« Nous allons encore vivre pendant un long moment dans cet état d’incertitudes. Ce moment peut durer une génération », a averti le Pr Souleymane Bachir Diagne devant le Conseil de sécurité. Le président du Département de Français et de Philologie romane de l’Université de Columbia était invité par l’ambassadeur Fodé Seck, représentant permanent du Sénégal à l’Onu, à briefer le Conseil sur la « promotion du dialogue interreligieux, interculturel ». Un briefing que les quinze membres du Conseil ont jugé « pertinent » et « éclairant ». De son coté, l’illustre universitaire s’est réjoui de « l’immense honneur » qui lui a été donné de s’adresser à « l’auguste assemblée ». La contribution du Pr Diagne a été celle « d’un universitaire et d’un philosophe qui travaille sur la matière de la philosophie islamique, basée sur une longue tradition intellectuelle et spirituelle », d’une religion qui rattache l’humain à ce qu’il est ainsi qu’à son environnement immédiat. Pour le Pr Diagne, la promotion du dialogue interreligieux et interculturel n’est pas « un simple exercice de religions comparées ». Mais, plutôt un dialogue orienté vers l’affirmation d’un commun vouloir de vie commune, dans le respect des droits et de la différence, une valeur universelle qui est la marque de toutes les religions. Souleymane Bachir Diagne a insisté sur deux valeurs fondamentales : le pluralisme et la conscience écologique.
Dans le cadre du partenariat étroit entre l’Onu et l’Oci, le pluralisme consistera, selon le philosophe, en la mise à égalité des traditions islamiques dans leurs différentes interprétations. Il consiste à « accommoder les différences dans le respect des valeurs de chacun.
L’Onu et l’Oci ont la responsabilité de construire une communauté internationale tout en tenant compte de sa diversité ». La crise se fait jour lorsqu’une interprétation est favorisée par rapport à une autre. Dieu, a affirmé l’universitaire, plutôt que de faire de l’humanité une communauté homogène, a enjoint à l’humain de faire de sa différence une compétition pour le bien. « Car la différence est de l’ordre des choses, le pluralisme doit être au centre des échanges et du dialogue », a-t-il estimé.Il a souligné aussi que la conscience écologique est rendue nécessaire et urgente dans le contexte du changement climatique, devenu visible en dépit des climato sceptiques. « La violence écologique est une violence sans nom qui s’exerce contre notre sécurité à nous tous. La lieutenance ou khalifat de Dieu passe par l’humain et signifie la protection de la terre, de l’environnement et de toute vie terrestre », a assuré le Pr Diagne. Pour sauver l’humanité, il a proposé l’éducation.Certes, à court terme, des mesures immédiates doivent être prises pour combattre l’extrémisme violent. Mais, dans le long terme, la mesure la plus durable reste l’éducation au pluralisme et à la conscience écologique. Car, a rappelé M. Diagne, « c’est dans l’esprit des hommes que nait la violence, c’est donc dans l’esprit des hommes qu’il faut la combattre ».
Après s’être adressé au Conseil de l’Onu, le Pr Diagne qui a été interpelé par « Le Soleil » a déclaré qu’il adresse le même message aux gouvernants et au peuple sénégalais, particulièrement à sa jeunesse. « Mon propos sera le même. Il est important et impératif de diriger vers notre pays et nos gouvernants l’idée que le pluralisme est une bonne chose, que l’évolution est voulue par Dieu Lui-même et attirer notre jeunesse sur l’idée que le monde à venir est un monde à protéger. L’humain est le lieutenant de Dieu sur terre. Le lieutenant signifie celui qui tient lieu de, il est le khalife de Dieu sur terre. C’est ainsi qu’il faut comprendre le khalifat. Ce n’est pas autre chose. A partir de là, la responsabilité de l’humain est d’être le gardien de la création humaine ».
De notre envoyée spéciale à New York, Dié Maty Fall
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