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L’incitation sociale à la corruption au Sénégal

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Le Sénégal a amélioré son rang par rapport à l’indice de perception de la corruption 2015, mais reste dans la zone rouge. C’est à se demander si la lutte engagée par la société civile et par les pouvoirs publics viendra à bout de la corruption tellement les pressions sociales exposent les sénégalais à s’y risquer. Le mal s’est emparé du tissu social au point que le contrôle sur les marchés publics et sur la haute administration ne suffit pas à contenir le phénomène. Nous en sommes là, étreints par des appels à la solidarité, poursuivis par des sollicitations que ne couvrent pas les revenus licites réguliers.

« Comme le commun des Sénégalais, l’autorité politique pense que les inspecteurs des Impôts et Domaines ont beaucoup d’argent. Il m’arrivait d’être sollicité par des parents, si je disais que je n’avais pas 5.000 F, on me traitait de méchant », disait Ousmane Sonko, président du parti Patriote du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité. Au Sénégal, les attentes familiales et communautaires résistent encore à l’assaut du modernisme et nous interpellent si fort qu’elles nous exposent aux tentations quand vient le temps de servir l’intérêt public. C’est une valeur sure que de se tenir les coudes à la condition que l’élan de solidarité n’occasionne pas des écarts encore plus dommageables.

Notre vive résistance aux ordres d’individualisme du système de consommation semble compromettre la lutte contre la corruption. En effet, le modèle libéral de développement économique et d’organisation sociale s’accorde mal avec les actes non-programmés et inorganisés d’assistance prescrits par la société sénégalaise. Dans le contexte sénégalais, le détournement des deniers publics de même que la petite corruption ont principalement une origine sociale. La corruption dans les pays dits développés résulte d’une volonté d’accumulation de richesses alors que, chez nous, elle s’explique surtout par un désir ardent de subvenir aux besoins de l’entourage immédiat.

Jusque dans la politique, il faut beaucoup contribuer pour « mériter » le soutien de beaucoup d’entre nous. Les malversations obéissent rarement à un plan d’enrichissement personnel, elles répondent surtout, fut-elle répréhensible, à une pression sociale en général et familiale en particulier. C’est ainsi que les personnes en situation de pouvoir vivant et s’embourgeoisant avec l’argent public se retrouvent dans la dèche aussitôt qu’elles perdent fonctions et privilèges.

« L’argent ne circule plus », disent les détracteurs du pouvoir alors que ce dernier réplique en alignant chiffres et indices. Le confort et le pouvoir d’achat des populations tiennent beaucoup de tous ces fonds pompés frauduleusement du trésor public ou indument des usagers de services publics. Qu’on ne m’oppose pas l’absence d’études scientifiques pour corroborer une telle déclaration. Il n’y a qu’à regarder autour de soi toutes les personnes qui investissent dans la communauté bien au-dessus de ce que leurs propres moyens auraient permis raisonnablement de faire. À tout le moins, ceci renseigne sur la finalité généralement redistributive des fonds dérobés.

Pour un employeur, il est certainement plus accommodant et efficace que le processus d’embauche suive une démarche transparente que d’être soumis à diverses sollicitations directes et pressions. Ignorant les disponibilités et les qualifications des plus proches voisins de paliers, ce n’est pas tant par conviction que par concours de circonstance, que le norvégien ou l’australien est amené à observer une démarche éthique. L’individualisme en occident ne laisse d’autre choix que celui conforme au principe de transparence. Et encore… Même cet environnement favorable à la moralité des procédures et des actes administratifs n’a pas suffi à éviter des forfaitures.

Birame Waltako Ndiaye

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