctionnement et l’investissement en matériels » se plaint Mme Mbodj qui, montrant le bol en plastique cassé avec lequel elle travaille, lance : « Ce bol, il me faudra le changer à la findumois!».

L’équation de l’approvisonnement

Les moyens financiers limités du?Gie pèsent sur la?bonne maîtrise de?la chaîne d’approvisionnement en céréales locales. « Si?nous avions les?moyens d’acheter?directement à partir?des champs, nos?produits reviendraient beaucoup?moins chers », déclare Awa Mbodj. Elle note aussi qu’elles auraient pu disposer de trois mois de stock en prévision de l’hivernage pour éviter que les intempéries n’anéantissent le fruit d’une semaine de labeur, mis à sécher sur le toit.

A la recherche de partenaires pour exporter vers l’Europe

La présidente du Gie Ndajé 2, Ndeye Warka Gueye est en quête de solutions pour aller à la conquête du marché européen, selon la permanente et chargée des ventes, Khoudia Sarr : « si elle (la présidente) réussit à décrocher des partenaires, nous pourrons exporter les céréales vers l’Europe, vu que nous disposons de la certification Fra du laboratoire de l’Ucad ».

Et pourtant, la mention « Fra », qui atteste de la qualité du produit, ne figure pas sur les emballages des produits qui sont vierges. La production d’emballages personnalisés avec logo et mention « Fra » coûte 750.000 FCfa, une somme « hors de portée » de l’organisation, explique sa présidente, Awa Mbodj.

L’achat en grande quantité à partir de l’intérieur du pays, l’ouverture de la boutique, la confection d’emballages personnalisés, l’exportation vers l’Europe, tels sont les défis actuels du groupement.

Le Soleil

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