Macky Sall annonce des concertations avec l’opposition. Et le chef de l’Etat estime que le Pds doit être «au premier rang» de ce dialogue politique. Une logique de concrétiser le statut de chef de l’opposition ? En tous les cas, il n’a pas manqué, lors de la cérémonie de présentation de condoléances à Oumou Salamata Tall qui a perdu son fils aîné, de faire les yeux doux à son ancienne formation et à son secrétaire général, Abdoulaye Wade.
Le chef de l’Etat semble dans une logique de «coexistence pacifique» avec son opposition, après la «guerre froide» du référendum et, bien sûr, de l’emprisonnement de Karim Wade. «Je vais appeler à des concertations avec l’opposition. Et le Pds doit être au premier rang, à propos de ces concertations. Sur ce, je vais rencontrer, prochainement, le coordonnateur du Pds, Oumar Sarr, à qui je rendrai visite pour lui présenter mes condoléances, suite au décès d’un de ses parents», rapporte le site actusen.com. Le Président Sall a fait cette déclaration samedi au domicile de Oumou Salamata Tall à qui il était parti présenter ses condoléances suite au décès de son fils Thierno Datt. C’est un Macky Sall aux mots et au ton nostalgiques de ses ex-«frères» d’armes du Parti démocratique sénégalais qui parle. «Vous êtes ma famille. Je suis content, je vois des frères et des sœurs, à l’image de Amadou Kane Diallo. On est de la même famille et si je suis président de la République, vous devez en être fiers parce que c’est le Pds qui m’a tout donné», rapporte la même source.
Clin d’œil à Wade et à Aïda Ndiongue
A l’endroit de son prédécesseur au Palais, qui s’est retiré à Versailles depuis près d’un an, le «fils» a eu une sympathie pour le «père». «Quand je suis passé devant le domicile du Président Abdoulaye Wade, beaucoup de souvenirs m’ont envahi. Sama yaram dafa daw (j’ai été étreint d’émotions)», aurait-il lâché. Cette logique de dégel se prolonge avec l’ancienne sénatrice libérale qui a purgé une peine préventive avant de se voir lavée dans le dossier des produits phytosanitaires. Et Macky Sall aurait donc fait une «accolade» à Aïda Ndiongue qui était aussi parmi l’assistance. Et de lui lancer, selon toujours actusen : «Vous êtes ma grande sœur, vous êtes vraiment ma grande sœur.» Mme Ndiongue de répondre : «Vous êtes mon frère, M. le Président?!»
Va pour le statut du chef de l’opposition !
En fait, Macky Sall a besoin de ces concertations d’autant plus que dans les réformes adoptées, et promulguées depuis le 5 avril dernier, selon Libération du Week-end, il est question de garantir à l’opposition un statut. Mais tous ses compliments vont-ils jouer sur la ligne radicale des Libéraux depuis l’emprisonnement de Karim Wade, leur candidat à la Présidentielle ? Il y a que Macky Sall, qui place le Pds «au premier rang» des partis avec lesquels il compte dialoguer, peut aussi diviser ce vaste front du Non/Gor ca wax ja qui tente de se retrouver, comme pour le référendum, aux Législatives de 2017. Car, s’il est vrai que le «Oui» a été massif le 20 mars dernier avec 62, 64%, les 37, 36% (soit 815 655 de voix) de «Non» ne peuvent être négligeables.
Il faut souligner que l’appel du chef de l’Etat au dialogue, au lendemain du référendum, avait été rejeté par ce front de l’opposition qui ne reconnaît pas les résultats et réclame le départ du ministre de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo, et du président de la Cena, Doudou Ndir. Cependant, depuis quelques semaines, des personnalités, comme El Hadj Mansour Mbaye ou Abdoulaye Mbaye Pekh, ne cessent d’inviter Macky Sall à dialoguer avec l’opposition.
Échec de la politique de diabolisation. Macky Sall veut tenter de devenir humain. Mais le problème se trouve ailleurs. Macky Sall a testé sa stratégie de diabolisation, et aujourd’hui il veut changer de style pour tester autre chose, tout ceci à la tête d’une république. Ses différents tests ont à chaque fois entraîné des mouvements de masses, et surtout des mouvements d’humeur, de haine. Macky a poussé son jeu jusqu’à fabriquer une haine tenace entre sénégalais. Or il n’a absolument pas été élu pour apprendre aux sénégalais à se haïr. Et au nom de ses intérêts politiques, il ne devait pas avoir comme idée que le jeu en vaut la chandelle. Un président d’une république ne doit pas se permettre la liberté d’avoir des objectifs qui ont comme soubassement la haine entre ses citoyens. Et pire, ce n’est pas par un coup de sifflet, par une déclaration publique et médiatisée qu’il arrêtera la machine qu’il a lancé au sein du peuple sénégalais.
Le sommet de la république n’est pas un terrain de jeu pour tester différents scénarios de destruction de citoyens.
Dans tous les cas de scénario possibles, le PDS en particulier et l’opposition de façon générale se doivent de saluer ces indices de dégel de la crispation du climat politique depuis 2012, même avec prudence il est vrai. Les déclarations de Macky Sall dans un contexte actuel bouillonnant entre lui et l’opposition ne sauraient être prises à la légère et banalisées. Si un brin d’humanisme lui fend l’esprit et le ramène à des sentiments d’exception qui éloignent du nihilisme et de l’adversité aveugle sans raison, toute la classe politique doit s’en féliciter après moult revendications qui, toutes, portent sur l’absence de dialogue entre le camp du pouvoir et l’opposition. Le reste sera à coup sûr un détail qui arrondira les angles afin que le son de cloche des retrouvailles retentisse pour le plus grand bien des sénégalais attentifs du progrès social à tous les niveaux !