L’affaire avait fait les choux gras de la presse en 2005. Le fameux dossier qui oppose Billie Mbaye à l’hôtel «Le Méridien Président» devenu «King Fahd Palace» est toujours pendant devant les juridictions. Aujourd’hui, une manche va se jouer devant la deuxième chambre civile de la Cour d’Appel de Dakar. Poursuivie pour filouterie d’hôtel à hauteur de 5 423 000 Fcfa, Mme Mbaye s’est retrouvée à réclamer à l’hôtel 800 millions Fcfa pour dénonciation calomnieuse, qu’elle a fini par obtenir. Genèse d’une affaire qui n’a pas fini de faire couler de l’encre et de la salive.
Mme Billie Mbaye, née en 1969, demeurant à Bruxelles, présidente du Réseau International des Cadres Africains, Européens, Américains (Icare International) se présente au «Méridien Président» pour prendre une suite présidentielle. La dame, qui en est à son dixième séjour dans l’hôtel, présente sa carte de crédit Mastercard. Elle séjourne dans la suite du 3 au 12 janvier 2005. La facture s’élève à 5 423 000 Fcfa.
La première demande de retrait faite le lendemain de son arrivée, pour une nuitée facturée à 700 000 Fcfa est refusée. Pareil pour la deuxième, introduite le 10 janvier pour un montant de 4 500 000 Fcfa. Face au refus de la cliente de régler la facture et de quitter les lieux, la direction de l’hôtel saisit, le 12 janvier 2005, la Brigade de gendarmerie de Ouakam d’une plainte. Lorsque les pandores sont venus la chercher, elle s’est enfermée dans la suite avec une arme à feu. C’est en peignoir qu’elle a été conduite à la brigade. Placée sous mandat de dépôt le 14 janvier, elle a été jugée le 25 janvier devant le Tribunal des flagrants délits qui l’a déclarée coupable de filouterie d’hôtel et de détention d’arme sans autorisation administrative et l’a condamnée à trois mois d’emprisonnement avec sursis et à payer 5 800 000 Fcfa à la partie civile.
Ses conseils ont interjeté appel. Et le 24 avril 2006, la juridiction de second degré a infirmé le premier jugement et l’a purement et simplement relaxée. L’hôtel forme un pourvoi contre cette décision et la Cour Suprême, alors (Cour de Cassation), dans un arrêt en date du 17 octobre 2006 annule l’arrêt du 24 avril 2005 et renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel de Kaolack.
Avant la saisine de la cour d’appel de Kaolack, Billie Mbaye sert le 2 mai 2006 une assignation en référé devant le président du Tribunal régional hors classe de Dakar pour obtenir la restitution de ses effets personnels.
«ILS M’ONT COMPLETEMENT BOULEVERSE LA VIE»
Dans sa requête aux fins de restitution, Billie Mbaye a expliqué : «je suis venue au Sénégal en mission pour un mois. Je suis restée coincée pendant plus d’un an et demi dans un pays où je n’ai ni maison, ni travail, donc pas de salaire, laissant derrière moi non seulement mon travail, mais aussi ma maison fermée…
Pendant ce temps, eux ils travaillent, perçoivent leurs salaires, vont et viennent, réalisent leurs objectifs. Ils m’ont complètement bouleversé la vie, transformée en cauchemar depuis le jour où les gendarmes sont venus m’enlever de ma suite».
Sur cette demande de restitution, le président du Tribunal régional hors classe de Dakar s’est déclaré incompétent le 3 juillet 2006. Mme Mbaye a formé appel contre l’ordonnance de référé du 3 juillet 2006. Elle essuie un énième revers parce que déboutée le 16 février 2007 par la chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Dakar, qui a estimé que sa demande de restitution était mal fondée. Loin de s’avouer vaincue, Mme Mbaye sort un nouveau tour de sa manche contre l’arrêt du 17 octobre 2006 pour dire que ses droits ont été violés du fait que le procureur de la République en fonction au moment de son arrestation, Lansana Diabé Siby, était membre de la chambre pénale de la Cour de cassation qui avait statué sur son affaire. Elle emporte une bataille. Les chambres réunies de la Cour de cassation lui donnent gain de cause : l’arrêt du 17 octobre 2006 est annulé par celui du 6 mars 2008. L’examen de l’affaire devra atterrir devant la Chambre pénale de la même Cour de cassation. Le 23 septembre 2008, cette dernière renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel de Dakar autrement composée.
Par ailleurs, une autre juridiction, à savoir la Cour d’appel de Kaolack, a infirmé le jugement du 25 janvier 2005, du Tribunal des flagrants délits et relaxé Billie Mbaye puis débouté le Méridien Président de sa constitution de partie civile.
LE DOSSIER PASSE DEVANT LES TRIBUNAUX DE SAINTLOUIS, KAOLACK, DAKAR…
L’hôtel Le Méridien contre attaque, forme un pourvoi contre l’arrêt du 30 mai 20O7 et décroche une annulation de l’arrêt du 30 mai 2007 de la Cour d’appel de Kaolack. Retour à Dakar, devant la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel saisie de ce deuxième renvoi. La juridiction joint les deux procédures et le 3 avril 2009, relaxe Billie Mbaye et déboute le Méridien Président de sa demande de paiement des 5 423 000 Fcfa. Le pourvoi de l’hôtel est rejeté le 18 février 2010.
Sur un autre champ de bataille, l’ancienne cliente privilégiée du Méridien, voit sa requête aux fins de restitution de ses effets personnels déclarée irrecevable par le Tribunal régional hors classe de Dakar, le 29 octobre 2007. Sans doute ragaillardie par les décisions rendues en sa faveur, le 14 novembre 2011, Mme Mbaye sert une citation directe pour dénonciation calomnieuse contre l’ancienne directrice des ressources humaines du Méridien Président et réclame 5 milliards de Fcfa. Le Tribunal correctionnel ne l’a pas suivie et l’a déboutée de sa demande en réparation.
MME MBAYE A ENCAISSE 50 MILLIONS DE FCFA SANS AVOIR PAYE SA FACTURE DE 5 MILLIONS DE FCFA
Le ministère public n’ayant pas interjeté appel, le jugement est donc passé en force de chose jugée, en ses dispositions pénales. Mais curieux rebondissement, saisie d’un appel par la partie civile, la troisième Chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Dakar a alloué le 23 août 2013, 50 millions de Fcfa à Mme Mbaye. Le 4 décembre 2014, la chambre criminelle de la Cour suprême a cassé l’arrêt du 23 août 2013 sur les pourvois croisés de King Fahd Palace et de Billie Mbaye en renvoyant les causes et les parties devant la Cour d’appel de Saint-Louis.
Pleine de ressources, Mme Mbaye saisit la Chambre civile du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar pour rétention arbitraire de ses biens. Le 21 juillet 2015, la Chambre civile condamne King Fahd Palace (Kfp) à payer à Mme Mbaye 800 millions de Fcfa à titre de dommages et intérêts, sous la garantie des deux compagnies d’assurance. Elle ordonne aussi la restitution sous astreinte de 500 000 Fcfa par jour de retard, l’intégralité des biens et des effets de Billie Mbaye. «L’action de la dame Billie Mbaye n’est motivée que par l’appât du gain et l’intention de nuire. Si elle avait payé sa facture d’hôtel le 12 Janvier 2005, il n’y aurait pas eu litige, encore moins toutes les décisions rendues dans cette affaire», indique le King Fahd Palace.
Plus grave encore, selon le Kfp et ses assureurs, «le Tribunal a procédé à une double réparation d’un préjudice simplement allégué et non prouvé, d’une part en ordonnant la restitution des biens sous astreinte de 500.000 F par jour, d’autre part en fixant les dommages et intérêts à la somme de 800.000.000 Fcfa qui, à elle seule, constitue un record dans l’histoire judiciaire du Sénégal ». Ils ont en conséquence demandé à la Cour d’appel de Dakar d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de débouter la dame Billie Mbaye de sa demande de dommages et intérêts comme mal fondée». L’affaire vient ce matin devant la deuxième Chambre civile de la Cour d’appel de Dakar.
L’As