La nationalité ne se mérite pas, elle ne se transmet pas non plus. C’est l’expression d’un ancrage qui se vit et s’incarne sans déclic ni décret. Les nationalités plurielles, d’inspiration économique, gênent et embrouillent l’ordre social. Il ne peut en être autrement car l’attachement spontané à un pays précède et transcende toute forme d’intégration. Faut-il renoncer au droit tapageur de vote, acquis dans la foulée des déplacements hasardeux ? Bohème des temps modernes, le sénégalais naturalisé français, italien ou autre passe pourtant toutes ses nuits à Dakar malgré tout, à la belle étoile de surcroit.
Envisager qu’une personne acquière le sens patriotique et civique par la simple volonté, c’est méconnaître la force innée de l’élan d’appartenance. L’imposture est double, elle est opportuniste d’un côté et attardée de l’autre. Devenues outils économiques, l’immigration et la naturalisation posent les germes d’un conflit de préséance citoyenne. De fait, elles déstabilisent le corps social par des frustrations nées du sentiment de dépossession et des multiples crises identitaires. Les arguments de croissances économique et démographique ne suffisent pas à mettre le couvercle sur la marmite bouillante de revendications citoyennes et d’intolérances racistes.
Voilà des questions que je me pose et auxquelles je n’ai pas de réponses: l’alternative réelle des binationaux qui leur permet de se rabattre sur un autre espace culturel et politique n’est-elle pas entrave à toute égalité civique avec les inconditionnels de « souche »? Se réclamant de leur bled et s’identifiant à une histoire distincte malgré leurs doléances de reconnaissance dans le territoire d’accueil, les naturalisés ne témoignent-ils pas de la faillite du sec système d’intégration par le simple statut (citoyenneté)?
Sans avoir la prétention de parler pour tout le monde, quand il faut voter au Canada, il y a le sentiment coupable de confiscation d’un droit à l’autodétermination. Au fond, j’ai conscience que ma sénégalité est déjà au delà de toute autre mince bannière. Pire, on fait tout pour que nos enfants aussi, pourtant nés au pays hôte, soient empreints de cette sénégalité de codes et de symboles. Pourquoi usurper, me dis-je, ne serait-ce que pour le temps d’un vote décisif, le droit aux inconditionnels du terroir de disposer d’eux-mêmes.
La citoyenneté, laissez-passer, est très réductrice en ceci qu’elle confère des pouvoirs reconnus mais qui prolongent rarement l’état d’esprit et l’adhésion aux us et coutumes. C’est en cela qu’on peut opposer le pouvoir acquis au déficit d’attachement et d’engagement, droit versus sentiment. C’est ainsi que les gens de « souche », confrontés au simplisme implacable du statut officiel (nationalité), résistent sans trop savoir comment substituer le ressenti au juridisme triomphant. Alors, il ne leur reste plus qu’à opposer à l’égalité des chances l’amour du prochain au lieu du lointain. Le droit et le sentiment, voilà deux choses qui, inséparablement, font d’un individu un citoyen à part entière.
Double nationalité, binational, acclimaté, et citoyen sachant parler la langue nationale, le tout sous l’angle du singulier droit désincarné ou du seul établissement ancestral, ne sont que pures ruses destinées à tromper le grand public.
Birame Waltako Ndiaye
« Picc nga ca kaw waye xel ma nga ca suuf, ndawal bi mu miin bu ko guissul wett. » Juste pr exprimer mon adhesion a cette brillante analyse de Ndiaye sur la relation de l’individu et son leg cultural. C’est une relation tellement forte que notre epanouissement en tant que espece humaine en depend. Cheikh A. Diop, un Njobenn cette fois, disait que « Lamegnou djambur mune macc ba mu saf. »