Dans une interview accordée au quotidien « Le Quotidien », l’ambassadeur de la France, Christophe Bigot a abordé les questions sur la gestion du pétrole sénégalais. Entretien…
A l’époque où il était ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius avait théorisé la notion de diplomatie économique. Dans ce cadre, Total serait-il intéressé par le pétrole sénégalais qui fait aujourd’hui l’objet d’une polémique depuis quelque temps ?
D’un côté, on reproche aux entreprises françaises d’être trop présentes au Sénégal et de l’autre côté, on leur demande de venir s’implanter. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas de situation acquise ou de chasse gardée. Le Sénégal est dans la mondialisation. Je suis très heureux que beaucoup de pays se soient rendu compte que le Sénégal est un pays stable, sûr, qui a une influence régionale et qui possède d’excellentes ressources humaines. Ces pays ont souhaité investir au Sénégal. C’est tant mieux et il s’agit là d’un signe de réussite pour votre pays.
Sur le secteur pétrolier, il est juste de constater que les entreprises Cairn et Kosmos ne sont pas françaises. Les sociétés qui s’activent dans ce secteur ont fait des découvertes impressionnantes qui vont révolutionner l’économie du Sénégal. Il y a là la promesse de changements considérables dans le cadre de grands investissements. Pour ce qui est de Total qui fait partie des 5 plus grands groupes pétroliers et gaziers mondiaux, il est évident qu’il s’intéresse à ce qui se passe au Sénégal. Cette entreprise a un encadrement de grande qualité, dont une grande partie est sénégalaise. Elle est déjà active sur le secteur raffinage et distribution. Pour l’exploitation et la production, Total examine, j’en suis convaincu, toutes les opportunités.
Le gouvernement français est-il prêt à pousser Total dans le pétrole sénégalais ?
Les choses ne se passent pas comme cela. Total se déterminera selon ses propres intérêts. Il appartiendra aussi à Cairn et Kosmos de définir quels sont les opérateurs avec qui elles souhaitent partager le fruit de leur exploration pour passer à la production. Les opérateurs doivent apporter les solutions les plus compétitives et prendre en compte les vues de l’Etat sénégalais sur ces investissements considérables.
On entend des noms de Timis corporation, Petro-Tim ou Kosmos energy, dans l’exploration du pétrole sénégalais et non Total. Pourquoi ?
Les sociétés qui sont actuellement présentes ont misé sur le Sénégal et ont eu raison. J’espère que d’autres suivront. Des groupes pétroliers et gaziers viendront, sans doute, faire des investissements qui sont considérables pour forer des puits, avoir de nouveaux permis, de nouveaux blocs, construire les installations de production, de liquéfaction, assurer le transport. D’autres entreprises du secteur doivent former des techniciens, construire des plateformes… C’est toute une économie qu’il faut développer. Au Sénégal, il faut former des techniciens. Si ce n’est pas le cas, les sociétés pétrolières et gazières seront obligées d’en importer. Il est important de réfléchir sur les installations en mer comme à terre, mais aussi sur la forme de fiscalité, l’affectation de ces ressources supplémentaires pour la consommation ou l’investissement dans l’immédiat ou à long terme. Ce sont des questions importantes pour l’avenir du Sénégal. C’est pourquoi le président de la République sénégalaise a décidé de nommer un comité d’orientation stratégique et de s’entourer d’experts.
Aujourd’hui, il y a toute une polémique sur la gestion de ce pétrole. A votre avis, comment faire pour que le Sénégal ne vive pas la malédiction du pétrole que certains pays ont connue ?
Je crois que le Sénégal est mieux préparé que d’autres pour faire face à ce risque. D’abord, parce que le risque a été identifié. Une économie de rente peut produire des effets pervers. Il faut donc prendre des mesures en amont et réfléchir à l’usage qui sera fait de ce pétrole. Il faut s’entourer de toutes les conditions pour que la plus grande transparence, en termes de comptabilité publique et de finances publiques, soit assurée et faire en sorte que la part sénégalaise soit la plus importante possible. Il est également important de former le personnel employé.