Alors que la campagne du référendum constitutionnel, prévu le 20 mars, est officiellement ouverte depuis le 12 mars à minuit, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) tape déjà du poing sur la table.
Dans un communiqué rendu public la veille, cette instance de régulation indépendante rappelait à l’ordre les médias publics comme privés, déplorant leur fâcheuse tendance à s’émanciper de l’article L.61 du code électoral. Celui-ci stipule notamment que « durant la période des trente jours précédant la campagne électorale, est interdite toute propagande déguisée ayant pour support les médias nationaux publics ou privés ».
Or, selon le CNRA, « de nombreux médias sont en train de rompre l’équilibre entre les courants pour des raisons purement pécuniaires, en diffusant de la publicité politique payante au profit principalement du ‘Courant du Oui’. » Dans le cas de la RTS, la chaîne de télévision nationale, déjà rappelée à l’ordre le 4 mars pour sa « persistance […] dans la violation des dispositions légales et réglementaires qui prévoient un traitement équitable et équilibré des activités des Courants du Oui et du Non », le CNRA considère que celle-ci « persiste dans l’ostracisme du Courant du Non ».
Pour en avoir le cœur net, Jeune Afrique a visionné le journal télévisé de 20 heures du 9 mars, disponible sur le site de la chaîne.
Journée de la Femme… et du « Oui »
S’il est une chose qu’on ne peut pas reprocher à la RTS, c’est bien d’ignorer la Journée internationale de la femme, célébrée chaque année le 8 mars. Au lendemain de cette date symbolique, pas moins de huit reportages (sur un JT d’1 heure et 5 minutes) s’attardaient sur l’événement. Avec une particularité toutefois : les associations de femmes sénégalaises sur lesquelles la chaîne nationale a braqué ses caméras ont quasiment toutes en commun d’appeler à voter Oui le 20 mars. Une pratique qui, selon Babacar Touré, le président du CNRA, « s’apparente à de la propagande déguisée », ce que proscrit le code électoral.
Après avoir évoqué le départ de Macky Sall pour l’Arabie saoudite, puis avoir brièvement donné lecture du communiqué de la présidence de la République annonçant la traduction en huit langues locales des quinze mesures du référendum, le présentateur entre dans le vif du sujet : à l’occasion du 8 mars, « la Fédération des associations féminines assurent un Oui au président de la République ». À l’image, des dizaines de femmes reçues au Palais de la République par le chef de l’État entonnent en boucle : « Oui ! Oui ! Oui ! » Tout au long du reportage, commentaires journalistiques et interventions des témoins célèbrent le bilan de Macky Sall en faveur des femmes.
Au ministère de l’Environnement, le personnel féminin a tenu lui aussi à célébrer la Journée de la femme. Le ministre, Abdoulaye « Bibi » Baldé, venu leur rendre hommage, en profite pour se livrer, en passant, à un plaidoyer en faveur du Oui. Autre reportage : à la Sicap Liberté, la « Coordination des forces vives » de ce quartier de Dakar a organisé pour l’occasion un débat sur le thème « Rôle et devoirs de la femme dans un contexte d’émergence ». Santi Sène Agne, le maire de la commune, lance un appel vibrant pour le Oui. À quelques encablures de là, le « Réseau des femmes de la Médina pour l’émergence » a organisé son raout. La RTS nous apprend qu’ « elles vote[ro]nt Oui inconditionnellement ». Et le porte-parole du gouvernement et du parti présidentiel, Seydou Guèye, de saluer leur détermination à soutenir un « projet innovant [et] progressiste ».
Pas une seule voix du camp du Non
À l’extrême gauche de l’échiquier politique, l’enthousiasme n’est pas moins affirmé. À Thiès, nous apprend la RTS, « les femmes du PIT [ Le Parti de l’indépendance et du travail, allié de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar, NDLR] votent également Oui au référendum ». La chaîne nationale cadre en gros plan une femme qui scande à plusieurs reprises : « Un oui massif ! » Position allègrement relayée par Mansour Sy, le ministre du Travail, qui a fait le déplacement.
Les autres reportages de la RTS sur la Journée de la femme – tous sauf un – seront du même tonneau. Sans compter ceux qui portent directement sur le référendum. On apprendra donc que le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne est parti rassurer le khalife général des mourides à propos du texte référendaire à l’occasion du Magal de Mbacké Cadior, où il était escorté par Aly Ngouille Ndiaye, le ministre des Mines. « Rien ne va à l’encontre de la croyance ou de la religion dans le texte », l’a-t-il rassuré. Un autre sujet a pour but d’expliquer aux téléspectateurs l’intérêt spécifique de trois des quinze mesures, « destinées à approfondir la démocratie ».
Quant au ministre de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo, on apprend qu’il s’est rendu dans une école de police de Dakar pour vérifier que tout était fin prêt en vue du vote anticipé des militaires et paramilitaires. Une occasion, pour la RTS, d’évoquer l’organisation du vote des Sénégalais de l’étranger, mais aussi de permettre au ministre en charge d’organiser le référendum de procéder à un rapide plaidoyer en faveur du Oui.
Au terme du JT, où pas une seule voix ne s’était faite entendre pour relayer les positions du camp du Non, une seule question restait en suspens. A quoi bon un référendum si tout le Sénégal est unanime pour voter Oui ?
jeuneafrique.com
C’est cette démocratie que paraît il le monde entier nous envie . Que c’est triste pour le Sénégal qui mérite certainement mieux.
C’est ça la démocratie que paraît il le monde entier nous envie .Que c’est triste , le Sénégal mérite certainement mieux…..