Dernier président fondateur d’un club de L1 encore en exercice, Louis Nicollin, qui s’est éteint ce jeudi, tenait une place résolument à part dans le paysage footballistique français : celle d’un homme qui faisait rimer passion, coeur et démesure.
On l’aimait, on ne l’aimait pas, mais au moins on l’entendait et surtout, il ne laissait personne indifférent. Disparu ce jeudi, le jour de ses 74 ans des suites d’un malaise cardiaque, Louis Nicollin occupait une place à part dans le paysage footballistique français. Et quelle place, d’ailleurs : imposante, sonore, truculente. Arrivé dans le football en 1974, le directeur général du groupe Nicollin, spécialisé dans l’enlèvement des déchets urbains et industriels, a mené le club de Montpellier de la Division d’Honneur à la Première Division, pas à pas, et l’y a implanté durablement.
Le foot, le grand amour de Loulou, mais pas le seul : il y a eu L’AS Béziers en rugby, dont il a été le principal sponsor de 1999 à 2009, puis le Montpellier Hérault Rugby Club, mais il y eut aussi le Paris Basket Racing (2000-2004) et le Paris Handball (2002-2012), utilisés comme leviers pour gagner des marchés. «Je n’aurais jamais dû aller au basket et au hand, si je pouvais changer une chose, ce serait ça», confessait-il d’ailleurs. Parfois donc, Loulou Nicollin ne tournait pas aussi rond que son ballon préféré et il le reconnaissait. D’autres fois pas, et cela faisait les gros titres. Une vie de sport, qui s’ouvrait chaque matin avec la lecture de L’Equipe, et une vie d’excès.
Le ballon rond, sa vraie passion
Plus ancien président d’un club de foot encore en exercice, Louis Nicollin régnait sur un empire de 5000 employés et près de 300 millions d’euros de chiffre d’affaire annuel. Un empire hérité de son père, Marcel, négociant en charbon, et qu’il a fait fructifier au fil d’une success-story familiale dopée par le sport. Voilà pour le versant businessman de l’homme, qui sponsorisait à qui mieux mieux les agglomérations où il obtenait des marchés, même si sa ville de cœur a toujours été Montpellier.
C’est là que ce fou de sport, fan de l’Olympique lyonnais durant sa jeunesse valentinoise, a connu sa plus belle aventure en la matière : le Montpellier Hérault, qu’il a créé 1974 en fusionnant le FS Nettoiement et l’équipe de La Paillade, qu’il amènera de la sixième division à la première en 15 ans entouré de compères à qui il jure fidélité (Michel Mézy, Bernard Gasset, Robert Nouzaret notamment). Un club géré de façon familiale, «à l’affectif», avec son fils Laurent qui en est le président délégué, un club «qu’il aime plus que tout».
Louis Nicollin, un président heureux : Montpellier est sacré champion de France ! (A.Mounic/L’Equipe)
Louis Nicollin, un président heureux : Montpellier est sacré champion de France ! (A.Mounic/L’Equipe)
2012, la grande année
En 43 années, le MHSC ne le lui a pas complètement rendu, même s’il lui a offert un titre de Champion en 2012, une Coupe de France en 1990, quelques finales et des sensations européennes en Coupe de l’UEFA. Il lui a tout de même offert d’agrandir sa fameuse collection de maillots (4000), abritée dans son fameux Mas Saint-Gabriel en Camargue. Sa passion se matérialise aux murs de chez lui, et sa démesure dans ses excès médiatiques : du genre à appeler un mage à la rescousse qui lui conseille de faire jouer son équipe en jaune en 1996 contre le Sporting, de chercher dans du sang de poulet les raisons de l’échec d’une saison ou de traiter un joueur adverse de «petite tarlouze».
L’affaire Benoît Pedretti en 2009, au terme de laquelle il a menacé de ne plus s’exprimer publiquement … Mais ce dérapage légèrement homophobe n’aura finalement pas été son dernier. Loulou Nicollin, ou un éléphant dans un magasin de porcelaine, si tant est que le football français puisse être associé à tant de délicatesse. En tout cas, le président historique de Montpellier n’était pas inquiet sur ce qui l’attendait «après», comme il l’avait confié à Libération en 2010 : il était persuadé d’aller au paradis, «pas en TGV, ni en Concorde, mais tranquille, avec une petite micheline», parce qu’il a fait «manger 5 000 personnes, multiplié par deux plus les gamins, ça fait du monde». Loulou, oui, c’était bien toi.
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