Lors de son audition devant le Commission du renseignement du Sénat, l’ex-patron du FBI James Comey est revenu sur ses échanges avec Donald Trump. Il a affirmé n’avoir aucun doute sur l’ingérence russe dans l’élection américaine.
« Dérangeant », « troublant », « préoccupant »… Autant que le contenu même du témoignage de James Comey, ce sont les mots employés par l’ancien chef du FBI, James Comey, lors de son audition publique très attendue devant la Commission du renseignement du Sénat, jeudi 8 juin, qui ont révélé la nature de ses rapports tendus avec le président Donald Trump.
Interrogé par les sénateurs qui enquêtent sur l’interférence possible du président américain dans les investigations sur l’ingérence russe lors de l’élection américaine pour protéger son ancien conseiller à la sécurité, Michael Flynn, James Comey s’est efforcé de rendre compte de ses échanges avec le président américain. De fait, l’ancien premier policier des États-Unis n’a pas apporté d’éléments fondamentalement nouveaux qui ne figuraient déjà dans sa déposition rendue publique mercredi. Mais il a surtout décrit son état d’esprit au sortir des neuf conversations qu’il a eues avec le milliardaire entre janvier et le 9 mai 2017, jour de son limogeage.
L’une d’entre elles, surtout, a focalisé l’attention des membres de la Commission. Le 16 mai, le New York Times avait en effet révélé une note de James Comey, écrite après un entretien qu’il avait eu le 14 février 2017 avec le président américain, au lendemain de la démission de Michael Flynn à la suite de révélations sur ses contacts avec l’ambassadeur russe à Washington. Dans ce mémo, l’ancien chef du FBI citait Trump lui déclarant : « J’espère que vous pourrez laisser tomber (…). J’espère que vous pourrez juger bon de laisser tomber, de laisser Flynn. C’est un bon gars ».
« Bouche bée »
Bien qu’il ait jugé, jeudi, cette conversation « dérangeante », James Comey s’est refusé à dire si elle constituait une tentative d’entrave à la justice. « Je ne pense pas que ce soit à moi de dire si la conversation que j’ai eue avec le président était une tentative d’obstruction », a-t-il prudemment indiqué durant son audition. Il a toutefois insisté sur le fait qu’il avait interprété les paroles de Donald Trump « comme une instruction ». « J’étais tellement stupéfait par la conversation que j’en suis resté bouche bée », a-t-il dit aux élus, se disant aussi « choqué et dérangé ». Croit-il qu’il a été licencié à cause de l’enquête sur la Russie ? « Oui, car j’ai vu le président le dire lui-même », a répondu James Comey, se référant à un tweet de Donald Trump.
À la question de savoir si le président avait demandé directement à un quelconque moment, d’arrêter l’enquête du FBI sur l’ingérence russe dans l’élection américaine de 2016, James Comey a en revanche répondu par la négative. Mais il a confirmé que le chef de l’État lui avait demandé sa « loyauté », alors même qu’il supervisait les investigations sur une éventuelle collusion entre des membres de l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie pendant la campagne présidentielle de 2016.
« Le FBI est honnête »
L’ancien directeur du FBI s’est toutefois montré plus virulent sur les circonstances de son limogeage. Aussi, a-t-il accusé l’administration de Donald Trump d’avoir « diffamé » la police fédérale ainsi que lui-même. « Ce sont des mensonges purs et simples, a-t-il déclaré. Bien que la loi n’exige aucun motif pour renvoyer un directeur du FBI, l’administration a choisi de me diffamer ainsi que le FBI, et c’est le plus important, en affirmant que l’agence était en déroute, qu’elle était mal gérée, et que les employés avaient perdu confiance dans leur directeur. Ce sont des mensonges purs et simples. » Ajoutant : « Le FBI est honnête. Le FBI est fort, et le FBI est et sera toujours indépendant. »
Mais, visiblement, James Comey n’a pas attendu d’être limogé pour voir dans le président américain un potentiel menteur. Lors de son audition, l’ancien chef de FBI a en effet expliqué avoir ressenti le besoin de consigner ses tête-à-tête avec le chef de l’exécutif américain. Et ce dès leur première rencontre le 9 janvier dans la Trump Tower de New York, alors que Donald Trump n’était toujours pas investi. « J’étais soucieux de ce qu’il mente sur la nature même de notre rencontre, a expliqué James Comey. Je l’ai fait à chacune de nos neuf conversations, car je savais qu’un jour viendrait où j’aurais peut-être besoin de traces écrites du contenu de nos conversations. » Avant de poursuivre : « Je craignais qu’ils disent des choses fausses. J’ai eu deux contacts avec Barack Obama et je n’ai rien noté. »
Un audition accablante
« Cette audition est accablante pour l’administration Trump », analyse Gallagher Fenwick, correspondant de France 24 à Washington. Reste à savoir si les multiples requêtes présidentielles, telles qu’elles sont rapportées par James Comey, représentent une interférence politique et une entrave à la justice, un délit majeur qui pourrait conduire au lancement par le Congrès de procédures de destitution comme ce fut le cas pour Richard Nixon et Bill Clinton.
« Techniquement, tous les éléments sont là pour lancer une procédure, commente sur France 24 Eric Lisann, expert juridique et ancien procureur fédéral américain. Il faut se rappeler que Trump lui-même avait expliqué lors d’un entretien télévisé avoir limogé Comey parce qu’il en avait marre de cette affaire d’ingérence russe. Il n’y a donc pas beaucoup de doute sur le fait qu’il ait voulu mettre fin à l’enquête. Mais mener une action pénale contre le président est une chose très complexe. D’autant qu’il est possible que les élus républicains au sein du Sénat décident de ne rien faire. »
Pour sa part, Donald Trump n’a pas commenté personnellement le témoignage de James Comey. Mais, peu après l’audition, sa porte-parole, Sarah Huckabee Sanders, a toutefois affirmé « avec certitude que le président n'[étai]t pas un menteur ». L’avocat personnel du président, Marc Kasowitz, a de son côté affirmé que son client n’avait jamais exigé de James Comey sa « loyauté », tout en évoquant d’éventuelles poursuites contre l’ex-patron du FBI pour avoir divulguer à la presse ses notes sur ses rencontres avec le président américain.