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Nafy Ngom Keïta : Première dame controversée

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Ex-Présidente de l’Ofnac et Vérificatrice générale d’Etat, Nafy Ngom Keïta est une première dame controversée. Depuis 2005, elle est devenue le fonctionnaire le plus médiatisé du Sénégal à cause de ses sorties et positions souvent contestées.

Nafy Ngom Keïta n’est pas une dame apaisée. Pourtant, elle aurait dû. Elle est première partout. Première Inspectrice générale d’Etat, première Vérificatrice générale d’Etat. Première présidente de l’Ofnac. Dans l’histoire du Sénégal, aucune femme ne revendique autant d’influence dans la Fonction publique. Mais, la première dame a décidé de rompre son idylle avec la République dans la douleur et la contestation. C’est la fin d’un mythe. Dans sa grille de lecture, elle a oublié que le mythe, c’est un mélange de respect et de crainte. Il est en en train de s’effondrer.
A cause de son départ de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), elle a décidé de briser les référents traditionnels du fonctionnaire sénégalais, taillé à rester dans l’ombre, à souffrir en silence. Cela a valu une suspension à Ousmane Sonko. Et la radiation au commissaire Cheikhna Cheikh Keïta. Depuis 16 ans, Nafy Ngom Keïta viole allégrement les codes. Et la République lui a toujours pardonné ses excès. Rétrospective !
2005. L‘affaire des chantiers de Thiès, qui a abouti à l’emprisonnement de l’ex-Premier ministre Idrissa Seck, met en lumière Nafy Ngom Keïta. Chef de mission de l’Inspection générale d’Etat dans cette affaire politico-judiciaire, elle décroche son quart d’heure de gloire en violant son devoir de réserve. Cette sortie tonitruante d’un haut fonctionnaire de l’Etat, qui, dit-on, «a dû en référer à sa hiérarchie, la présidence de la République» avant de se répandre dans la presse. La lourde charge sur Abdoulaye Diop, ministre de l’Economie et des finances de l’époque, provoque le malaise. «On parle de décision de versement pour justifier les transferts de fonds à Thiès. Qu’est-ce que cela veut dire ? Une décision, c’est par essence un acte interne de gestion (…). C’est lui (le ministre des Finances) qui a l’argent», a-t-elle alors confié aux journalistes de Walfadjri. «Le problème est qu’il y a quelqu’un qui a donné des instructions, un autre qui a été Premier ministre qui a une responsabilité, et je ne rentre pas dans les détails de comment il est responsable et qu’est-ce qu’il a fait (…). Mais apparemment, on veut sauver Abdoulaye Diop. Je ne me préoccupe pas des raisons mais qu’il me laisse tranquille, je ne lui ai rien fait», avait-t-elle lancé comme un appel au secours. Cette sortie a la même portée qu’une déflagration. En plus d’elle-même, des menaces de mort sont adressées à sa fille qui étudiait en France. Le pouvoir qui avait pris très au sérieux ses inquiétudes l’a mise sous protection de la gendarmerie.
Sous la dictée de Me Wade, elle rédige le scénario des chantiers de Thiès dont les héros mal aimés sont Idy et Bara Tall. L’affaire pervertit le Parquet du Tribunal régional hors classe de Dakar, qui se retrouve à surmonter des contradictions internes avec la rédaction de deux réquisitoires dans l’affaire du Président de Jls Sénégal. Premier substitut du procureur de la République de l’époque, Ibrahima Ndoye (en poste maintenant à la Crei) demande un non-lieu pour MM. Tall, Marwan Zahem, Massamba Sall Samb et El Hadj Seyni Seck à cause d’un rapport mal fait par les experts de l’Ige. Il disait : «Il semble curieux que pour des travaux d’une telle envergure impliquant un enjeu financier aussi important pour l’Etat du Sénégal et l’intervention de plusieurs structures pour leur réalisation, les poursuites aient été aussi sélectives. Cette approche sélective dans le déploiement desdites poursuites fragilise la procédure et ramollit les charges et autres griefs que les auditeurs ont articulé dans leurs rapports contre les inculpés. Les inculpés ont non seulement produit des pièces attestant de la justesse des prix proposés et agréés par le Pcrp.» Puissant procureur de la République, Ousmane Diagne fait un autre réquisitoire demandant au juge d’instruction le renvoi de Bara Tall devant un juge correctionnel. Envoyé à la barre lors du procès, M. Ndoye, qui voulait un non-lieu pour Bara Tall et Cie a requis contre eux, au nom du parquet, 5 ans de prison ferme. Il avait terminé son réquisitoire par une phrase culte : «Quand la politique entre au tribunal par la porte, la justice sort par la fenêtre.» Au final, Bara Tall et Cie seront blanchis par le juge, Idrissa Seck réussira à obtenir un non-lieu.

Ascension fulgurante
Après cette affaire, la native de Fissel prend l’échelle pour aller s’installer au sommet de l’Ige. Wade l’intronise Vérificatrice générale d’Etat (Vge). Suivant cette période de sa carrière, elle ne parvient pas à vaincre ses addictions aux initiatives polémiques. Patronne de l’Ige, elle fait usage de ses prérogatives pour nommer son mari, Sidy Mohamed Ndour et l’ami de celui-ci, Pape Abdou Ly, parmi les neuf derniers fonctionnaires coptés à l’Ige. Malgré le malaise provoqué par cette affaire, elle garde le cap. Comme si de rien n’était. Elle sera encore rattrapée par la patrouille en 2012. Lors d’une audience avec le Président Abdoulaye Wade, la patronne de l’Ige lui soumet une revendication sonnante et trébuchante : «M. le président Wade, les chefs des corps de contrôle et des hautes juridictions sénégalaises sont les plus mal payés de la sous-région.» Crayonné comme un homme généreux avec les deniers publics, Me Wade lui demande de lui soumettre des propositions pour réparer une injustice salariale. Il signe un décret qui fixe les émoluments de la Vge, du Président de la Cour des comptes, du Commissaire au droit de la Cour des comptes, du procureur général près la Cour suprême et du président du Conseil constitutionnel à 5 millions F Cfa.
Elu président de la République, Macky Sall reste attaché à ce mythe qu’il faut protéger, cet exemple à offrir à la femme sénégalaise. Laquelle s’échine à s’inventer un destin loin de la lisière de la société largement dominée par les hommes. L’Ofnac est donc taillé pour elle. Libre, engagée,… la personnalité conflictuelle de Nafy, véritable moteur de toute sa carrière, explique l’emprise totale exercée partout où elle est passée. Attachée à la religion, les convictions de Mme Keïta sont celles de Dieu. Elles ne peuvent être remises en cause. Loin de cette caricature du fonctionnaire classique, elle ne met pas ses émotions sous cloche : elle dénonce les ministres qui refusent de faire leur déclaration de patrimoine, le manque de moyens pour exécuter sa mission. Après 3 ans, elle publie un rapport qui accable certains directeurs généraux du régime actuel. Figée dans ses certitudes, Nafy Ngom Keïta prend les médias à témoin.

De chasseur en proie
A l’heure de la «pensée unique», la publication du rapport résonne aux oreilles de certains comme une humiliation. Ils y perçoivent une faillite de la gestion sobre et vertueuse théorisée par Macky Sall. Devenue incontrôlable, elle se retrouve dans le viseur du chef de l’Etat qui attend juste la fin de son premier mandat pour s’en débarrasser. Souvent dans une position de chasseur, elle est désormais prise en chasse par les cerbères du pouvoir, qui ont décidé de la jeter dans l’abîme. Entre déballages et accusations, Mme Keïta est traquée par la machine de l’Etat qui broie tout sur son passage. Plus courageuse qu’un taureau sur le chemin de l’abattoir, elle sort de son voile une dernière carte : la saisine de la Cour suprême pour invalider le décret. Elle profite de cette affaire pour égratigner le Premier président de la Cour suprême qui n’aurait pas fait sa déclaration de patrimoine.
Infirmière de formation, elle a gravi tous les échelons de la Fonction publique. Aura-t-elle droit à une seconde chance ? A presque soixante ans, elle rêve de retrouver son corps d’origine. Là où elle est devenue première. Et une dame controversée !

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