Les usagers des transports en commun habitant la banlieue dakaroise paient les pots cassés avec la grève des transporteurs entamée ce mercredi pour 48 heures. Beaucoup d’entre eux ne sont pas rendus à leur lieu de travail faute de véhicule. Une situation que certaines personnes interrogées trouvent déplorable.
Il est 9 heures, nous sommes à l’arrêt bus de Ciména Thiaroye, en banlieue dakaroise. Sur place, le nombre de personnes guettant un moyen de transport renseigne sur leur calvaire. Cet arrêt de bus, où on comptait à peine une dizaine de personnes le matin, est d’un coup envahi par une vingtaine d’usagers de transport en commun. Sacs au dos, à la main ou en mains libres, ils courent à la vue du moindre bus, taxi ou un car rapide tenté plutôt à stationner au bas côté pour permettre à un client de descendre. Les plus pressés essaient d’en profiter. Pour une ou deux places de libres, c’est tous ces impatients qui se jettent, dans la confusion à l’intérieur du véhicule.
Dans cette bousculade sans pitié, seuls les plus forts parviennent à monter à bord. Les femmes elles, renoncent plus rapidement à ce défi. Mais, c’est peine perdue pour la majorité, car seule une ou deux personnes et en générale des hommes, arrive à monter à bord. Pour les autres, c’est le désespoir qui se lit sur leur visage dans leur démarche pour regagner le trottoir. La détresse grandit quand tout ce monde consulte l’heure sur son téléphone portable. On hoche et on reprend son mal en patience.
«Je suis à l’arrêt bus depuis 6 heures du matin comme d’habitude et je dois me rendre sur la VDN. Je prends la ligne 44 et actuellement, il est 9 heures passées et je n’arrive même pas à trouver un bus», se désolé Ameth Sall, la trentaine, habitant à Thiariaye Guinaw Rail.
Il ne tardera pas de prendre une décision radicale : faute d’un véhicule pour se rendre à son lieu de travail situé à une dizaine de kilomètres de son quartier, il décide de retourner tout bonnement à la maison.
«J’ai envoyé un message à mon service pour leur dire que je ne pourrai pas venir aujourd’hui avec la grève. Il n’y a pas de solution, parce que chaque jour, en sortant de chez moi, je prévoie uniquement l’argent pour le bus et mon petit déjeuner. Si je le prends pour payer le taxi en commun à l’aller, j’aurais des problèmes au retour», a-t-il ajouté.
Cette grève qui est prévue pour durer ne décourage pas pour autant ce père de famille. Même si la situation ne risque pas d’évoluer rapidement, il assure que demain aussi, il sera à l’arrêt tôt le matin comme d’habitude pour voir s’il réussira à attraper un bus pour se rendre au boulot.
Non loin de lui, une jeune fille, assis sur une pierre, se sert de son sac à main comme oreiller. Le visage froissé, elle somnole.
«Je suis fatiguée. Je suis à l’arrêt depuis 7 heures du matin. Il y a la ligne 76 qui circule mais je ne peux même pas le prendre vu qu’il y a trop de monde à l’arrêt et les chauffeurs ne s’arrêtent même pas. Je peux aussi prendre la ligne 77, mais, je n’en ai pas vu passer depuis mon arrivée. C’est vraiment difficile», dit Awa Diop.
Cette jeune fille tient un restaurant au rond point Liberté VI. Sa journée se complique déjà pour elle. «J’ai fait le marché et je dois me rendre là-bas pour préparer le repas à servir à 12 heures. Il est presque 10 heures et je n’ai pas de véhicule. Ce qui signifie que qu’on va perdre notre journée et si ça continue comme ça, ils l’ont annoncé, je vais rester deux jours sans travailler. C’est vraiment difficile et écœurant», se désole-t-elle, la voix tremblotante.
Pour Awa Diop, l’Etat doit également penser aux usagers et satisfaire les demandes des transporteurs afin d’éviter cette situation.
L’arrêt Cinéma Thiaraye n’est pas le seul à grouillé de monde en ce jour de grève. A une dizaine de mètres plus, à l’arrêt Sips, la situation est la même. Les usagers courent après les taxis, ou véhicules particuliers, mais en vain.
«Je dois aller à la Petersen pour acheter de la marchandise que je dois ramener dans ce quartier. Cette grève sera fatale pour moi, vu que je nourris mes enfants en fonction de ce que je gagne par jour. Je suis vraiment désespérée et je ne sais pas comment je vais me débrouiller pour avoir de quoi nourrir mes enfants», a regrette cette dame peul, avec un sourire que trahit son visage peu enclin à offrir de la gaieté.
Sauf retournement de situation, les habitants de la banlieue vont devoir supporter la situation pendant deux jours. Pour l’heure, les transporteurs mesurent la portée de leur pouvoir sur le quotidien des Sénégalais. La plateforme déposée par ces grévistes porte sur des revendications en 27 points, parmi lesquels la délivrance de cinq bus saisis par la direction générale des Douanes de véhicules pour fraudes et dépassement de l’âge réglementaire d’importation (8 ans pour les véhicules particuliers et 10 ans pour les véhicules de transport de voyageurs ou de marchandises).
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