Le Sénégal est réputé pour sa diplomatie modérée, souple et équilibrée. Cela lui a valu la confiance et le respect de la communauté internationale. En dépit de sa petite taille démographique et l’étroitesse de sa superficie, le Sénégal jouit d’une certaine notoriété à travers le monde ainsi qu’au sein des instances internationales. Membre non permanent du Conseil de sécurité pour la troisième fois, notre pays préside depuis sa création en 1975 par l’Assemblée générale de l’Onu, le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. Le Sénégal a été, avec le Niger, les seuls pays de l’Afrique noire à voir leurs ressortissants (Karim Gaye et El Ghabid) assuré la fonction de Secrétaire général de l’Oci, dont le Sénégal est, de nos jours, le seul pays noir du Continent, à avoir abrité (deux fois) le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement…
De l’indépendance à nos jours, la diplomatie sénégalaise a été connue pour sa modération, son efficacité et son indépendance. Depuis quelques temps, nous remarquons, en revanche, des dérives qui fragilisent cette diplomatie et annihilent les performances enregistrées dans ce domaine.
La signature d’accords de défense avec les Etats-Unis, l’accueil sur notre sol d’anciens terroristes sortis de Guantanamo, la décision d’envoi de soldats sénégalais au Yémen et la récente mesure concernant le rappel de notre ambassadeur à Doha(Qatar), suite à la crise entre l’Arabie Saoudite et le Qatar sont autant de décisions contestables et contestées qui ne cadrent pas avec notre ligne diplomatique. Elles laissent transparaître un tâtonnement en matière de choix diplomatiques et une mollesse coupable face aux pressions venues d’ailleurs. La nature de nos relations avec la France ne satisfait guère à la majorité des Sénégalais qui y voient une nette dépendance, préjudiciable à la sauvegarde de nos intérêts nationaux. Il en est de même pour ce qui concerne nos relations diplomatiques avec le monde arabo-islamique, où nous avons l’impression qu’un amateurisme certain, guide et oriente nos gouvernants en la matière.
La parenthèse du 23 décembre 2016, lorsque notre pays a osé réintroduire avec d’autres Etats, la résolution 2334 du Conseil de Sécurité condamnant la politique israélienne de peuplement des colonies en territoires occupés, a été vite rangée aux oubliettes, depuis que notre Président de la République a rencontré à Monrovia, il y a quelques semaines, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, avec qui, il renouvelé l’excellence des relations diplomatiques entre le Sénégal et l‘Etat d’Israël et rétabli la coopération bilatérale en la hissant à son niveau d’avant la crise passagère.
Cette défaillance diplomatique a été notée, une fois de plus, lors de la déclaration conjointe entre le Président français Emanuel Macron et son hôte sénégalais Macky Sall. Comme du temps colonial, c’est le président français qui annonce aux Sénégalais et au mon de entier, que le Sénégal va augmenter prochainement ses troupes au Mali : « … Je veux ici redire le rôle majeur que le Sénégal joue et a joué dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le Sénégal a été à nos côtés depuis le départ. Je n’oublie pas que les premiers éléments de l’opération Serval se sont déployés à partir du Sénégal et que le Sénégal, déjà fortement engagé, deviendra dans les prochaines semaines le premier contributeur à la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Mali », dixit le Président français Emanuel Macron, qui avait à ses côtés, le Président du Sénégal Son Excellence M. Macky Sall !
Je ne sais pas, si c’est par ignorance ou par simple mégarde que le président de la République laisse passer de tels manquements, mais ceux-ci entachent fortement l’image de marque de notre diplomatie.
De même, la position précipitée à l’égard du Qatar, pour une crise qui venait juste d’éclater entre deux pays frères, indique que la décision prise par le Sénégal n’a pas été suffisamment mûrie. Les récentes déclarations du chef de l’Etat, en marge de sa visite en France, soutenant la position équilibrée de la Guinée Conakry par rapport à la crise du Golfe et appelant à la désescalade, prouvent comme bien, les Autorités sénégalaises se sont écartées de leurs positions habituelles en rappelant leur ambassadeur à Dakar.
Il est inadmissible, pour un pays comme le Sénégal, de cautionner l’asphyxie du peuple Qatari, dans ce mois béni de ramadan, pour de simples jeux géostratégiques, inspirés de surcroît, par un certain Donald Trump.
C’est cela qui explique que le peuple sénégalais, dans ses différentes franges, apporte son soutien fraternel et indéfectible au peuple musulman du Qatar !
Mamadou Bamba Ndiaye
Ancien Ministre en charge des Affaires Religieuse
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