Un entrepreneur Coréen, démarché par le ministre d’Etat Karim Wade, a l’intention d’ériger un hôtel et un casino sur le site de l’une des très rares plages de Dakar où la baignade est autorisée. Cela, au moment où des personnes contestent les titres de propriété accordés à des investisseurs sur la Corniche ouest. Et où l’Etat et la mairie de Dakar sont à couteaux tirés à propos des terrains que la municipalité veut acquérir.
Par Mohamed GUEYE
Les spéculateurs fonciers ne reculent plus devant rien, surtout quand il s’agit d’acquérir des terres à Dakar. Alors que de rares personnes courageuses comme l’architecte Pierre Goudiaby Atepa, s’élèvent contre l’accaparement et la dégradation du domaine maritime, en particulier sur la Corniche ouest, certaines autorités ne trouvent pas mieux que de négocier le peu d’espace maritime qui reste à Dakar, pour y élever encore du béton à leur profit et celui de leurs semblables.
Le dernier objet de leur convoitise est la plage bien courue de la Corniche est, connue sous le nom d’Anse Bernard. Un entrepreneur sud-coréen est passé à Dakar pour acquérir cette bande de terre, afin d’y construire un casino et un hôtel. Comme si le Terrou-bi, avec son hôtel et son casino, sur la Corniche ouest, avait donné des idées à d’autres.
Ce citoyen de Corée du Sud, répondant au nom de Sang Chun Yoo, est le Pdg de Sunjin Engineering and architecture, une entreprise spécialisée dans le Bâtiment et les travaux publics. Cet entrepreneur est venu à Dakar, au mois de juin dernier, sur invitation du ministre d’Etat chargé de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures, M. Karim Wade. Il déclare que les échanges entre eux ont été des plus fructueuses.
C’est ainsi, qu’une fois de retour chez lui, M. Sang Chun Yoo a saisi les autorités sénégalaises par lettre officielle, en passant par le canal de l’ambassade du Sénégal à Séoul. Dans cette lettre, l’entrepreneur coréen indique à Karim et à ses collaborateurs, qu’il est parvenu à monter un consortium avec d’autres entreprises coréennes, notamment Stx Construction, et Kangwon Land, cette dernière étant une entreprise publique. C’est ledit consortium coréen qui va se charger de l’étude de faisabilité, de la conception et du financement, ainsi que de la gestion du complexe qui sera érigé sur les lieux.
Néanmoins, et c’est ce qui a été dit dans la lettre transmise par le biais de l’ambassadeur Amadou Dabo, qui représente le Sénégal à Séoul, les hommes d’affaires coréens voudraient que le gouvernement sénégalais s’engage plus fortement avec eux dans le projet, en leur adressant une lettre d’intention, qui leur permettra de lever des fonds, et d’entamer les procédures d’études de faisabilité, ainsi que la réalisation du projet.
Cette demande de l’ambassadeur a été transmise la semaine dernière par voie diplomatique, pour atteindre Karim Wade. Mais on peut croire que cela n’était qu’une formalité administrative, le même Karim Wade ayant déjà reçu Sang Chun Yoo lors de sa venue à Dakar en juin, et leur tête-à-tête, à en croire les propos du Coréen, ayant été des plus fructueux.
Cette affaire démontre si besoin est, que Goudiaby Atepa et d’autres, qui se sont lancés dans la bataille pour la préservation du domaine publique maritime, ont encore du pain sur la planche. Si ce sont les autorités de l’Etat, censées défendre le patrimoine de l’Etat et le cadre de vie des populations, qui se lancent dans le bradage de notre espace vital, on peut se demander quel recours il nous reste. La preuve, dans la procédure que l’architecte a lancée contre les occupants de la Corniche ouest, il s’est rendu compte que tout ce monde était en possession de documents en bonne et due forme délivrés par des autorités au plus haut niveau de l’Etat. Certainement parce que ces gens s’arrangent toujours pour être proches des gens qu’il faut. Le malheur dans le cas qui nous concerne, est que la plage d’Anse Bernard est la seule de Dakar, où la baignade est encore autorisée. Et c’est d’ailleurs l’endroit où l’on trouve le plus de personnes qui viennent en famille, accompagnées de leurs tout-petits, pour s’adonner aux joies de la plage. Cela risque, très bientôt, de n’être plus qu’un souvenir. Grace à Karim Wade ?
?