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Je reviens du Cap Manuel Par Adama Gaye *

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Je me suis rendu hier à la prison du Cap Manuel pour rendre visite à Oumar Sarr, le coordonnateur du Pds, qui s’y trouve pour délit de libel contre Macky Sall, président de la République, selon la sanction prise par le procureur qui l’a accusé d’avoir manqué de respect à ce que ses thuriféraires les plus zélés ont l’habitude ces temps-ci de n’appeler que par l’imposant terme : Première institution de la République.

Je veux être clair: ce type de justification avance pour mettre en taule des citoyens sénégalais, dont le fondement continue d’être l’inique et suranné article 80 de la Constitution portant offense au Chef de l’Etat, fait honte à notre pays, est une incongruité pour notre ambition démocratique, en plus d’insulter le parcours démocratique fait de luttes incandescentes que des patriotes déterminés ont menées pour faire sauter les barrières aux libertés au point que pendant longtemps nous avons surfe et bénéficie de notre marque de fabrique -notre exception démocratique sur ces rives du continent.

Qu’on se le tienne donc pour dit: parce que plus que jamais il faut donner droit a plus de débats contradictoires, vigoureux et violents, si nécessaires, a seule fin de maintenir le pays sur la bonne voie, l’arrestation d’Oumar Sarr constitue un coup de poignard au besoin légitime des sénégalais de s’exprimer librement, quitte à s’en prendre vigoureusement à celui qui est à la tête de la première institution du pays. S’il ne peut résister a la chaleur de la cuisine, qu’il en sorte, comme disent les anglophones, mais s’attendre à ce qu’on continue de le traiter avec des gants de velours alors qu’il a été lui même un extrémiste pendant ses années de bagarres politiques au sein de l’opposition, c’est faire acte de lâcheté face a lui et surtout face a la mémoire historique de notre pays.

Un bémol s’impose: je ne suis pas allé voir Oumar Sarr qui n’est pas mon ami pour cautionner ni oublier les accusations de graves malversations financières pesant sur plusieurs dirigeants du Pds, y compris sur sa personne même si a ce sujet, il faut, par équité, aller plus loin pour chercher les coupables bien au delà des prisons du Cap Manuel et de Reubeuss jusqu’au Palais de la République !. Cette visite n’est rien d’autre qu’un acte de réaffirmation d’une adhésion au combat essentiel pour le respect, l’élargissement, le renforcement des libertés, combat incontournable pour que les digues qui retiennent en place notre projet démocratique ne soient emportées par les boutefeux d’un ordre autocratique…

perpetuation de la chienlit

Dans ce combat, le courage des hommes et femmes des pays africains est vital pour les mettre définitivement a l’abri des adeptes de ce qu’en créant son PDS Abdoulaye Wade qualifiait de ménages a enfant unique, cette culture du parti et de la pensée uniques longtemps triomphante sur le continent.

C’est dire la joie que j’ai éprouvée à la vue du Oumar Sarr que j’ai revu: en grande forme, serein et résolu. Lucide aussi. Si bien que lorsque, le prenant a rebours, je lui ai fait part de ce qui me semble être la responsabilité du PDS dans l’origine et la perpétuation de la chienlit que ses dirigeants dénoncent aujourd’hui, j’ai été agréablement surpris de voir qu’il ne s’en défaussait pas. Zen, il l’était. Veridique, aussi. De savoir qu’il ne niait pas la face négative du Wadisme était rassurant. C’est ma conviction: elle a contribue a placer le pays entre les mains qui le gèrent maintenant mais aussi a créer un climat ou les marches de gré a gré, les détournements de deniers publics, la mauvaise gouvernance, la famille dans les affaires de l’Etat, ou encore l’autoritarisme politique sont devenus des normes repoussantes dans le Sénégal actuel. C’est dire qu’entendre le coordonnateur du PDS en détention admettre que l’autocritique était indispensable au sein de son parti est éminemment respectable. Tant mieux car les tentatives d’absolution des péchés ou des scandales ayant terni leur passage au pouvoir, attitude panglossienne, celle des autruches, qu’entretiennent certains de ses camarades de parti, ne sont pas recevables.

Mais c’est pour une autre raison que le voir en prison est encore plus regrettable. On ne devait plus en être la ! En allant le voir, mon esprit n’avait pu s’empêcher de se demander comment en était-on arrive a revivre ce qui aurait du etre dans les poubelles de l’histoire? Qui pouvait s’imaginer que les sacrifices consentis par les Senegalais en 2012, et des années auparavant, allaient être, comme cela semble être le cas, vains. Ou presque en voie d’être remis en cause par les tenants d’un discours obséquieux qui s’évertue a mettre hors du jeu démocratique, dans son acception critique, le President de la République, ainsi sanctifie a l’excès, avant que, demain, les mêmes viennent nous dire, comme déjà certains s’en font l’écho, que le pays ne peut avancer dans un climat ou les critiques continuent de fuser de partout, comme s’ils regrettent le temps ou l’union sacrée et le développement national servaient de prétexte pour légitimer l’ère des partis-Etats d’un passe guerre éloigne…

Ou l’on revoit donc a l’oeuvre les pathologies de la democratie que l’on croyait révolues. Comme je m’en suis rendu compte en arrivant au Cap Manuel. Sur place, mon esprit a traverse le temps, par un flash-back rapide, pour se retrouver en 1986. Voici donc trente ans que la première fois je m’étais rendu a un procès ou l’on jugeait de l’opposant presque sur les mêmes motivations que celles opposées a Oumar Sarr. En 1986, c’était Abdoulaye Wade et des militants anti-apartheid qui se trouvaient face au juge. Leur tort? Ils avaient manifeste contre la faible réponse du Sénégal a l’époque contre le régime raciste sud-africain, et leur marche avait eu lieu dans un pays dont le Chef de l’Etat d’alors, Abdou Diouf, était en même temps, cette année-la, le President en exercice de la défunte organisation panafricaine, l’Organisation de l’unité africaine (Oua). Le régime pale sud-africain, contre la volonté générale, maintenait en prison Nelson Mandela, et ne pouvait que se réjouir d’articuler sa propagande radiophonique autour de l’arrestation des adversaires senegalais de sa politique ségrégationniste. Comment pouvait-il rater l’occasion de faire un pied de nez a sa résistance intérieure, les mouvements noirs en lutte pour mettre fin a ce pesant joug raciste? Le combat contre l’apartheid de son opposition fut le fait déclencheur d’une prise de conscience qui mit Abdou Diouf, par la suite, a l’avant-garde de la lutte contre les oppresseurs blancs de la majorité noire. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas que du mal a avoir de teigneux critiques -politiques ou intellectuels- mettant en première ligne les grands principes méritant d’être défendus, dussent-ils par étourderie ou excès se tromper ou sortir de la zone des libertés permises. De la a les arrêter, il y a un pas a ne pas franchir.

Cela est d’autant moins acceptable dans le contexte actuel. Or, prétextant des thèses avancées par les tenants d’un autocratisme djolofien, voila donc qu’en vertu d’un article dÉmocraticide -même si, bien sur, la mesure et le respect des institutions, la responsabilité doivent être parmi les moteurs du débat démocratique- le Sénégal se retrouve a mettre derrière des barreaux des opposants quitte a en faire des martyrs et demain, sans nul doute, des forces politiques encore plus puissantes que leur passif dans la gestion financière n’aurait jamais permis -s’ils avaient été maintenus dans un statut de salauds de la république.

Pour bâtir une démocratie, il faut avancer en mettant sur le cote de la route les racailles, ai-je entendu dire un jour le célèbre Francis Fukuyama, lors d’une conférence a la prestigieuse université de Stanford, en Californie. En leur permettant de se donner de nouvelles couleurs, qui d’autre, que les soi-disant faucons du pouvoir actuel, et leurs manœuvriers au sein d’une justice décidément mal en point, est coupable de ce qui est entrain de devenir l’un des plus grands retournements de l’histoire? La preuve: au delà d’un Oumar Sarr qui était principalement interdit de sortie du territoire pour les besoins de la (déjà oubliée?) traque des biens mal acquis et désormais en voie de se forger non seulement un statut de héros et d’homme politique majeur, nul ne peut aussi douter que le maintien en prison de Karim Wade, a l’exclusion des autres coupables (suivez mon regard) en fait aussi une….victime d’une justice des vainqueurs hélas jamais sans retour de bâton, tant il est vrai que l’histoire n’a jamais fini de se faire !

Epee de Damocles

Je suis allé au Cap Manuel avant hier parce qu’aussi je me suis souvenu de ce que le défunt juge Coumba Ba avait dit a l’un des co-accuses de Wade, pendant ce fameux procès de 1986. Ce jour-la, lorsque cet accuse en question, un défunt journaliste depuis, expliquant sa présence dans les parages de la marche anti-apartheid n’avait eu d’autre argument que celui-ci:  »Je ne m’y trouvais pas pour la marche mais pour jouer au loto a cote quand on m’a arrêté », avait-il affirme. La réponse cinglante du juge résonne encore dans les oreilles de ceux qui se trouvaient dans la salle d’audience:  »Quel est ce journaliste qui tourne le dos au scoop pour aller jouer au loto? ».

Dans cette foulée, peut-on se demander, quel est le journaliste ou le combattant de la liberté qui ne doit pas se sentir aujourd’hui quelque part en phase avec Oumar Sarr. Sans naturellement avaliser les insultes en direction du Président de la République ou de n’importe quel autre citoyen du reste, démocratie étant aux antipodes des insultes et invectives, armes des faibles, trop souvent polluant le débat public en ces terres.

Au nom de la liberté d’expression, et de la consolidation de la démocratie, parce que député et acteur important du jeu démocratique, il importe qu’Oumar Sarr sorte le plus vite possible de cette prison qui n’est pas sa place. Même s’il y boit du petit lait. Car quand je l’y ai trouve serein, j’ai compris qu’il avait touche le jack-pot…On lui a donne la légitimité qu’il avait perdue a travers les errements du régime de Wade. Son calme olympien dans cette cour ou je l’ai vu à côté de Thione Seck, le grand chanteur, et d’Alassane Sene, le religieux, en disait long. Les autres avaient du souci a se faire. Lui, il n’avait qu’a attendre sa sortie pour ramasser la…mise.

Séparation des pouvoirs oblige, ce n’est surtout pas a Macky Sall de le pardonner ! Il est simplement à espérer que dans l’oeuvre de construction de la démocratie au Sénégal, la justice revisite son cas. Les forces vives de la nation doivent se mobiliser pour faire sauter le verrou de cet infamant article 80 qui salit notre Constitution afin que cessent ces errements judiciaires indignes d’une démocratie majeure. En somme non a une justice aux ordres mais surtout pas de Guantanamo senegalais, geôle de non-droits tristement célèbre, ou, en dehors de bénéficiaires de peines de complaisance, croupiraient ceux fautifs d’avoir use de leurs droits de dire au prince son fait comme dans toute démocratie qui se respecte !
*Journaliste et consultant Senegalais.
[email protected]

8 Commentaires

  1. Vous n’imposerez pas une culture de l’aplatissement dans ce pays. Dites-le a Macky Sall. Et a ses ouailles de l’Apr qui s’agitent. On le critiquera ba sa digg yakh ba ! et on posera des questions sur sa fortune bizarre !!!

    • richniango,
      Macky est critiqué et insulté chaque jour que Dieu fait , même sur les plateaux des télébidons , sans aucune conséquence.Mais, quand un leader d’un parti politique se permet d’accuser le Président de la République de corruption sur la base d’un article de presse lu par le monde entier et qui ne corrobore pas ces dires, il doit être courageux et en assumer les conséquences: s’excuser ou subir la loi.

  2. suis desolee Adama Gaye, on ne peut pas insulter un etre humain et etre aureole du titre de heros, il navait qua s excuser, et le debat serait clos, Arretez cette solidarite primaire de corporation,liberte d expression ne rime pas avec pagaille,l iberte dexpression oui!insultes attaques injustifiees non

  3. Si Macky accepte que le prophête de l’Islam soit insulté et qu’il aille marcher avec son maître Hollande pour montrer qu’il est Charlie, alors qui est-il pour ne pas qu’on critique sa politique? Qui est-il pour ne pas accepter qu’on parle de sa fortune illcite et celle de sa belle-famille? Qui est-il pour ne pas qu’on parle de lui… Quelle premiere institution? Wade-le-fou ne l’etait-il pas? Quid de Diouf-le Niamala et Senghor-le-toubab-diakhate-dal-sans-kawass?

  4. Franchement, Al fulani. C’est le Macky qui est allé marcher pour le droit d’insulter le prophète, au nom de la liberté d’opinion, qui se permet de mettre en prison pour offense à la première institution. A ses petits yeux, il doit être plus important aux yeux des sénégalais que le prophète.

  5. Mes félicitations Grand Adama pour ton courage à toute épreuve. Tu a fait un acte héroïque en allant voir ses détenus d’opinion en prison ! Tu n’as point besoin de te justifier pour ce geste qui t’honore. A mes yeux, la grande injustice que subit Oumar Sarr absout toutes ses dérives et erreurs passées. Et pourtant, comme toi, je ne suis pas du PDS mais je déteste l’injustice, d’où qu’elle vienne ! Nous devons nous mobiliser tous pour arrêter Macky et son funeste régime dans leurs dérives liberticides; ce qui passe, entre autres, par l’abrogation de l’article 80 de notre code pénal qui nous infantilise.

    • IL FAUT ARRÊTER !
      Où est l’acte de courage ? Allez voir Omar Sarr ou Karim Wade en prison ? Combien de walo walo, d’amis, de connaissances… visitent Omar SARR tous les lundis et jeudis ? des centaines et des centaines…. Où est l’héroïsme dans ça ?
      Le problème est que Adama Gaye a longtemps séjourné à l’extérieur. Il croit qu’il est toujours en 1987 – 1988 du temps de l’opposition avec Wade et les absences de liberté. Le Sénégal a bougé. On visite les détenus « politiques » comme on veut; il suffit juste d’aller chercher un permis au niveau du greffe.
      Adama Gaye a cruellement besoin d’une remise à niveau.

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