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Témoignages des victimes directes au procès Habré : «On enterrait 2 ou 3 corps par jour»

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Le procès de l’ancien Président du Tchad entre dans une nouvelle phase. Hier, c’était le passage des victimes directes constituées parties civiles. Garba Akhaye et Ahmat Maki Outman ont livré leur témoignage à la Cour. Ils ont décrit les conditions de leur détention et les traitements «inhumains» dont ils étaient victimes.

La vie carcérale de Garba Akhaye a été un véritable calvaire. Ce témoin qui s’est constitué partie civile dans ce procès est revenu amplement sur les raisons de son arrestation par les agents de la Dds et les conditions de sa détention pendant le règne de Habré. «J’ai été arrêté le 11 juin 1986 à minuit dans mon village par trois agents. J’ai été conduit à Ndjamena, puis à la Dds où j’ai passé la nuit. Ils m’ont demandé si j’avais vu le bétail d’un commerçant réfugié au Cameroun. Quand j’ai répondu par la négative, ils m’ont battu avec leurs fusils et m’ont mis à terre en liant mes pieds et mes bras. Ils me battaient avec des chicottes en me disant de dire la vérité. J’ai subi l’‘’Arbatacha’’», se plaint-il avant de montrer à la Cour les séquelles. Le supplice n’était pas terminé, selon les explications du plaignant qui ajoute avoir reçu des décharges électriques sur la tête et les orteils jusqu’à évanouissement. «Je me suis réveillé dans une petite cellule avec quatre codétenus où je suis resté pendant 6 mois», relate-t-il.

Garba Akhaye est par la suite transféré à la prison dite des «Locaux». Là, reconnaît-il, les conditions de vie s’étaient un peu améliorées. En plus de son statut de détenu, il était cuisinier et préparait à manger aux 3 250 prisonniers. Garba a été aussi un fossoyeur avec Sabadet, Clément Abaifouta et Ngarba Ousman. «Si quelqu’un mourait en prison, nous étions chargés de procéder à son enterrement. On mettait les cadavres dans des sacs de riz vides et les transportait à l’aide de la 4X4 bâchée au cimetière de Hamral-Goz. On sortait 2 à 3 cadavres par jour sauf les vendredis», raconte-t-il.

«Les agents de la Dds étaient des anges de la mort, Habré Dieu»
Le témoin qui a recouvré la liberté après le référendum de 1989 après 2 ans 5 mois passés en prison a gardé de son emprisonnement de mauvais souvenirs. Il a devant la barre assimilé les ex-agents de la Dds à des anges de la mort et Hissein Habré à Dieu. Revenant sur les exécutions sommaires, il évoque les visites nocturnes de Abakar Torbo, Sambo, Abba Moussa Doulguei et Adji. «Ces derniers ouvraient les cellules vers minuit-une heure du matin, ils prenaient une fiche et procédaient à l’appel. Deux ou trois personnes étaient extraites des cellules et mises dans une voiture 4X4 bâchée et on ne les voyait plus», révèle-t-il. Selon ses dires, la moitié de la population a été maltraitée sous le régime de l’ancien Président du Tchad.
Revenant sur les détails d’une scène de torture, il relève une des pratiques des agents de la Dds consistant à mettre des fils électriques dans les seins et les parties intimes des femmes. Le comble dans cette maltraitance était qu’au moment de leur libération, les agents de la Dds leur faisaient prêter serment sur le Coran. «Vous n’avez rien vu, ni entendu», ordonnaient les agents de la Dds.

Polémique entre le témoin Ahmat Maki Outman et Me Balal de la défense
Auparavant, Ahmat Maki Outman, un Adjarai, a donné sa version des faits sur la répression des frères et proches de Maldou Bada Abas et de Haroun Gody, suite à leur rébellion contre le régime de Habré en 1987 dans la région du Guera. En représailles à ces deux opposants de l’ex-homme fort du Tchad, un détachement de la sécurité présidentielle conduit par Mahamat Saker Bidon avait assiégé la région du Guera. Deux jours après, les arrestations avaient commencé. «Saleh Ngaba, journaliste à l’époque, a été le premier à être arrêté à Moundou. C’est Hassan Djamous, commandant en chef de l’Armée tchadienne, qui est venu procéder à son transfèrement sur Ndjamena par avion», révèle le plaignant devant la barre. Ensuite, raconte-t-il, c’était les missionnaires protestants qui étaient visés. «Une douzaine d’entre elles avaient été arrêtées avec l’aide de la milice populaire. Elles ont été battues, torturées et exécutées au pied de la montagne de Madia, deux jours seulement après leur arrestation. Quant à moi, j’ai été arrêté suite à ces évènements dans les locaux de la maison des ex-combattants où j’ai subi des tortures pendant 11 jours. J’en garde les séquelles jusqu’à présent. Et à cette époque, j’avais seulement 19 ans», indique-t-il. Des séquelles au dos qu’il a montrées aux différentes parties au procès. Me Balal de la défense regarde et commente : «Cela peut aussi être des scarifications comme le font certaines coutumes.» La victime se fâche et déclare : «Si vous estimez que ce sont des scarifications, cela n’engage que vous. J’ai la foi et ce que je dis ici, je le dirai devant Dieu», tonne-t-il coléreux.

Le Quotidien

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