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La complicité des hauts fonctionnaires sénégalais érigée en mode de gouvernance

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Quand la conduite des agents de l’État est encadrée par la nécessité de préserver l’image des institutions, c’est qu’on est descendu trop bas. Aussi bien dans l’affaire Sonko que dans le cas de Nafi Ngom Keita, l’argument-excuse demeure en substance que : « il y va de la crédibilité et de la force de l’État ». C’est précisément ça le problème. Les institutions sont ternies et tellement déconsidérées qu’elles ne peuvent souffrir davantage d’attaques et d’examens, semble dire l’establishment bienpensant. Erreur d’appréciation!
Quand un médecin diagnostique un cancer, il n’est pas celui qui doit être considéré salaud et responsable du mal décelé. Le patient peut critiquer la manière dont le médecin le dit ; il peut douter de ses capacités professionnelles ; il peut aussi ignorer les prescriptions, préférant vivre avec sa maladie à la condition que les amis et l’entourage ne sachent pas. Pour guérir, il faut, certes, contenir les symptômes déplaisants, il faut surtout s’en prendre au mal rongeant. M. Sonko et Mme Keita ne sont ni médecins ni sorciers, ils constituent des signaux du ras-le-bol grandissant et périlleux. À ce titre, il faut les accepter, les respecter et les écouter pendant qu’il est temps.
Le droit qui est invoqué urbi et orbi pour justifier la responsabilité de nommer ou de gommer aux emplois ainsi que les règles qui tenaillent les hauts fonctionnaires ne sont pas la finalité d’un État organisé. Bien au contraire, les normes juridiques sont des instruments au service des intérêts de la communauté. Il est dès lors inconcevable de s’en prévaloir pour maquiller ou pour masquer des atteintes graves au patrimoine national. Moi, simple citoyen, je m’attends au mieux à ce que les accusations d’Ousmane Sonko soient battues en brèche. Du moins, je m’attends des gouvernants qu’ils corrigent, au besoin, les manquements signalés par souci d’efficacité. L’éviction de la présidente de l’OFNAC ou la suspension de l’inspecteur des impôts ne rejoignent guère mes intérêts de contribuable. Non, il s’agit là d’une attitude d’autorité qui renseigne ni plus ni moins sur un manque de transparence et d’ambition.
Du droit? Vous en voulez, en voilà : devoir des fonctionnaires de dénoncer les crimes et délits, résistance à l’oppression. L’obligation de loyauté n’est pas seulement loyauté au gouvernement et au régime politique, c’est aussi loyauté au pays. Prétexter des moyens mis à la disposition des agents pour dénoncer d’éventuels écarts ne peut être opposé à M. Sonko et à Mme Keita. Ce serait un argument valable si de tels mécanismes pouvaient déboucher sur une prise en charge réelle des reproches de mal gouvernance. Que nenni, la pratique politicienne, la fraternité mafieuse et la fantastique camaraderie servent toujours de boucliers aux punissables.
Il est quand même étrange que le débat sur les révélations de corruption et d’enrichissement illicite porte davantage sur des techniques juridiques que sur les faits et leur nuisance sur le bien-être collectif. Ne vaut-il pas mieux avoir en ligne de mire la finalité du droit, c’est-à-dire un niveau élevé d’organisation sociale en lieu et place des échappatoires légalisées de toute pièce? Se servir du droit pour sanctionner ou pour liquider fréquemment des adversaires et des récalcitrants en fait un vulgaire moyen d’abaissement. Batailleur ou hors-la-loi, Ousmane Sonko mérite notre attention et notre estime dans tous les cas. Mais encore là, c’est notre État, le Sénégal, qui sombre, qui fléchit des légèretés et de la folie de nos élus.
Birame Waltako Ndiaye
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