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Financements structures: une menace pour la dette publique

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Le redressement progressif amorcé par l’économie sénégalaise, après deux ans de contraction consécutive à la crise économique mondiale risque de s’estomper, s’il n’est pas mis fin aux investissements peu orthodoxes et sans études de rentabilité dans des domaines non prioritaires ainsi qu’aux recours faciles et fréquents aux emprunts privés effectués par le ministère dirigé par Karim Wade.

Le déficit budgétaire du Sénégal d’un taux de 5,1% avait fortement retenu l’attention de la mission du Fond monétaire international conduite par Norbert Funke, chef de division Western 1 du département Afrique qui a bouclé sa cinquième revue de l’Instrument de soutien à la politique économique (Ispe) et la troisième facilité de protection contre les chocs exogènes (Fce) au Sénégal. En dépit du redressement du taux de croissance et des investissements publics, la baisse du taux d’inflation, la mission a regretté le non respect de l’objectif fixé pour le déficit budgétaire qui s’explique entre autre par la hausse des dépenses courantes et des dépenses non prioritaires. Aussi la délégation du Fmi n’avait elle pas manqué de demander l’accélération des réformes dans les secteurs de la gouvernance financière, l’amélioration de l’environnement des affaires et de contenir les dépenses prioritaires « grâce à une saine gestion des finances publiques ».

La délégation a en outre prévenu les autorités sénégalaises contre « les changements de politique économique par opportunisme politique qui pourraient aussi ternir les perspectives de croissance du pays ». Ce qu’on savait moins c’est que cette adresse était surtout faite en direction du ministre Karim Wade que l’institution financière avait retenu l’idée de mettre sous surveillance à cause de ses possibilités de travailler en dehors du cadre défini par les bailleurs.

LES ETUDES DE RENTABILITE DESORMAIS OBLIGATOIRES

Mais, la fin de l’Ispe qui doit intervenir en novembre 2010 suscite des interrogations au sein du ministère de l’Economie et des Finances où certains fonctionnaires craignent que les comportements très peu orthodoxes en matière de gestion de ressources publiques ne fassent leur retour et ne sapent les efforts fournis pour arriver au redressement progressif de l’économie. Aussi exigent-t-ils que le Sénégal signe un nouveau programme cadre.

Le secteur des infrastructures a également suscité des inquiétudes sérieuses quant à l’orthodoxie des pratiques et la rentabilité. A cette fin, l’Ispe a insisté sur la nécessité de procéder désormais à des études de rentabilité des investissements avant de prendre des décisions qui fixent des priorités et secteurs dans les quels elles doivent être réalisées. Selon nos sources, cette méfiance jetée sur les pratiques trouve son origine dans les investissements extrêmement lourds dans le cadre de l’Anoci qui se sont déroulés « sans cohérence et sans qu’aucun calcul de rentabilité ne soit établi ».

C’est ainsi que la délégation a recommandé aux autorités sénégalaises de procéder à des réalisations d’études de rentabilité. Ce que confirme d’ailleurs les services du Fmi dans leur rapport disponible sur le site de la Dpee :« Les projets d’investissement devraient être choisis et leur degré de priorité défini en fonction d’analyses rigoureuses de leurs coûts et avantages économiques. Des évaluations soigneuses, notamment une analyse des coûts de maintenance, faciliteraient la sélection des projets les plus rentables et rehausseraient la productivité des dépenses publiques ».

SUSPICION SUR LE MICATTI

Rien de surprenant donc à ce que à ce que le Ministère de la coopération internationale, des infrastructures, de l’aménagement du territoire et des transports aériens (Micatti) suscite la suspicion de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (Fmi) qui ont demandé à ce que ces études soient exécutées par des organes indépendants comme la Banque mondiale. Se pose par ailleurs le problème des financements structurés gérés par le Micatti auxquels la délégation du Fmi s’est également intéressée. La gestion de ces financements a été confiée au Micatti par le président de la République pour pouvoir emprunter des fonds privés sur le marché financier international qui peuvent être dépensés en dehors des contraintes de la dette publique imposée par la Banque mondiale.

Les financements structurés sont une traduction impropre de l’expression anglaise structures finances. C’est la première fois qu’ils sont introduits dans le financement de notre économie. Rappelons que c’est le recours à ces fonds qui a sérieusement déstructuré le marché financier international à cause des pratiques douteuses et du manque de contrôle absolu qui modifie leur mouvement et leur utilisation au plan international. Par ailleurs, la délégation du Fmi et du gouvernement sénégalais ont passé à la loupe la question de l’endettement.

D’après nos sources, la position des institutions financières est qu’il n’est pas question, au nom d’un partenariat public privé d’endetter les générations futures à des coûts inacceptables qui peuvent dans de tels cas inclure le paiement de commissions opaques et ruineuses pour l’économie nationale des pays en développement comme le nôtre. Les bailleurs ont ainsi exigé que de tels prêts contractés à partir de financements structurés et que seul Karim Wade est autorisé à mobiliser fassent l’objet d’une autorisation du Fmi. Aussi n’ont-ils pas manqué de préconiser que les emprunts concessionnels du Sénégal restent liés à des projets spécifiques qui ont été jugés économiquement rentables par un organisme de bonne réputation.

FINANCEMENTS STRUCTURES DESTRUCTURANTS

Au regard de toutes ces suspicions, on est arrivé à penser, au regard des infrastructures construites, que des sommes colossales ont été engagées, que des domaines prioritaires n’ont pas été visés et que les financements n’ont pas obéi aux règles de transparence et de bonne gestion minimale. Autre inquiétude également soulevée, certains qui ont participé aux travaux se sont étonnés que l’assainissement soit désormais rattaché à l’aménagement du territoire quand on sait que l’hydraulique est le lieu naturel d’accueil de ce domaine prioritaire d’urbanisation.

Avec des investissements de 250 à 500 milliards prévus dans les années à venir, le secteur semble aiguiser bien des appétits. Le président de la République a décidé que tous les investissements devraient être opérés par le Micatti dirigé par son fils Karim Wade. Seulement, les spécialistes considèrent que l’aménagement du territoire est une planification spatiale des activités de développement mais non un lieu d’exécution de celle-ci. Certains n’ont pas hésité à penser qu’il s’agit là d’un moyen de renforcement des mécanismes de la monarchisation du pouvoir.

La délégation du Fmi a considéré par les décisions qu’elle veut imposer au Sénégal que des dérives graves peuvent être notées dans la gestion des finances publiques. Celle-ci craint surtout une explosion de la dette publique et un recours trop facile aux fonds privés qui pourront à terme compromettre les grands équilibres macroéconomiques. Raison pour laquelle, dans la conclusion de leur rapport, les services du Fmi ont fait remarquer, qu’en dépit du risque de surendettement faible, « la viabilité de la dette extérieure publique ou garantie par l’État semble vulnérable à une détérioration permanente des conditions d’emprunt du Sénégal. Ceci rend d’autant plus nécessaire une gestion prudente de la dette par les autorités sénégalaises qu’elles se fixent pour objectif de recourir de plus en plus à des ressources extérieures aux conditions du marché ». Surtout si le déficit budgétaire se maintient à son niveau de 2010.

Pour rappel, le Sénégal bénéficie de l’Ispe depuis 2007. Composante non financière qui s’achève en novembre 2010, l’Ispe est un programme qui vise essentiellement « à appliquer une politique budgétaire prudente y compris éviter de nouveaux retards de paiement, à renforcer la gouvernance et la transparence (…) ». Quant à la Facilité de protection contre les chocs exogènes (Fce) qui a pris fin en juin 2010, d’une durée de 18 mois, elle a fourni au Sénégal une aide financière de près de 180 millions de dollars us, soit 90 milliards de FCFA pour faire face aux perturbations internes.

Mamby DIOUF

lagazette.sn

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