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En defense de Lamine Diack Par Adama GAYE*

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Photo: Adama Gaye et Sebastian Coe pendant la campagne pour les Jo 2012. (Dr)
Dans un pays ou les scandales se suivent a un rythme d’enfer, ces temps-ci, celui qui concerne le president dechu de la Federation internationale d’athletisme (IAAF) n’en est qu’un de plus. Sauf que le personnage implique lui donne un tonus -donc un interet- particuliers. On sait deja pourquoi et comment la bande qui entourait Diack, a commencer par son encombrant et intriguant fils, Massata, a joue un role decisif dans sa descente brutale de son piedestal ou il ne pourra plus jamais remonter. Rien de nouveau sous ce soleil: les judas les plus dangereux se recrutent chez les… »amis ». Pour s’etre entoure lui meme de gens peu recommendables malgre leur apparence, Diack a contribue a nouer la corde que ses bourreaux judiciaires parisiens sont prets a lui enfiler au cou. Il est d’ailleurs le premier a admettre sa propre part de responsabilite dans la tragedie qui l’engloutit en ce moment, avec sa mise en examen, grosse d’une possible inculpation prochaine. Comme disent les americains, lorsqu’ils evoquent le role de leur President dans les affaires essentielles de leur nation:  »The Bucks stops on his desk’‘.
Toutes proportions gardees, c’est a Lamine Diack, et a nul autre, que revient la principale part dans la creation de cette mer de suspicion sur le point de l’engloutir alors qu’il aurait pu finir sa belle vie professionnelle sur les chapeaux de roue. En beaute. Il n’en sera donc rien en depit des multiples services qu’il a rendus au sport, aussi bien ici, en Afrique que partout ailleurs a travers le monde. Blesse, meurtri, humilie, il voit, si proche du pinacle, s’ecrouler l’oeuvre de toute une carriere. C’est un homme fini.
                                            inter) Exercice risque ( inter
Diack apprend violemment, dans ce contexte, a quel point la defaite est solitaire, orpheline. Ceux qu’il a fabriques, ses affides, ses doungourous, ceux qui l’ont utilise comme echelle pour progresser vers les cimes du mouvement Olympique ou de l’athletisme sont desormais hors de vue. Certains parmi eux s’empressent meme de l’enfoncer. Ni vu ni connu disent-ils. Tous refutent l’allegation portee contre eux, avec de solides raisons, d’avoir pris l’argent que leur auraient donne celui qui en etait charge, le fils decidement coupable. Meme les fonctionnaires que Diack a aides a integrer les arcanes de la gouvernance de l’athletisme mondial se debinent. Peut-on s’etonner qu’au niveau national, ceux qui ont profite de ses retro-commissions, peu importe qui ils sont, refutent, eux-aussi, d’un meme mouvement, qu’il ait pu les aider, directement ou indirectement, a faire leur campagne electorale, politique ou citoyenne. Celui qui faisait se bousculer autour de sa personne ou dont on chantait les louanges lors du celebre combat de lutte qui lui fut dedie, il y a a peine quelque mois, n’est plus qu’un pestifere….
Le defendre devient des lors un exercice hautement risque. Certains peuvent meme y voir une entreprise amorale. Surtout qu’il n’est pas innocent. Meme s’il s’avere qu’il n’a pas beneficie des produits de la corruption, le fait qu’il y ait eu corruption sous son magistere a l’IAAF l’engage, mais, de surcroit, il lui est impossible de ne pas admettre qu’il a flanche, sous l’effet d’une corruption sentimentale, en faisant de son fils, alors qu’il n’avait rien a y faire, un membre influent de l’IAAF s’exposant, du meme coup, a une risible situation: l’arroseur se trouve arrose car comment peut-on oublier qu’il avait fait de la defaite d’Abdoulaye Wade son principal objectif pour ne pas cautionner ses tendances nepotiques au profit de son propre rejeton. On peut aussi lui reprocher d’avoir laisse prosperer autour de lui, de sa famille, de ses amis le culte d’une personne au dessus du lot, dont le destin etait de venir, le moment venu, tel un preux chevalier, tirer le Senegal des mains malpropres de ceux qui l’avaient -l’ont- en charge.
C’est precisement parce qu’en fin de compte Lamine Diack est la victime de sa naivete, de ses pretentions, et de ses faiblesses qu’il faut le defendre. Quel etre humain n’a pas de tels defauts selon les circonstances? Qui, dans les conditions ou il s’est retrouve, aurait garde la tete froide face aux assauts de complaisance et de mauvais conseils, conseils interesses, que les positions de pouvoir, a quelque niveau que ce soit, ont tendance a declencher. Les vils sont nombreux chez les humains, qui savent comment profiter des failles de ceux qui, la haut, pretent le flanc a celles et ceux, y compris dans leur propre famille, dont ils ne doutent pas de la sincerite.
Je suis a l’aise pour defendre ici Lamine Diack (de bon gre, et sans y avoir ete invite), apres avoir d’une part souligne ce qui est la cause de ses malheurs actuels mais surtout parce que je n’ai jamais beneficie des avantages qu’il octroyait ca et la: invitations a des championnats d’athletisme, visites a Monaco, enveloppes financieres et j’en passe. Je dois meme dire qu’en dehors de deux voyages sur des vols commerciaux ou nous nous sommes retrouves par hasard en voisins, je ne fais ni partie de son ‘gangoor’ (son Club de fans) ni de ses intimes.
                                                           inter ) Fond de magouilles ( inter
Tout au plus, nos chemins se sont croises en des circonstances qui avaient fait de moi un intrus dans le monde du sport. Moment fugace mais revelateur qui me permet de deviner pourquoi ce qui lui arrive etait, avec le recul, previsible. C’etait en 2005. Alors conseiller Afrique de la candidature de Londres en course pour l’attribution des Jeux Olympiques 2012, je m’etais retrouve a Accra, avec la delegation Londonienne, conduite par Theresa May, Ministre des Sports, et comprenant des figures telles que Sebastian Coe, President de la candidature et devenu successeur du President de l’IAAF, Keith Mills (co-president du Comite), Mike Lee, responsable du Marketing (soupconne d’activites critiquables plus tard), John Boulter (un lien avec le Boulter evoque dans les sous distribues dans la saga Diackienne?)…
En cette occasion, j’avais pu observer combien le monde de l’Olympisme etait hypocrite, faux, sur fond de magouilles ou le non-dit prenait le dessus sur tout. Je voyais dans les travees du Centre des Conferences internationales d’Accra, Seb Coe, regard de lynx, suivre sans relache Lamine Diack. Deja, je savais qu’il avait d’autres agendas derriere celui de faire gagner Londres. Quand j’ai appris plus tard qu’il etait venu a Dakar, ou qu’il avait utilise Diack pour faire passer la ville d’Eugene, en Oregon, pour abriter des Jeux Mondiaux d’athletisme, mouillant au passage notre compatriote, sans se rendre compte que cela allait declencher l’ouverture d’une procedure judiciaire a son egard, je ne fus pas surpris. Quelques-annees plus tot, venu a Dakar pour faire la campagne de Londres, une partie de l’equipe avait quitte notre capitale, par un vol matinal, pour se rendre en Afrique du Sud afin d’y rencontrer, contre les regles de la gouvernance de l’Olympisme, des membres des Comites nationaux africains d’athletisme. A Accra, grace a l’intermediation de notre defunt compatriote Mbaye Boye, l’un des plus influents de ceux-la fut approches. Bien sur que l’effort fut recompense. Encore une fois l’argent-roi…Meme si Boye, lui, n’avait fait que son travail en mettant ses relations au services d’un projet sportif !
Quand la victoire de Londres fut actee, le 7 Juillet 2005, je decouvris que lorsque la reine d’Angleterre avait offert une reception pour l’equipe ayant obtenu ce succes, au moins un africain ne faisait pas partie des invites. Je pus constater qu’au dela des grands discours sur l’Olympisme, la sportivite et les engagements genereux, tout n’etait en fin de compte que calculs, coups tordus, et detournements des regles pour arriver a ses fins, le machiavelisme en somme. J’avais aussi constate comment les membres des differents comites Olympiques, mais aussi le Secretariat de l’IAAF a Monaco, avaient tenu a faire main basse sur le projet Londonien, en jouant aux profitards…
Les Africains sont loin d’etre les seuls dans ce sale monde du sport. Quelques-annees plus tard, rencontrant le patron du judo europeen, un hongrois, et discutant avec un des grands patrons de l’olympisme africain, alors que nous tentions de sauver, par son canal, une grande banque africaine des griffes d’investisseurs russes, je compris encore plus comment le monde du sport fonctionne -de l’Afrique a l’Oural, et ailleurs ! Me furent alors detaillees les meandres des actions ayant conduit a la victoire de la ville de Sotchi, celle de Poutine, pour l’organisation des Jeux d’hiver ou encore les ambitions de ce dernier a diriger un jour le judo mondial, son sport-favori, dont il est ceinture noire XXL. Des details sulfureux menerent jusqu’a la table du patron du Kremlin ou ses amis Sergei et autres patronymes identiques, tous ou presque des anciens du KGB, servirent de relais pour y inviter des votants, notamment africains (au moins l’un d’eux qui me raconta le tout) afin de rassurer qui de droit. La victoire ne connait pas les races, le machiavelisme encore une fois…
Comment aussi taire qu’il y a deux ans, ce que j’appris du sport, quand je fus sollicite, indirectement, par la grande ville qui finira par gagner la competition pour les Jeux Olympiques alors en competition. Via son representant africain, pour l’aider a booster ses chances, ce qui me fut propose me revulsa. Le mandat etait simplement de  »salir » la reputation d’une autre ville bien placee dans la course. Ce que je refusais froidement, avec fermete, par principe. Je peux tout aussi bien evoquer les cas ou le marche de la participation des africains aux Olympiades, marche lucratif, a ete donne aux enfants de parrains de l’Olympisme ou a des societes etrangeres, moyennant retribution. « On le fait en famille », entendis-je un jour, avec aplomb, dire un des grands patrons de l’Olympisme africain !
                                                   inter ) Victime expiatoire ( inter
Arretons donc le massacre. Tout ceci est pour dire que le peu que j’en sais m’amene a penser que le monde du sport, de l’olympisme, et donc de l’athletisme n’est rien d’autre qu’un monde interlope, derriere les slogans et les belles images portees par les televisions du monde quand le moment de prouver que la devise de l’Olympisme -le plus vite, plus haut et plus fort- peut se donner a voir.
Les mots, plus qu’en d’autres circonstances, opposent a l’homme un ecran la ou il reve de parfaite transparence, comme a pu le dire quelque auteur oublie.
« Je connais votre compatriote Lamine Diack », fut fut le seul propos que me tint le grand patron de la grande firme de publicite japonaise, Dentsu, lorsque je l’ai rencontre il y a 8 ans a Washington lors d’une Assemblee generale des publicitaires du monde. L’ecran des mots….
L’argent du sport aussi. Jamais clair. Toujours les sous-entendus. A l’arrivee, rares sont ceux qui peuvent en echapper. Et puis trop, trop d’argent. Facile. Et trop d’interets.
Sans oublier les caracteres humains qui cedent aisement a la facilite et aux intrigues…Il n’en fallait pas plus pour qu’un homme aussi age que Lamine Diack finisse par tomber. On ne peut pas l’exonerer a 100 pour 100. Loin sans faut. Mais c’est tout ce monde du sport, faux et parfois farfelu, fat et fantasque des fois, qui merite un sacre coup de balai. Diack n’est en fin de compte que l’agneau du sacrifice. Comme Blatter. Platini. Ou peut-etre bientot, de facon meritee, Seb Coe. Mais cette operations manu pulite, mains propres, qui surprend Diack et quelques autres, alors qu’ils profitaient des paillettes enivrantes de ce monde fou du sport, ne peut suffire pour faire de Lamine Diack la victime expiatoire la plus visible dans une chaine de responsabilites qui va des chefs d’Etat, aux Comites Olympiques, aux comites de candidatures, aux membres du CIO et du Secretariat de l’Iaaf, aux journalistes sportifs complaisants et manipules, sans oublier tous les autres qui gravitent dans un monde ou la transparence est rarement la regle du jeu. Que Lamine Diack ait faute, lourdement faute, ne justifie pas qu’on l’abandonne donc a son sort. Cet homme accable, honni, et detruit n’est, en fin de compte, que celui sur qui devait tomber ce coup de massue alors que chacun le sait, pendant ce temps, le casino sportif, toutes disciplines confondues, continue -et continuera encore longtemps jusqu’a la prochaine fracture. En musulman, Lamine Diack n’a d’autre choix que de considerer qu’il lui faut faire face a son destin. En se gardant de ne plus jamais preter le flanc. En meditant sur le fait que les loups, les salauds, qui l’ont pousse, en abusant de ses faiblesses l’ont lache, seul, a son sort. Ainsi va la vie, aurait dit Walter Cronkite, le celebre presentateur du journal televise americain des annees 1970…Trop tard, helas, pour celui qui n’est plus, entre les mains de ses juges parisiens, que l’ombre de lui-meme. Grandeur et decadence, la vieille antienne est revisitee !
*Adama GAYE, Journaliste et Consultant a ete conseiller de la ville de Londres pour la campagne des JO 2012.

2 Commentaires

  1. J’ai défendu aussi Diack, même quand le Monde a publié ses révélations. Mais, lorsque Diack lui même a sorti une audio pour défendre Macky Sall, et qu’il a oublié de se défendre lui même, pis, il s’est enfoncé en avouant tout ce qu’on lui reproche, je n’ai plus jugé nécessaire de le défendre. On ne peut se faire plus loyaliste que le roi.

  2. J’ai défendu aussi Diack, même quand le Monde a publié ses révélations. Mais, lorsque Diack lui même a sorti une audio pour défendre Macky Sall, et qu’il a oublié de se défendre lui même, pis, il s’est enfoncé en avouant tout ce qu’on lui reproche, je n’ai plus jugé nécessaire de le défendre. On ne peut se faire plus loyaliste que le roi.

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