La consultation du Peuple: les précisions du Président de la République
Chers compatriotes,
Je me suis adressé récemment à vous à l’occasion de la fin de l’année
2015. C’était pour moi, un instant solennel pour vous réaffirmer mon
ambition pour notre cher pays. Ce soir-là, tout en décidant de ne pas
renoncer à mon engagement, j’ai voulu décliner, sans ambiguïté,
l’essence de mon projet de réforme constitutionnel bâti autour de
quinze (15) points.
Bien que je sois conscient que les réformes institutionnelles
constituent un préalable indispensable à la stabilité politique et
sociale de notre pays, j’ai souhaité attendre l’entame de la cinquième
année de mon mandat pour les parachever, car il fallait, en priorité,
ancrer le Sénégal dans la trajectoire de l’émergence.
Cher concitoyens,
Je reviens m’entretenir encore avec vous de certaines clarifications
et précisions qui me sont apparues nécessaires à la suite de la
controverse que des hommes politiques, qui n’ont d’yeux que mon
fauteuil, ont inspirée au point de bouleverser les programmes des
médias ainsi que les thèmes des événements religieux.
Depuis mon avènement à la tête de l’Etat, je m’efforce, en tout temps
et en tout lieu, de restaurer le blason du Sénégal jadis connu comme
un pays d’exception marqué par une longue tradition de dialogue, de
solidarité, de paix et concorde nationale. C’est ainsi qu’après le
noble geste posé par le premier Président L.S. SENGHOR en
démissionnant de la présidence de la République à l’âge de 74 ans et
son remplacement par Abdou DIOUF, devenu entre temps mon mentor, en
passant par l’accession de mon père, le Président WADE, à la
magistrature suprême à 74 ans, j’ai voulu marquer mon règne en
imposant l’exemple de vertu et de sobriété jusqu’à vouloir réduire la
durée du mandat en cours malgré mon âge peu avancé.
Mes chers compatriotes,
En réexaminant les propositions de la Commission Nationale de Réforme
des Institutions (CNRI) que j’avais moi-même instituée, j’ai pu
constater que la question de la durée du mandat quoiqu’occupant une
place importante dans la perspective de refondation de notre Etat,
n’en est pas la plus fondamentale.
Par conséquent, et tel que je l’avais décliné dans mon programme et
lors de mon discours d’investiture prononcé le 10 décembre 2011, je
suis résolu à « mettre en œuvre les réformes institutionnelles
permettant une véritable gouvernance démocratique: garantir l’Etat de
droit par une justice indépendante, renforcer l’autonomie et les
moyens des corps de contrôle de l’Etat, renforcer le rôle
parlementaire et citoyen sur l’exécutif et mettre en place une
démarche qualité certifiée au sein de l’administration. »
Dès lors, tout en sauvegardant la stabilité de notre régime politique,
je veillerai conformément aux conclusions de la CNRI à ce que :
Le Président de la République détermine la politique de la Nation mais
n’exercera certains pouvoirs que sur proposition soit du Premier
Ministre soit d’autres instances. Parce qu’il incarne l’unité
nationale, il ne doit plus être Chef de parti dès sa prise de
fonction.
Oui, il faut mettre un terme aux pouvoirs exorbitants au Chef de
l’Etat, à la « centralisation excessive des pouvoirs » !
En ce qui concerne le Parlement, il sera remédié aux risques d’abus de
majorité avec la création des conditions de la participation effective
de l’opposition parlementaire au travail législatif.
Sur le plan Judiciaire, les compétences du juge constitutionnel seront
renforcées pour garantir le respect des droits fondamentaux de la
personne humaine et régler les conflits de compétence entre l’Exécutif
et le Législatif entre autres missions. Il n’y aura plus d’autorité
directe du Garde des Sceaux sur les magistrats du parquet. Les
pouvoirs du Conseil Supérieur de la Magistrature, organe de gestion de
la carrière des magistrats seront renforcés.
Par déférence à la Charte de gouvernance démocratique des Assises nationales,
Par égard au Président et aux membres de la Commission Nationale de
Réforme des Institutions,
Pour éviter l’effondrement du Comité National de Pilotage et me
réconcilier définitivement avec le peuple des Assises de nationales,
Enfin, grâce à la méthode inclusive et participative imprimée par la
CNRI en application du décret n°2013-730 du 28 mai 2013 ainsi qu’aux
conclusions consensuelles reflétant, dans une large mesure, les
préoccupations des Sénégalais,
J’ai décidé d’ajouter à mon projet de réforme constitutionnelle qui
sera soumis au référendum quinze (15) autres propositions parmi les
53 contenues dans la note de présentation du texte de constitution
proposé par la CNRI. Il s’agit de :
• Pour une meilleure protection des droits et libertés et une
consécration des devoirs du citoyen :
1. L’obligation du référendum pour toute modification d’une
disposition relative aux libertés fondamentales de la personne
humaine,
2. La reconnaissance de l’intérêt à agir devant les juridictions
compétentes des organisations de défense des droits humains et
environnementaux, dans les affaires qui touchent aux droits, libertés
et biens publics,
3. L’introduction en faveur du citoyen du droit initiative législative,
4. La reconnaissance au citoyen d’un droit de recours auprès du juge
constitutionnel,
• Pour un meilleur équilibre et un strict respect de la séparation des
pouvoirs :
5. La redéfinition des rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire,
6. L’institution d’une Cour constitutionnelle,
7. L’autorisation parlementaire avant tout envoi, engagement ou
retrait de troupes dans des conflits armés à l’extérieur,
• Pour le renforcement des instances de régulation au service du citoyen :
8. La détermination constitutionnelle du régime juridique des
Autorités administratives indépendantes,
9. L’institution d’une Autorité de Régulation de la Démocratie,
• Pour la normalisation de la vie publique et des pratiques administratives :
10. Les limitations et le non cumul des mandats,
11. La Constitution prévoit et réglemente l’hypothèse d’une
non-concordance entre les majorités présidentielle et parlementaire,
12. La réaffirmation des principes de fonctionnement de
l’Administration publique,
• Pour le renforcement de la rationalité et de l’équité dans les
budgets national et locaux :
13. Le dispositif de renforcement des finances locales (dotation
collectivités locales),
14. L’Assemblée nationale obligatoirement tenue informée de tout
changement substantiel dans l’exécution de la loi de finances,
• Recommandations Finales :
15. La CNRI ayant fait le constat de l’ampleur des modifications
qu’elle propose, recommande l’adoption d’une nouvelle Constitution au
lieu d’une simple révision de celle en vigueur. L’adoption se ferait
par voie référendaire. De plus, elle suggère la traduction de l’avant
projet de Constitution dans les langues nationales avant toute
soumission au peuple.
Sénégalaises, Sénégalais,
Ma conviction est que la réduction de la durée du Mandat du Président
de la République ne peut être rétroactive alors qu’il n’est nullement
envisagé un changement de Constitution. Mais, si j’en suis arrivé à
vouloir changer d’approche, c’est pour éviter que ceux qui confondent
le droit et la politique ne puissent croire que je veuille me servir
de l’avis du Conseil constitutionnel comme une opportunité légale de
renoncer à mon engagement.
En tout état de cause, le verrouillage constitutionnel des
dispositions encadrant le mandat présidentiel, préconisé après
d’incessants allers et retours (5 ans et 7 ans) depuis les
indépendances, ne devrait s’opérer que dans l’hypothèse où le Peuple
souverain aurait la possibilité de choisir entre plusieurs options :
• Un mandat de sept (7) renouvelable une seule fois,
• Un mandat à cinq (5) renouvelable une seule fois,
• Un mandat de quatre (4 ans) renouvelable,
• Un mandat unique de sept (8 ans).
Quelle que soit l’option retenue à l’issue de la consultation, elle
sera d’application immédiate, autrement dit il sera expressément prévu
le principe de la rétroactivité.
Mes chers compatriotes,
Evitez d’être dérouter par les politiciens professionnels qui
continuent à douter de ma volonté d’organiser un référendum et qui
méconnaissent les procédures mises en œuvre lors de la dernière
consultation du peuple.
A ceux-là, je tiens à rappeller que le 9 novembre 2000, le Conseil
constitutionnel faisait part de son avis consultatif sur le projet de
révision constitutionnelle. La voie du référendum ouverte, les
électeurs étaient convoqués pour adopter le texte le 7 janvier 2001.
Auparavant, la révision des listes électorales qui devait se dérouler
dans la période du 2 janvier au 31 mars 2000 fut décalée en raison de
l’élection présidentielle jusqu’au mois de mai de la même année.
C’est dire que la date du référendum ne sera fixée par décret qu’au
terme de la procédure de consultation des Présidents de l’Assemblée
nationale et du Conseil constitutionnel prévue par l’article 51 de la
loi fondamentale. Le décret devra également énoncer les modalités
d’organisation des opérations référendaires telle que la période de la
révision exceptionnelle des listes électorales, rendue obligatoire
avant chaque élection générale par loi n°2006-41 du 11 décembre 2006.
Une révision exceptionnelle des listes électorales, dans une période
relativement courte en perspective du référendum, serait envisageable.
Mais cette révision exceptionnelle pourra-t-elle être menée pour
l’enrôlement et la participation des Sénégalais établis à l’extérieur
au regard des délais réduits ?
De toute façon, rien ne m’oblige à satisfaire à ces préalables car
notre législation comporte des carences sur les modalités
d’organisation du référendum qui ne sont pas régies par le code
électoral. Il est vrai que l’article 51, alinéa 3, de la Constitution
y relative, énonce : « Les Cours et Tribunaux veillent à la régularité
des opérations de référendum. Le Conseil constitutionnel en proclame
les résultats». Or cette disposition reste assez vague et ne renvoie à
aucune loi particulière. Elle ne précise même pas les compétences
spécifiques des Cours et Tribunaux en la matière, ni les procédures
par lesquelles le Conseil Constitutionnel reçoit et traite des
réclamations.
Toutefois, je m’efforcerai à créer les meilleures conditions de
préparation et d’organisation de cette consultation conformément à
l’article 3, alinéa 3 de la constitution qui dispose que: « Tous les
nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis,
jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs dans
les conditions déterminées par la loi. »
Chers concitoyens,
Dans l’esprit de moderniser et de consolider notre système
démocratique, je ferai introduire des changements en vue de revoir les
délais de dépôt des candidatures à l’élection présidentielle et
d’intégrer les modalités d’organisation du référendum. Ainsi, je
traduirai la recommandation contenue dans le rapport de la Commission
Technique Chargée de la Revue du Code Electoral (CTRCE) instituée en
2011.
Sous ce rapport, est-il besoin de rappeler que cette pratique,
relative au référendum, en vigueur au Mali depuis longtemps, a été
envisagée récemment par la République Démocratique du Congo.
Afin d’éviter de rompre la tradition républicaine qui voudrait que le
Président nouvellement élu prenne fonction avant le 03 avril, fasse
son adresse à la nation et préside la cérémonie officielle marquant la
commémoration de l’accession de notre pays à la souveraineté
internationale, il conviendrait de fixer désormais la date de
l’élection présidentielle au deuxième dimanche du mois de février eu
égard à l’éventualité de la contestation de la régularité du scrutin
du second tour, aux délais de réclamations et aux procédures de
traitement des contentieux par le juge électoral lesquelles procédures
pourraient être bouclées au-delà du 4 avril.
Aussi prendrai-je les mesures adéquates pour corriger toutes ces
lacunes sur notre processus électoral et référendaire. En somme,
toutes les modifications appropriées sur la loi électorale seront
opérées dans le respect limites des délais prescrits par le Protocole
Additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.
Par ailleurs, en cas de réduction du mandat du Président de la
République, les élections des députés à l’Assemblée nationale prévues
entre le dimanche 07 mai et le 04 juin 2017, en vertu des articles
L.149 et LO.150 du code électoral, auront presque lieu dans la même
période que la présidentielle. Dès lors, il me parait plus judicieux
d’envisager le couplage de l’élection présidentielle et des élections
législatives prévues en 2017. Ainsi, je compte introduire, dans les
dispositions transitoires, la possibilité de coupler ces deux
élections par souci de rationaliser les dépenses publiques.
En définitive, l’essence même de la République, c’est rendre le
pouvoir aux citoyens. Pour ce faire, il faut rééquilibrer les
pouvoirs, renforcer l’indépendance et les moyens de la Justice, de
l’Administration et des corps de contrôle de l’Etat et rendre en
ouvrant la politique à de nouveaux acteurs.
Je vous remercie de votre aimable attention.
Sénégal, le 14 janvier 2016
Ndiaga SYLLA, Analyste électoral
Ce scénario est fort plausible. Macky se sentant cerné de tous bords va balancer le couplage des présidentielles et législatives pour couper l’herbe sous les pieds du PS et éviter à l’opposition d’avoir un candidat unique.
Mais ce qu’il ne sais pas c’est que toute option a aussi un revers de la médaille. Il n’a qu’à prendre le risque …