La constitution américaine dans son article 3 paragraphe2 restreint la compétence des tribunaux fédéraux aux «causes» («cases») ou «différends» («controversies») concrets. Cette disposition de la constitution américaine témoigne de la stricte séparation des pouvoirs dans le dispositif constitutionnel fédéral aux États-Unis. Ce qui pousse la Cour Suprême des Etats Unis à déclarer qu’elle n’est pas habilitée à donner des avis consultatifs. N’ayant pas de fonction juridique consultative, la Cour suprême des Etats Unis, le pendant du conseil constitutionnel et de la Cour Suprême du Sénégal, se contente de sa fonction judiciaire pour ne pas dire juridictionnelle. Il va de soi que les décisions prises par la Cour Suprême des Etats Unis dans son unique et exclusive fonction judiciaire lient les parties et principalement les pouvoirs publics. Par contre, nous devons préciser que dans les cas où la limite fondée sur les «causes ou différends» n’est pas présente dans la Constitution de leur État, certains tribunaux des États américains exercent effectivement des fonctions consultatives. C’est le cas par exemple, dans deux États au moins — l’Alabama et le Delaware — la loi autorise les tribunaux à donner, dans certaines circonstances, des avis consultatifs. Sans réserve de ces précisions, le droit constitutionnel sénégalais n’a pas suivi le droit constitutionnel américain à la matière. Le constituant et le législateur sénégalais ont reconnu expressément au conseil constitutionnel le pouvoir de donner des avis consultatifs. L’article 51 de la constitution est clair là dessus. Il dispose : « Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum… ». Quand à la loi organique sur le Conseil Constitutionnel, elle reconnait elle aussi au conseil constitutionnel le pouvoir d’émettre des avis consultatifs. Toutefois il y a des difficultés pour situer le bon ou les bons articles des lois modificatives de la loi organique de 1992 sur le conseil constitutionnel qui prévoient une telle fonction juridique consultative. Pour dire, le pouvoir législateur trop « brouillant » comme l’exécutif ont du pain sur la planche. Ils doivent engager un travail de mise à jour des textes législatifs notamment ceux précités. En somme le conseil constitutionnel du Sénégal est bien habilité à donner un « avis consultatif » qui n’a rien de contraignant contrairement à l’avis conforme.
L’avis consultatif du conseil constitutionnel sénégalais comme l’indique son nom ne peut être que consultatif même si on peut lui attribuer d’autres qualificatifs ou caractères. Est-il facultatif ou obligatoire. L’avis en question à l’article 51 de la constitution du Sénégal est obligatoire. Mais il est obligatoire dans quel sens ? En l’espèce, le président de la république est tenu de solliciter l’avis du conseil constitutionnel. Il ne peut se soustraire à une telle obligation. Maintenant quelle est la portée de l’avis consultatif ?
La question de la portée de l’avis conduit à se demander si l’avis donné par le Conseil constitutionnel oblige l’autorité qui l’a demandé. La Constitution ne le dit pas. On n’est pas en présence d’un avis, qualifié d’avis conforme par la constitution et qui a une portée contraignante. Autrement dit, l’avis produit par le conseil constitutionnel au titre de l’article 51 de la constitution du Sénégal n’a pas, au contraire d’une décision, une valeur obligatoire. Il ne s’impose pas au président de la république. Celui-ci, du point de vue juridique, mais non politique, jouit, en la matière, d’un pouvoir d’appréciation lui ouvrant le droit de faire de l’avis ce qu’il veut.
Doit-on publier l’avis consultatif ? En France la réponse est non. La France n’étant pas le Sénégal, il est permis d’épiloguer sur la question en l’absence de texte qui prévoit une telle publication.
En somme, en l’espèce, il est bien clair que le président de la république et le conseil constitutionnel n’ont pas besoin d’amicus curiae !
Dr Mandickou NGOM, enseignant chercheur