On savait que le ridicule ne tuait point au Sénégal. Mais, on ignorait encore que certains de nos compatriotes pouvaient se permettre d’insulter notre intelligence, en nous prenant pour des demeurés. Le maire de Ziguinchor, Abdoulaye Baldé, qui sait pertinemment qu’il est sous contrôle judiciaire dans l’affaire de la traque des biens supposés mal acquis et que pour sortir du territoire national, il lui faut une autorisation du procureur, a décidé de se rendre, avec une forte délégation, dans la ville gambienne de Kanifing qui est en jumelage avec Ziguinchor.
Naturellement refoulé de la frontière, l’ancien ministre d’Etat, non moins juriste de formation, soutient s’en être ouvert au chef de l’Etat, en lui envoyant une lettre d’invitation que son homologue gambien, lui avait adressée. Comme si le président de la République du Sénégal n’avait rien d’autre à faire que de s’occuper de festivités entre des villes gambienne et sénégalaise, lui s’attendait alors à une autorisation en provenance du Palais, avec les emblèmes de la République.
Sachant parfaitement qu’il serait éconduit comme un malpropre, Abdoulaye Baldé se pointe à la frontière avec ses militants et sympathisants, en plus de quelques journalistes triés sur le volet pour relayer les faits. Une scène de théâtre à l’image du retour d’Omar Sarr de la Mauritanie, avec l’air de narguer les autorités étatiques, particulièrement les forces de sécurité.
Nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, l’ancien homme fort du régime sous Abdoulaye Wade, rue dans les brancards et crie au scandale. Pis, il s’est même permis de dire qu’il voulait profiter de ces festivités de quatre jours pour décanter la situation ou le blocus entre le Sénégal et la Gambie. Diantre ! Dans quel pays sommes-nous pour que tout un chacun, puisse se permettre de se lever un bon matin, muni d’un mandat divin pour aller négocier pour le compte du Sénégal.
La dernière fois, c’est un ancien joueur de football qui a perdu ses crocs depuis 2002, récemment bombardé de titre d’ambassadeur itinérant, sans savoir au juste en quoi consistait son rôle, qui est allé rencontrer le président gambien pour dit-il négocier on ne sait quoi.
Pourtant la diplomatie sénégalaise fait preuve d’une sérénité extraordinaire depuis le début du blocus. Ni les pyromanes, encore moins les chasseurs de primes encagoulés, n’ont encore réussi à faire flancher Dakar. Macky Sall reste zen. Il garde un silence bruissant de paroles, qui gêne terriblement Banjul. L’étau se resserre d’ailleurs chaque jour davantage sur le régime de Jammeh, de plus en plus isolé diplomatiquement.
Il ne reste à Dakar qu’à mettre les bouchées doubles pour réaliser la grande corniche devant permettre aux Sénégalais de contourner la Gambie. Ce, quel que soit le prix. N’a-t-on mis plus de 400 milliards F Cfa sur l’autoroute Ila Touba, dont beaucoup d’économistes se demandent encore si c’est nécessaire, sans parler de la rentabilité de l’infrastructure ?
La seule voie du salut pour mettre fin aux humeurs de Jammeh, c’est le contournement –à défaut de la multiplication des navettes fluviales et des vols réguliers à des prix abordables -parce qu’un pont ne verra pas le jour sous son magistère.
Un paradis fiscal Karabane : on veut vendre du vent à qui ?
La volonté de Pierre Goudiaby Atepa de transformer l’île de Karabane en une zone de libre-échange aux allures de paradis fiscal en intrigue plus d’un. Comment une ville peut-elle disposer à elle seule, de règles différentes de celles applicables sur le reste du territoire sénégalais ? Mieux, comment peut-on prétendre construire un paradis fiscal dans un pays qui a ratifié les accords de l’OCDE ? Notre confrère Madiambal Diagne, qui a tiré la sonnette d’alarme, a reçu une réponse cinglante de la part de l’architecte. Mais ses interrogations demeurent. La vigilance aussi.
Dans sa réponse au président du groupe Avenir Communication, Pierre Goudiaby Atepa en a profité pour revenir sur un excellent article qu’un très grand journaliste de Sud Quotidien d’alors, avait signé et intitulé «Atepa vend du vent à Wade», en parlant de la Porte du millénaire. Un simple détour par ce lieu suffit pour s’en convaincre. L’endroit est devenu un dépotoir d’ordures, sans occulter l’indignation qu’il avait suscitée et continue de susciter pour certains fidèles omariens.
Il est donc légitime de se demander si ce n’est pas encore du vent que l’on essaie de vendre à Macky Sall. Ce ne sont pas les membres de la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS) qui nous démentiront. Ils attendent encore les ordinateurs qui leur avaient été promis. A la place, M. Goudiaby leur avait remis un chèque de 200.000 F Cfa, qui lui avait été retourné, illico.
Diouf Sarr et les cumulards
La toute dernière farce a été administrée aux sénégalais par le ministre de la Gouvernance locale Abdoulaye Diouf Sarr. Là, également, pas besoin d’aller à la faculté de droit pour savoir que le maire de Yoff s’est planté. Il faut certes, traquer les cumulards surtout quand ils violent la loi. Mais, en réparant une injustice, il faut aussi éviter d’en créer une autre ou d’abuser de son pouvoir.
Il ne fait l’ombre d’aucun doute que Mme Aïda Mbodji n’avait pas le droit d’exercer trois mandats électifs comme le lui interdit la loi. Mais, pour y mettre un terme, si, elle n’agit pas volontairement, il faut suivre une procédure pour aboutir à sa destitution. Hélas, il n’y a eu dans ce cas d’espèce, ni mise en demeure, et pas le moindre avertissement. Diouf Sarr a simplement fait dans l’excès de pouvoir parce qu’il n’a aucune prérogative à prendre un décret qui est un pouvoir réglementaire dévolu au président de la République.
Mieux, pour éviter toute interprétation politique ou politicienne, l’idéal aurait été qu’il commence par destituer les élus de l’APR. On se demande même si, n’eût été le rôle de vigie des médias, Aliou Demba Sow et autre Daouda Dia auraient subi un tel sort. On n’en est pas si sûr. Ils ne sont que des victimes, que l’on appellera dommages collatéraux, pour éviter le deux poids, deux mesures. Mais Diouf Sarr risque de subir un camouflet à l’instar de son collègue de l’éducation nationale, Sérigne Mbaye Thiam. Parce que la chambre administrative de la Cour suprême risque de casser cette décision, en cas de saisine.
Abdoulaye Thiam
sudonline.sn
« N’a-t-on mis plus de 400 milliards F Cfa sur l’autoroute Ila Touba, dont beaucoup d’économistes se demandent encore si c’est nécessaire, sans parler de la rentabilité de l’infrastructure ? »
Cette autoroute sera l’un des plus grands scandales qui vont secouer le pays dans les années à venir pour peu que de nouveaux dirigeants courageux veuillent y voir clair.
Sans parler de son opportunité, fort discutable (au passage, aucune étude du genre ni de faisabilité n’a été publiée !), à dire d’expert, cette infrastructure de 115 km devrait coûter mois de 200 milliards de F CFA. Compte tenu des caractéristiques de l’infrastructure (linéaire, profil, niveau de service attendu, etc.), du relief plat entre Thiès et Touba (pas de grands travaux de terrassements, pas de gros déblais ou remblais), des matériaux (carrières assez proches du chantier, ne nécessitant pas un grand coût de transport), du coût de la main d’œuvre qui n’est pas élevé (les Chinois feront d’ailleurs appel à leur propre main d’œuvre moins chère, plus productive et beaucoup plus disciplinée !) et des optimisations encore possibles, des experts évaluent le coût global du projet à 180 milliards au maximum. Or, au budget initialement annoncé de 400 milliards, une rallonge de 17 milliards a été ajoutée. Ainsi donc, 237 milliards (417-180) risquent d’être simplement détournés !
Certains sceptiques diront que c’est impossible de construire un tel projet à 180 milliards en prenant comme repères les autoroutes Dakar-Diamniadio et Diamniadio-AIBD. Justement, combien ont réellement coûté ces projets ? Qu’est-ce qu’on attend pour les auditer ? Le jour où une évaluation sérieuse en sera faite, les Sénégalais auront de grandes surprises !
Alors que les études de trafic et de rentabilité font partie des études préalables qui doivent justifier la réalisation ou l’abandon du projet, pour l’autoroute Thiès-Touba, elles n’ont été lancées (par Ageroute) qu’après le démarrage des travaux !!! A quoi bon alors, si ce n’est un simulacre ? Si elles révélaient la non rentabilité de l’infrastructure, arrêterait-on les travaux qui ont déjà commencé ? Scénario inimaginable ! Quelle justification le Macky donnerait-il au Khalif de Touba qui a été mobilisé pour aller poser la première pierre ? De combien sera le niveau du péage ? Retenons que sur le tronçon Patte d’Oie – Diamniadio long d’à peine 25 km, il faut payer 2000 FCFA en véhicule léger. Je vous laisse imaginer le tarif sur 115 km !
Une dernière remarque : l’autoroute est, semble-t-il, baptisée « Ila Touba » (traduction : Vers Touba). Dans le sens Touba-Thiès, comment l’appellera-t-on ? Quand d’autres autoroutes seront construites, reproduira-t-on la même nomenclature (Ila Mbour, Ila Tivaouane, Ila Saint-Louis…) ? Le jour où l’autoroute se prolongée jusqu’à Linguère ou Matam, changera-t-on le nom pour dire « Ila Linguère » ou « Ila Matam » ? Se rend-on vraiment compte de l’absurdité du slogan « Ila Touba » qui n’a été trouvé que pour appâter l’électorat mouride ?
PS : Je suis de Touba et j’ai eu à discuter de ce projet dernièrement avec un proche – pour ne pas dire bras droit – du Khalif à l’occasion d’une récente rencontre à l’étranger : il a esquivé ! Les tentacules du lobby ont vraisemblablement atteint le sommet !