Pour désengorger la capitale, les autorités sénégalaises ont décidé de construire une ville nouvelle en grande banlieue. Où en est-on ?
En dépit de l’heure matinale et de la poussière soulevée par le vent sec qui souffle sur l’immense étendue de terre argileuse, les ouvriers sont déjà à pied d’œuvre. Nous sommes à Diamniadio, la ville nouvelle censée désengorger Dakar. Établie à 30 km au sud-ouest de la capitale, à 15 km au nord du futur aéroport international Blaise-Diagne (en construction) et au carrefour des grands axes routiers menant vers l’intérieur du pays (RN1 et RN2), Diamniadio bénéficie d’une situation privilégiée. Elle dispose aussi, à l’ouest, d’une ouverture maritime sur la grande côte atlantique (près de Rufisque) et, surtout, de 2 000 ha de terrains disponibles. Selon les urbanistes, le futur pôle urbain, qui fait partie du plan Sénégal émergent (PSE), est un premier grand pas vers la rationalisation de l’aménagement du territoire.
Des appartements économiques
Parmi les « développeurs » du projet, le sénégalais Générale de travaux publics et de négoce (Getran) et SénégIndia, fondé en 2008 en partenariat avec deux groupes indiens (Swaminarayan Vijay Carry Trade et Gorasiya Farm), sont les tout premiers à avoir commencé leurs travaux, en mai 2014. Quatre autres groupes ont été retenus pour exécuter les programmes de la première phase de développement : Teyliom (présidé par Yérim Sow), les marocains Alliances et Médina Invest, et l’émirati Doozy Gulf Group. L’État leur a alloué des terrains à titre gracieux, à charge pour eux d’y investir pour les viabiliser, les aménager, puis de commercialiser leurs projets auprès des clients – administrations, collectivités, entreprises et particuliers.
Sur les 58 ha qui lui ont été attribués, SénégIndia bâtit la SD City. La première phase de construction porte sur près de 2 500 appartements et maisons économiques, de moyen standing ou de haut de gamme (qui doivent être livrés d’ici à la fin de 2019). Elle comprend aussi des équipements sanitaires, socioculturels et sportifs, un hôtel cinq étoiles, des centres commerciaux et plus de 10 000 m2 d’espaces verts, indique Pape Mor Diop, l’administrateur du projet. S’y ajoutent des kilomètres de voirie et de pistes cyclables.
La livraison des premiers programmes résidentiels, prévue initialement en décembre 2015, a été retardée en raison de la difficulté d’accéder aux chantiers pendant la saison des pluies
Une première rangée d’immeubles est déjà prête, surplombée par les immenses grues du chantier des résidences de grand standing qui vient de s’ouvrir. Les tractopelles y ont creusé d’impressionnantes excavations. Un préalable essentiel car le sol de Diamniadio est instable, et, avant d’engager la moindre construction, il est indispensable de procéder à des études techniques pour garantir les fondations. « C’est la raison pour laquelle tout est surdimensionné. Mais ce n’est rien comparé aux constructions en zone sismique ! C’est tout à fait surmontable », assure l’ingénieur de la société. Quelques arpents plus loin, nouveau régiment de grues géantes, peintes en bleu. C’est l’un des chantiers de Getran Immo. Ici aussi, un premier lot d’une dizaine d’immeubles est quasi prêt.
La livraison des premiers programmes résidentiels, prévue initialement en décembre 2015, a été retardée en raison de la difficulté d’accéder aux chantiers pendant la saison des pluies, mais elle est prioritaire. Les 100 premiers logements de la SD City seront prêts fin avril. Et d’ici à cinq ans Diamniadio devraient compter au moins 40 000 maisons et appartements. De quoi accueillir 300 000 habitants et répondre à l’un des objectifs prioritaires du PSE : pallier au plus vite l’énorme déficit en logements de Dakar. Lequel s’élevait fin 2015, selon le ministère du Renouveau urbain, de l’Habitat et du Cadre de vie, à plus de 150 000 unités.
La voirie primaire
Les travaux de la voirie primaire – joliment baptisée « Boucle du germe de ville » -, colonne vertébrale de l’aménagement du pôle et de ses centres, ont débuté en septembre 2015 et devraient s’achever en août. L’embryon de ville prend forme. L’une des forces du projet, sur le papier, est la mixité sociale mais aussi fonctionnelle imposée aux développeurs. C’est-à-dire qu’outre des logements pour toutes les classes sociales ils doivent intégrer dans leurs aménagements des services et des équipements sociaux, culturels et sportifs, des bureaux, des commerces, des lieux de culte, des voiries, voies piétonnes et espaces publics aménagés… Bref, tout ce dont les habitants ont besoin pour se sentir dans une « vraie » ville. Et pas dans une cité-dortoir.
Pour éviter de reproduire l’hyperconcentration des services de l’État et de l’administration dont souffre Dakar, des « pôles ministériels » seront disséminés dans les différentes cités de la ville nouvelle. Un vaste terrain de 700 ha est cependant réservé, au cœur de Diamniadio, au développement d’un quartier bien particulier. Pour le moment, seul y trône le Centre international de conférences Abdou-Diouf.
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La première des deux plateformes industrielles intégrées prévues dans le plan d’aménagement de Diamniadio est presque terminée
Construit en un temps record pour abriter le XVe sommet de la Francophonie, en novembre 2014, il accueillera à terme un grand hôtel, une dizaine de bâtiments d’affaires et, surtout, un parc numérique de 26 ha. La première des deux plateformes industrielles intégrées prévues dans le plan d’aménagement de Diamniadio est, elle, presque terminée. Dotée d’un hangar de 7 000 m2, elle pourra accueillir 60 entreprises, sur 52 ha.
Enfin, depuis le chantier de la SD City, on peut observer le chassé-croisé incessant des camions chargés de latérite sur le chantier de la future deuxième université de Dakar : l’université Amadou-Mahtar-Mbow. C’est le cabinet ivoirien DNK (de Dominique Doumi-Kouakou) qui a remporté l’appel d’offres international pour la réalisation de ce nouveau campus. Coût estimé : 75 milliards de F CFA (114 millions d’euros). La pose des fondations s’achevant tout juste et le terrassement venant de commencer, il est cependant peu probable que l’établissement puisse ouvrir comme prévu pour la rentrée académique d’octobre.
Une smart city pour un développement durable
Écoquartiers, gestion des services informatisée, performance énergétique… Le nouveau pôle urbain devrait être un modèle de ville intelligente. L’aménagement de Diamniadio est conçu selon une vision à long terme, comme le veut le principe de smart city (« ville intelligente »), qui consiste à construire et à organiser la ville en anticipant ses besoins à moyen terme et à long terme dans un esprit de développement durable. Cerise sur le gâteau, à Diamniadio, les technologies numériques occuperont une place essentielle.
D’où l’implantation d’un parc numérique de 26 ha doté d’une panoplie d’installations électroniques : immeubles (dont trois tours d’entreprises) équipés d’infrastructures numériques de pointe tout en « nuage », centre de données, pôle de développement de logiciels, plateforme d’appels, centres de formation, de recherche, de production audiovisuelle et multimédia, services d’e-commerce, incubateur d’entreprises, bâtiment de séjour pour les étudiants… Objectifs ? Attirer des sociétés nationales et multinationales, améliorer les services de l’e-gouvernement et dynamiser les activités de recherche et développement. Financé à hauteur de 70,6 millions d’euros par la Banque africaine de développement (BAD), le parc devrait générer 35 000 emplois directs et 105 000 emplois indirects à l’horizon 2025.
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L’aménagement de plus de 200 ha d’espaces verts et de lacs artificiels donnera tout son sens au concept d’écoquartier
Ce centre nerveux numérique permettra aussi de « piloter » les applications conçues pour mieux organiser la ville, comme la gestion informatisée du trafic routier et de la sécurité ou les performances énergétiques. Un volet qui occupe une place majeure dans la planification de Diamniadio : une centrale solaire d’une puissance installée de 15 MW fournira une énergie propre, et, sur les différents sites, la conception architecturale des bâtiments doit leur permettre de capter davantage la lumière du soleil et d’améliorer la circulation de l’air.
Par ailleurs, l’aménagement de plus de 200 ha d’espaces verts et de lacs artificiels donnera tout son sens au concept d’écoquartier. Enfin, l’implantation d’une usine de matériaux de construction dans l’un des parcs industriels répondra directement aux besoins de Diamniadio et du Lac-Rose (autre projet de pôle urbain), puis, dans leur prolongement naturel, des villes de Thiès et de Mbour.
L’AUTOROUTE EST LÀ, ET LE TER SUIT
Contrairement à Dakar où, malgré les efforts des gouvernements successifs pour améliorer la mobilité, l’enclavement provoque des embouteillages cauchemardesques, Diamniadio a pris les devants en matière de desserte. D’abord avec l’autoroute à péage, qui, depuis août 2013, permet de parcourir les 30 km séparant le centre de la capitale de la ville nouvelle en vingt minutes, contre quatre-vingt-dix auparavant. C’est la première autoroute de ce type en Afrique de l’Ouest, et la première infrastructure routière réalisée dans le cadre d’un partenariat public-privé au sud du Sahara. Le tronçon de 16,5 km reliant Diamniadio à l’aéroport international Blaise-Diagne (AIBD) de Diass, réalisé par Eiffage-Sénégal, est presque terminé, et China International Water and Electric Corp. (CWE) prend le relais pour prolonger l’autoroute de 55 km, de l’AIBD à Thiès via la cité balnéaire de Mbour.
Un projet qui répond à la volonté des pouvoirs publics de rééquilibrer les activités de la capitale vers Diamniadio, Thiès et Mbour. Côté ferroviaire, les choses avancent aussi. Piloté par l’Agence de promotion des investissements et grands travaux (Apix), le chantier du train express régional (TER) électrique, première liaison ferroviaire rapide du pays, doit commencer dans le courant du second semestre, pour une mise en circulation en 2019. Depuis la gare centrale de Dakar, il desservira 14 stations jusqu’à l’AIBD. Un trajet de 57 km, qu’il effectuera en quarante-cinq minutes, pour un trafic passagers estimé à 115 000 voyageurs par jour.
En attendant, la société de bus Dakar Dem Dikk (DDD) étend son réseau pour couvrir les nouvelles zones d’habitation et d’activité. Elle met aussi en place des lignes express, comme, depuis juin 2015, la liaison sans arrêt entre la corniche ouest et Keur Massar, en grande banlieue est, via l’autoroute à péage (soit 26 km). Prix du trajet : 500 F CFA (0,75 euro).
Amadou Oury Diallo
JEUNEAFRIQUE.com
trop bien si c’est réalisé !! on verrabien !!