Historiquement, la pomme de discorde, qui a donné naissance à la crise actuelle du parti socialiste sénégalais et, qui sévit jusque-là, semble avoir atteint son paroxysme aujourd’hui. Cette crise a effectivement, pris date et un tournant décisif avec l’autoritarisme de Diouf, à partir de ce fameux congrès « sans débat ».
Ce congrès, qui fut bien mijoté et initié par Abdou Diouf, dans l’objectif de liquider ses adversaires, susceptibles de le gêner ultérieurement dans sa marche vers le sommet. Ce fut le congrès le plus antidémocratique jusque-là, de l’histoire du P S.
C’est en effet, au cours de celui-ci, que les règles et principes les plus élémentaires de démocratie et de consensus dans un parti politique, en vue d’une compétition loyale, ont été bafoués par Abdou Diouf. Ceci, d’autorité et, à son titre d’être, à l’époque, le chef suprême et incontestable du P S.
Hé oui ! C’est en effet, ce jour-là, que Diouf imposa arbitrairement Ousmane Tanor Dieng, son homme de confiance en tout, aux socialistes, comme le Premier secrétaire du P S, afin de conduire le parti à sa place, au détriment de tous les autres prétendants potentiels, de l’époque. C’est bien aussi, sous la direction effective de Diouf, que le P S a connu l’intensité les dérives antidémocratiques.
Et, c’est avec lui également que le P S fut dirigé, non sur la base de principes et règles démocratiques, mais par un seul homme froid et rigide, avec un commandement administratif aveugle, inintelligent et dirigiste, synonyme d’une dictature camouflée et rampante, qui ne disait pas son nom. Donc, ce fut le début de l’accentuation d’un environnement d’injustice incalculable, tout à fait, propice à la naissance de contestations et de révoltes internes, qui devaient conduire à la longue, tout naturellement, le P S vers des soubresauts et crises inévitables.
Ce fut, par conséquent, le début de l’éclosion des manifestations de frustrations de la part de certains cadres et caciques du P S, qui ne pouvaient plus supporter cette méthode dirigiste de management à la Diouf de leur parti.
Ainsi, les victimes de frustrations, qui jusque-là, en tout cas, en souffraient silencieusement et, avaient contenu et retenu toute leur amertume, commencèrent à protester visiblement et dénoncer progressivement cette méthode de gérer leur parti.
Voilà pourquoi, après ce forfait du congrès « sans débat », ceux qui s’estimaient lésés, floués et exclus injustement, à briguer légitimement le poste de Premier secrétaire, dans une compétition transparente, loyale et démocratique, à travers la soumission de leur candidature au suffrage des militants, ont crié au scandale, et certains ont même claqué purement et simplement la porte du PS. Et, c’est à cette même occasion, de ce fameux congrès de 1998, que nous avons noté le départ immédiat le plus remarquable du P S, à savoir celui de Djibo Ka.
Mais, nous avions noté auparavant, que Moustapha Niasse, un fidèle parmi les fidèles de Senghor, sans doute, très frustré par ce choix injuste et incompréhensible de son mentor, qui avait préféré choisir Diouf à sa place.
Et, peut-être, qu’il avait aussi déjà senti souffler le vent de l’antidémocratisme dans le P S. C’est, sûrement, en raison de tout cela, qu’il avait décidé de prendre les devants, en pliant bagages et quittant la barque P S, à travers son appel du 16 juin 1996 aux Sénégalais.
Bon à souligner tout de même :
Cependant, il faut quand même, reconnaitre et souligner, que le P S, au plan du fonctionnement démocratique des instances et du respect des principes démocratiques dans un parti, il devançait malgré tout, de quelques longueurs, beaucoup d’autres formations politiques du pays, notamment ceux de la droite, des libéraux et même de la gauche.
A vrai dire, le P S n’était pas du tout, comparable au PDS, car, ce dernier est le parti d’un seul homme, jusqu’à présent. En effet, son Secrétaire général national est celui, à qui tout le parti appartient exclusivement, et lui fait acte d’allégeance absolue, parce qu’il est une institution constante, au-dessus de tout le parti réuni. A lui seul, il peut se substituer à toutes les instances du parti, quand ça lui plait.
Au fond, les crises couvent et existent dans tous les partis politiques du Sénégal, à cause de leur fonctionnement antidémocratique :
En vérité d’ailleurs, pour parler juste et vrai, il faut dire qu’au Sénégal, tous les partis politiques sont, en ce moment, traversés par une crise. Certes, elles sont, selon les partis, à des degrés plus ou moins profond, mais tout de même et objectivement, il y a crise au sein de chacun d’eux.
En effet, pour certains partis, la crise est peut-être latente ou étouffée dans l’oeuf par leur direction. Pour d’autres, parce que la crise n’a pu être maitrisée en interne par la direction des partis, elle s’est alors propagée sur les places publiques et à travers les médias. En réalité, lorsque l’intensité de la crise a atteint un certain degré conflictuel, elle ne peut plus être strictement circonscrite ou maitrisée à l’interne, au sein du parti.
Mais, fondamentalement, les graves crises des partis politiques au Sénégal, dont celle du P S qui nous concerne ici, résultent généralement, de leur gestion antidémocratique, patrimoniale, clanique, personnalisée, familiale, dictatoriale, etc. En fait, dans de pareils cas, le fonctionnement du parti devient ainsi, totalement en marge des textes et normes définis ensemble et, démocratiquement arrêtés et acceptés par tous.
C’est bien, lorsque de telles pratiques étrangères, aux normes démocratiques, sont récurrentes au sein d’un parti, donc une violation flagrante de ses propres statuts et de son règlement intérieur, que celui-ci commence à se transformer, au fur et à mesure, en autre chose qu’un parti politique normal. Il devient de fait, la chose d’un homme, qui en devient le chef suprême, régentant ainsi, lui seul, tout à l’intérieur du parti, comme s’il s’agissait de sa propriété privée.
Il est évident que dans de pareilles situations, la vie du parti se transforme généralement en une sorte de prise d’otage du parti et des militants par les gourous qui le dirigent. Ainsi, au lieu de désigner démocratiquement ou par consensus les camarades selon leurs compétences aux postes de direction ou comme candidats à des élections, non, le chef du parti ou son clan nomme par copinage l’un de leurs obligés.
Il nous est toujours recommandé, de savoir avant de pratiquer. “Xam so gë jëf mo gënë woor”
Mais en vérité, la crise ou plus exactement la descente en enfer du P S, provient de la méthode de direction de Abdou Diouf, lorsqu’il hérita de Senghor le parti et le pouvoir, sans être capable de diriger convenablement et conjointement, les deux charges à la fois.
En fait, cette pratique pouvoiriste, ancrée dans la tête de nos politiciens, consistant à être chef du parti au pouvoir et de l’Etat à la fois, s’est avérée incompatible et physiquement impratiquable dans les règles, mais malgré tout, celle-ci est encore en cours chez nous, jusqu’à présent.
En fait, le drame du P S à l’époque fut que Diouf n’avait pas eu assez d’honnêteté intellectuelle et de courage physique, afin de dire ouvertement à ses camarades, qu’il n’était pas en mesure d’assumer seul, ces deux hautes charges. Mais, nul doute que, c’était bien par opportunisme et boulimie du pouvoir, qu’il s’était tu, tout en sachant et optant, dans son for intérieur, qu’il ne s’occuperait réellement que de la fonction de la présidence de la République, au détriment de la gestion démocratique et vertueuse du parti.
Il est bien avéré que malgré son incapacité physque et matérielle incontestable, Diouf ne tenait pas, à laisser personne d’autre que lui, le soin de diriger de façon autonome et démocratique le parti. C’est la raison pour laquelle, il garda ou plutôt confisqua officiellement la direction du P S, en demeurant toujours son Secrétaire général. Mais en fait, il le fit par procuration, car la gestion du parti était faite par personne interposée à travers Tanor.
Diouf fut un accommodant au socialisme, mais non, un militant d’une idéologie ou doctrine politique et sociale quelconque.
Au demeurant, ce que l’on ignore sur Abdou Diouf et, qui n’a pas été jusque-là, en tout cas, fait remarquer aux Sénégalais et qui pourtant, à l’analyse lucide, saute manifestement aux yeux, c’est qu’en réalité, Abdou Diouf n’est pas réellement un militant socialiste. En fait, il s’y est seulement accommodé et adapté, non par conviction idéologique et doctrinaire, mais pour des raisons d’opportunité, de tirer les marrons du feu, afin d’arriver par ce biais au pouvoir, sans trop de peine. Mais, il ne fut point un militant socialiste convaincu et dans l’âme.
En fait, Abdou Diouf a eu l’estime et la confiance totale de Senghor. Il a ainsi, à la faveur de circonstances affectives et paternalistes de Senghor, hérité d’un parti au pouvoir, doté de structures fonctionnelles, avec toutes ses troupes mobilisées à sa disposition, à la tête duquel il a été, sans peine, confortablement installé.
En fait, à y regarder de très près, Diouf ne s’intéressait qu’au pouvoir et à l’opportunité d’en jouir pleinement sans entraves. Et, Senghor lui a permis, sur un plateau d’argent, de le faire sans compétition avec personne. Il reçut ainsi, un ensemble ou un package, constitué d’un parti politique rodé avec ses structures et toutes ses troupes, en plus d’un pouvoir déjà bien en place, depuis des décennies.
Il bénéficia aussi, comme héritage, des troupes fidèles et obéissantes au doigt et à l’oeil au chef. Hé oui! C’est à la tête de ces deux trônes si importants, qu’Abdou Diouf fut confortablement installé par Senghor, sans qu’il ait eu besoin de mouiller tant soit peu le maillot ou lever le petit doigt. C’est cela la réalité que beaucoup de Sénégalais ignorent jusque-là.
Or, cette réalité, elle doit être bien connue, pour l’histoire d’abord, ensuite par les Sénégalais de toutes conditions, notamment les générations présentes et futures. Ceci, afin que tout le monde comprenne et saisisse, qu’elle est réellement, l’apport et la valeur intrinsèque d’Abdou Diouf, en tant qu’acteur dans l’histoire de notre pays? Je pense, qu’il est tout autant utile aussi, que les Sénégalais le sachent.
Car, ce n’est qu’après cela, qu’ils pourront apprécier objectivement Abdou Diouf en connaissance de cause. Et, ce n’est également qu’après tout cela, que les Sénégalais pourront, tout au moins, faire la part des choses, sur l’homme Abdou Diouf, en faisant bien entendu, abstraction de toutes ces flagorneries dont ses fans l’affublent. (…).
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