Faisant suite au fort taux d’abstention enregistré lors du référendum de dimanche 20 mars 2016, la réaction du Ministre de l’intérieur semble tout à fait inopportune voire impertinente qui consisterait à nettoyer le fichier électoral de ce qu’il appelle « le stock mort », c’est-à-dire la cohorte des citoyens qui, depuis 2005, n’ont pas voté.
Ils seraient au nombre de 1 500 000 inscrits dans le fichier et qui ne votent pas. Il faudrait procéder, souhaite le ministre, à une refonte, en les éliminant. A-t-on cherché de savoir pourquoi ces citoyens-là ne votent pas ? Surtout pour ce référendum. Il faudrait commencer d’abord par s’interroger avant le grand nettoyage. Il faut avouer que l’engouement pour ce référendum ne pouvait être que très faible, en ce que la quasi-totalité des citoyens n’ont pas bien compris de quoi il était vraiment question, surtout que le référendum a été présenté comme une « élection » opposant le Président Macky Sall à une certaine « opposition » qui voudrait le faire partir. Encore une fois, au regard de l’imaginaire, la perception que l’on se fait est parfois plus importante que la réalité elle-même.
Mon avis est qu’il est très discutable et très problématique de lier le bilan du référendum de dimanche, dont la faible participation au vote, à cette seule situation qui perdure depuis 2005. Il faut chercher ailleurs ou du moins approfondir l’analyse des causes des défections. Surtout qu’il est aussi reconnu que 190 000 électeurs n’ont pas pu voter « à cause de la panne d’une machine » qui confectionne les cartes d’électeurs. Dans ce cas-là, c’est la responsabilité pleine et entière du ministère de l’Intérieur qui est engagée. C’est bien sa faute. C’est vraiment incompréhensible à tous points de vue et, à certains égards, c’est beaucoup plus grave que le droit d’un citoyen de s’abstenir de voter s’il n’y trouve aucun intérêt.
Il est curieux et paradoxal, en revanche, de vouloir nettoyer ce fichier en y ôtant les noms des citoyens qui n’ont pas voté depuis 2005 et de vouloir, en même temps, instaurer « une carte biométrique » qui fusionnerait la carte nationale d’identité et la carte d’électeur. Est-on dans la dynamique d’ôter ou dans celle de fusionner ? Même si les deux ne paraissent, peut-être pas incompatibles, on ne sera pas plus avancé, car on semble vouloir une chose et son contraire.
Il me semble plus pertinent d’informer mieux et davantage les citoyens à la nécessité d’accomplir leurs devoirs civiques, mais on ne peut pas les obliger à le faire s’ils n’y trouvent aucun attrait. Il faut savoir que la quasi-majorité des citoyens de ce pays manifeste un fort désaveu voire un rejet manifeste de plus en plus important vis-à-vis des affaires politiques, des politiciens et de certains intellectuels de la société civile.
La solution n’est pas d’effacer des noms, loin s’en faut, mais certes d’inciter les citoyens à la nécessité d’accomplir leurs devoirs. Ainsi, informer et éduquer son peuple sont les seules voies possibles d’un État responsable et conscient de sa mission régalienne. Tout cela, évidemment, appelle l’exigence d’une nouvelle conscience politique et éthique qui fait grandement et gravement défaut aujourd’hui. Autrement dit tout cela suppose une nouvelle manière de faire de la politique qui réconcilie les Sénégalais, voire les abstentionnistes, avec leurs leaders, avec tous leurs leaders.
Le peuple souhaite voir émerger de nouveaux leaders politiques qui agissent, se comportent et pensent autrement et qui auront compris que politique, éthique et intérêt national vont ensemble. Quand cela se fera, il n’y aura alors aucun doute à ce que les taux d’abstention ne baissent, car les citoyens auront alors confiance pour participer pleinement à la chose politique sans y voir le domaine des calculs, du pouvoir et des positionnements d’intérêts personnels, du mensonge, de la transhumance, de la quête de prébendes, toutes choses qui la travestissent et la dénaturent.
Pr Ibrahima Sow
Directeur du Laboratoire de l’imaginaire
Ils ont pu titrer, et la plupart du temps dans le cadre de publireportages payés, des « Mimi Touré a pris sa revanche sur Khalifa Sall », « Idy a perdu le département de Thiès », « Aïda Mbodj a perdu… », Baldé a perdu… » Gakou a perdu… », Omar Sarr a perdu… », « Moussa Sy a perdu… », « Khoureysi Thiam a perdu… », etc.
Des « vengeances » et des « défaites » qui leur étaient restées au travers de la gorge depuis 4 ans. Et pour en arriver à bout, ils se sont partagés 1 213 bureaux de votes fictifs. Quelques bureaux fictifs, suivis d’un gros titre dans la presse et la « vengeance » est dans la poche.
A Mimi 20 bureaux fictifs, par exemple. Et elle doit organiser une conférence de presse pour annoncer qu’elle vient de se venger. Ndeysane ! Donc ça faisait autant mal ? Mais avec des bureaux fictifs, elle ne s’est vengée que dans les titres de presse.
A l’APR Thiès il faut attribuer un quota de 100 bureaux fictifs, parce que l’enjeu est de taille. Il faut pouvoir titrer que Idy a perdu ce qui est présenté comme son fief.
A Guédiawaye le frère du président avait aussi besoin de son quota de bureaux fictifs. Et pour le titre de presse qui devait suivre. Aliou, tu es journaliste, on met quoi ? « Gakou perd chez lui » ou « La déroute de Gakou » ? Mettons « La déroute de Gakou chez lui ».
Sidiki Kaba s’est trop vite affolé pour voter dans la poubelle. Quelques bureaux fictifs pour lui remonter le moral.
Un gros lot de bureaux fictifs à Bambey pour couper à Aida Mbodj ses fanfaronnades. Un autre lot de bureaux fictifs pour effacer dans les titres de presse que la Casamance est le fief de Baldé.
Sada Ndiaye avait fait le sacrilège de battre Macky dans le village de sa mère. Lui, on le supprime simplement de la liste des votants. Ainsi, puisqu’il n’existe plus comme électeur, il ne pourra pas faire le dos rond.
Dans la perspective des prochaines élections, il ne doit plus exister, dans la mentalité des sénégalais, et parce que la presse va le répéter, une zone dite fief d’un opposant. Seuls les gens de Macky, et lui même pour Fatick, doivent avoir des fiefs. Et pour y arriver, une solution simple: un partage de 1 213 bureaux fictifs, et des titres de presse qui vont s’en suivre.