Une cour d’appel fédérale à San Francisco doit statuer cette semaine sur le maintien de l’interdiction du décret anti-immigration. L’affaire pourrait être renvoyée devant la Cour suprême, estime le spécialiste des États-Unis Gérard Olivier.
La bataille judiciaire sur le décret anti-immigration signé par le président Donald Trump se poursuit. Trois juges de San Francisco ont entendu mardi 7 février les arguments de la nouvelle administration américaine, qui a fait appel de la suspension par un juge de Seattle de son décret controversé fermant l’entrée sur le territoire américain aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane.
Lors d’une audience téléphonique qui a duré un peu plus d’une heure, la défense, assurée par August Flentje, conseiller spécial du département de la Justice, a indiqué aux juges d’appel fédéraux que le président était dans son droit avec ce décret du 27 janvier, motivé par des craintes sécuritaires, et qu’il devait être réinstauré. La cour devrait rendre sa décision cette semaine.
Jusqu’où vont les pouvoirs du président américain ?
La volonté du président Donald Trump de fermer les frontières de son pays à d’éventuels « terroristes » a engendré un énorme casse-tête juridique autour d’une question centrale : jusqu’où vont les pouvoirs du président américain en matière de politique migratoire ?
Cette question pourrait bien finir devant la Cour suprême à Washington, censée tracer le cadre constitutionnel de l’exécutif et unifier la jurisprudence. De son côté, le président américain justifie son décret par les pouvoirs que lui confère la Constitution des États-Unis et notamment l’article 2, qui lui donne toute autorité pour conduire les affaires étrangères et diriger la politique d’immigration. Il s’appuie également sur un article de loi adopté il y a 65 ans, stipulant que le président américain est en droit de suspendre l’entrée d’une catégorie d’étrangers à chaque fois qu’il estime que cette arrivée « serait néfaste aux intérêts des États-Unis ».
Les avocats du gouvernement tentent de renforcer cet argument général par un autre de bon sens. La justice, disent-ils, est peu qualifiée pour décider en matière de sécurité nationale. La décision du tribunal de Seattle « outrepasse le jugement du président sur le niveau de risque (terroriste) acceptable », a fait valoir August Flentje.
« Le perdant ira porter cette affaire devant la Cour suprême »
En face, les opposants au décret mettent aussi en avant la Constitution, en affirmant que le décret viole des principes fondamentaux : liberté de déplacement, égalité des personnes, interdiction de la discrimination religieuse, etc. Ils rappellent que le rôle de la justice est de contrebalancer le pouvoir de l’exécutif, en protégeant notamment les minorités.
Enfin, ils avertissent qu’une éventuelle remise en vigueur du décret menacerait l’ordre public, après le chaos, notamment dans les aéroports, qu’avait déclenché sa mise en place non annoncée.
L’administration Trump a défendu son décret devant une Cour d’appel https://t.co/dCYKcwPboR par @verodupont & @jcartillier #AFP pic.twitter.com/c0XvBE7hpf
— Agence France-Presse (@afpfr) 8 février 2017
« Donald Trump a la Constitution et la loi fédérale de son côté, explique Gérard Olivier, journaliste franco-américain spécialiste des États-Unis pour Atlantico. De par la Constitution, le président est en charge de la politique étrangère et de la sécurité nationale. L’immigration est également de son ressort en raison des pouvoirs qui lui sont délégués par le Congrès. »
Selon le journaliste, quelle que soit la décision de la Cour d’appel, « le perdant ira porter cette affaire devant la Cour suprême ». Dans ce cas, « l’administration américaine aimerait gagner quelques semaines », estime-t-il, pour avoir le temps de nommer le neuvième juge de la Cour surpême et mettre toutes les chances de son côté pour « que cinq juges au moins valident le décret anti-immigration ».
Avec AFP