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Les secrets pour gagner une élection au Sénégal Par Pr Demba Sow

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Pour gagner une consultation électorale au Sénégal, un candidat ne doit plus compter sur le hasard, la ruse, la tortuosité encore moins sur le ndigueul. Notre pays a dépassé depuis l’an 2000 le niveau de démocratie qui permettait le trucage des résultats, le vol de résultats, les bureaux fictifs, le vote multiple, la falsification des procès verbaux etc. Celui qui veut gagner une élection ou donner la victoire à son parti ou à sa coalition doit abattre un travail titanesque, rigoureusement mené mais aussi avoir un comportement et une conduite exemplaires, irréprochables. Il devra se lever tôt, nouer le maximum d’alliances avec des mouvements citoyens ou partis politiques, conquérir de grands électeurs et les fidéliser, occuper le terrain politique dans la durée, fidéliser la base par un appui systématique aux militants pour tout besoin exprimé ou implicite, être ressortissant de la localité, être apte à défendre les intérêts des populations. Il devra avoir aussi un minimum de moyens financiers et logistiques sans compter uniquement sur le soutien de sa formation politique. Un leader, surtout candidat à une consultation électorale, devra éviter l’arrogance, le mensonge, l’indiscipline, l’insolence, la violence, la vanité, la traîtrise etc. La politesse, la courtoisie, l’écoute, la retenue, la mesure, la fermeté, l’humilité etc. sont des traits de caractères propres aux grands leaders. Des illustrations ne manquent pas au Sénégal. Certains hommes politiques, de vrais leaders, ont atteint leurs objectifs politiques grâce notamment à leur politesse, leur humilité, leur sens de la mesure et de la retenue. D’autres politiciens, des contre exemples, ont raté leur carrière politique à cause notamment de leur arrogance, de leur vanité, de leur tortuosité et de leur insolence. De nombreuses illustrations existent.
Pour gagner une élection, il faut faire d’abord acte de candidature en suivant la démarche administrative prévue par le code électoral. Il est recommandé pour un parti ou coalition de bien maitriser le code électoral. C’est pourquoi les responsables en charge des élections dans les partis politiques maitrisent bien, en général, ce document consensuel dédié aux élections. A l’entame des préparatifs des consultions, ces experts des élections sont sensés organiser des sessions de formation à l’intention des mandataires de leurs partis politiques ou coalitions s’ils prennent part au processus électoral. Le Ministère de l’Intérieur édite souvent des guides contenant la quintessence du code électoral à l’intention des responsables politiques. Les partis et coalitions ont tendance à négliger cet important travail administratif. Toute l’énergie des militants et responsables est souvent orientée vers les investitures. Ce travail préalable est utile car les candidats et mandataires doivent toujours se référer au code électoral tout au long du processus électoral. Sans maitrise du code électorale, les partis politiques ou coalitions de partis peuvent être victimes de forclusion et même se retrouver sans représentants dans les bureaux de vote. Ces petits détails cumulés peuvent entrainer une perte de voix ou même la défaite d’un parti ou d’une coalition lors d’une consultation électorale.
Pour gagner des élections, les partis politiques et coalitions ne doivent pas attendre la période de la campagne électorale pour descendre à la base. Un parti ou une coalition de partis politiques qui veut gagner une élection doit occuper le terrain politique dans la durée, bien avant la campagne électorale. C’est pendant l’occupation du terrain que le responsable fidélise ses militants, en conquiert d’autres, recueille les doléances des populations, noue des relations fructueuses avec des notables et des marabouts, gagne l’estime des populations à force de les fréquenter etc. Les populations ne votent pas en général pour un inconnu. Le parachutage ne marche pas au Sénégal comme en France. Un parachuté qui gagne une élection est forcément parrainé localement par un citoyen ou détenteur de pouvoir étatique et souvent fortuné. Des exemples illustratifs existent. Pour gagner une élection, il faut se lever tôt et maintenir la cadence jusqu’à la proclamation des résultats finaux.
La force d’un parti politique est intimement liée au nombre de grands électeurs conquis et fidélisés dans les localités. Certains partis politiques qui ont pignon sur rue à Dakar sont de grands inconnus dans beaucoup de départements. Ces partis politiques n’ont aucune chance de gagner une consultation nationale. Souvent, les grands électeurs sont de potentiels transhumants si leur leader ne sait pas ou ne peut pas les fidéliser. Ils sont très courtisés par le parti au pouvoir ou les nouvelles formations politiques non encore implantées dans les départements. Un parti qui ne peut pas conquérir ou fidéliser de grands électeurs est un parti cabine téléphonique ou yobaléma comme il en existe beaucoup au Sénégal.
Le terrain politique est impitoyable et il a des exigences incompressibles et irréductibles. Le parti qui veut gagner une élection doit l’occuper en permanence et efficacement. En politique, on constate que, loin du leader, perte du militant. Le parti qui gagne est le plus présent et le plus visible dans les baptêmes, ziarras, funérailles, mariages, matchs de navétane etc. A chaque évènement, le représentant du parti potentiellement victorieux décaisse. A la base, celui qui garde ce qu’il a dans sa poche, ne gardera pas les gens avec lui. Un leader qui gagne ou qui fait gagner son parti ou sa coalition est un responsable qui a des moyens et les donne. C’est pour cette raison que le parti au pouvoir est toujours la première force politique au Sénégal.
Un parti qui veut gagner une élection doit avoir un leader local charismatique capable de vendre son gourou et de parler du programme de sa formation politique de façon convaincante et compréhensible tout en mettant l’accent sur les spécificités de la localité. Le responsable local doit avoir l’envergure et l’étoffe d’un leader pour gagner ou faire gagner son parti ou sa coalition. Il doit être un excellent manageur et si possible membre de la direction de son parti. Un parti qui veut gagner une élection devra avoir un leader respectable et crédible dans chaque département.
Certains défauts peuvent être fatals à un leader et donc à son parti. Parmi ceux-là, le mensonge qui se manifeste par des promesses fantaisistes et fausses, des déclarations de patrimoine ou de diplômes mensongère, des relations imaginaires etc. Beaucoup de responsables politiques ont tout perdu à cause du mensonge. Un leader menteur est un poison pour un parti ou une coalition. Un responsable politique menteur est un handicap structurel, une boulaie que traine son parti.
Un parti politique dont les responsables sont inaccessibles est un parti qui ne gagnera pas une consultation électorale sauf s’il y a un miracle. Ce que le militant apprécie le plus chez son responsable, c’est son accessibilité à tout moment. Parler avec son responsable politique au téléphone, monter à bord de son véhicule, déjeuner avec lui, le recevoir chez soi etc. permet une fidélisation quasi irréversible d’un militant. Lorsqu’un leader reste inaccessible pendant longtemps, il pousse ses militants à la transhumance et cela arrive souvent, surtout avec les partis politiques au pouvoir au Sénégal. Certains compatriotes coupent tous liens avec les militants et les amis dès qu’ils accèdent au pouvoir. Ils oublient que seul le pouvoir de Dieu est éternel. Pour gagner une consultation électorale ou faire gagner son parti ou sa coalition, un leader doit donc rester accessible même si ce n’est pas toujours facile. Un leader inaccessible doit arrêter la politique et faire autre chose sinon il pénalise son parti.
Le leader qui veut gagner une élection ou faire gagner son parti ou sa coalition a intérêt à avoir les meilleures relations avec les autorités religieuses et coutumières. Ces notables sont porteurs de voix et sont très écoutés dans leurs zones d’influence. Les avoir contre soit est une quasi certitude de défaite électorale.
Un leader gagneur ou faiseur de roi doit être un responsable qui respecte et fait respecter la discipline et la ligne de son parti s’il en a pas. Il doit être en parfait accord avec la direction de sa formation et suivre scrupuleusement ses directives tout le long du processus électoral.
Au Sénégal, un seul parti ne peut plus gagner une consultation électorale. Les partis politiques sont obligés depuis l’an 2000 d’aller aux élections en coalition pour espérer les gagner. Ainsi, en 2000 et 2012, les élections présidentielles ont été remportées par des coalitions. Celles du 30 juillet 2017 seront aussi remportées par une coalition. Pour les partis politiques organisés et expérimentés, c’est bien avant les élections que leurs chefs doivent signer des accords avec leurs homologues pour former des coalitions. Au Sénégal, la constitution de coalition est très difficile et complexe car les chefs de partis alliés ne sont mus que pour des intérêts individuels immédiats. Les coalitions engagées dans les élections législatives du 30 juillet 2017 n’ont pas de programme de gouvernement. Ces regroupements de partis politiques sont purement électoralistes.
Les partis politiques ou coalitions ont intérêt à entretenir les meilleures relations avec l’administration territoriale même si elle est républicaine et apolitique. Souvent, les sous préfets, préfets et gouverneurs prodiguent discrètement d’utiles conseils aux responsables politiques. Maitres d’œuvre des élections, les agents de l’administration peuvent être utiles ou redoutables pour les leaders des partis politiques ou coalitions.
A l’occasion des élections législatives du 30 juillet 2017, les leaders locaux, les chefs de partis politiques ou coalitions vont avoir l’occasion de vérifier ces secrets in situ. Les forces politiques engagées dans la bataille électorale qui investiront des militants quelconques sur les listes départementales paieront cash leurs erreurs. Les votes sanctions seront les réponses que les militants infligeront aux chefs de coalitions qui rateront leurs investitures. Ni le pouvoir, ni l’opposition n’est à l’abri de la sanction des frustrés.
Après 57 ans d’indépendance et 2 alternances démocratiques, ne doit plus être député qui veut au Sénégal. Les chefs de partis politiques ou de coalitions doivent prendre en main la confection des listes de candidats pour éviter le choix par la base de candidats non conformes. Ne devraient être investis pour les législatives de 2017 que des gens qui ont le profil de député et qui ont une basse politique réelle. La fonction de député est trop importante pour être confiée à des gens sans niveau et sans expériences dans la vie politique et/ou associative. L’impopularité de nos députés, le bas niveau des débats parlementaires, la mauvaise qualité académique des rapports des commissions techniques et budgétaires et autres documents tel que le règlement intérieur, l’absentéisme scandaleux de nos parlementaires etc. sont la résultante d’une investiture sans respect du profil exigible pour être député. Le pouvoir et l’opposition ont intérêt à ce que notre parlement soit animé par des députés comprenant le rôle de cette institution dans le fonctionnement de l’Etat mais sans être des charlots versatiles. Dans une vraie démocratie, le dialogue politique se fait aussi à l’Assemblée Nationale.
Pr Demba Sow
Ancien député
Ancien Conseiller Economique et Social

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