Si le Sénégal doute encore de la relation que le Président Yahya Jammeh entretient avec la notion de sincérité, il est servi depuis six semaines que dure le boycott de la Transgambienne. Après avoir demandé à son gouvernement de rencontrer les autorités sénégalaises avant de leur faire faux bond, Jammeh qui a pourtant demandé une seconde chance pour discuter avec le Sénégal souffle le chaud et le froid.
Samedi 02 avril dernier, soit deux jours après les excuses officielles de son ministre des Affaires étrangères, le Président Jammeh a déroulé sa nouvelle stratégie visant à retourner en sa faveur certaines populations des villages de Casamance situés le long de la frontière avec la Gambie. C’est ainsi qu’il a convoqué, dans son palais de Kanilai, un groupe de notables influents de plusieurs localités dont des chefs de village et des chefs coutumiers, des autorités religieuses écoutées dans leurs communautés, ainsi que des conducteurs de véhicules de transport en commun et de bagages accompagnés de leurs apprentis.
Nos sources à Banjul informent que lors de la réunion au palais de Kanilai, le leader gambien a incité et encouragé ses hôtes à manifester publiquement contre la fermeture de la frontière, en accusant le Président Macky Sall et son gouvernement d’en être les auteurs et les instigateurs. « De gentils conseils ont été prodigués à ces personnes sur l’attitude à adopter pour s’ériger en victimes des conséquences du boycott de la frontière », informe une autre source. « De fortes sommes d’argent ont été remises aux visiteurs venus de la Casamance sur demande de « Oga » (surnom donné à Jammeh par ses gardes du corps) afin de les aider à assurer les coûts de la mobilisation des populations des localités frontalières de la Gambie », confirme une troisième source.
« Ne soyez pas surpris d’entendre des voix s’élever contre le contournement dans cette partie proche de notre pays où les populations viennent toujours cultiver les champs de « Oga » et faire la fête avec lui, lors de ses nombreux festivals. La situation économique est catastrophique en Gambie et il ne manquera aucune occasion pour que le Sénégal lâche prise », avertit l’une de nos sources gambiennes.
Cette offensive de Jammeh pour monter les populations et l’opinion publique des localités frontalières de Casamance contre les autorités du Sénégal vient s’ajouter à la saisine de la Commission de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) par le leader gambien. Qui accuse le Sénégal d’entraver la libre circulation des personnes et de leurs biens, à travers le contournement de la Transgambienne. Car pour Jammeh, sa décision unilatérale d’augmenter les frais de la traversée de 4000 francs CFA à 400 000 francs CFA n’est pas une provocation voire une tentative d’extorsion, ou encore une faute similaire à celle qu’il accuse le Sénégal de commettre.
C’est là toute la contradiction dans la démarche de Jammeh qui, d’un côté envoie une foule d’émissaires auprès de chefs religieux sénégalais pour faire plier l’Union des routiers qui boycotte la Transgambienne. Et d’un autre côté reste inflexible sur sa hausse de tarif unilatérale, et essaye de monter les populations sénégalaises contre leur État et demande que la CEDEAO punisse le Sénégal.
EnQuête